Malgré un relatif anonymat, Rose Lavaud fait partie de ces joueuses incontournables de la D1 hexagonale. Milieu de terrain percutante, sa qualité technique avait été capturée par les caméras de la FFF lors de son passage en équipe de France A en 2013. Plus récemment, elle a inscrit le but de la victoire lors du triomphe de Saint-Étienne à Montpellier en Coupe de France. Un succès qui pourrait relancer les Vertes sur cette fin de saison. Des dribbles et des couleurs, on en parle avec Rose Lavaud dans cet entretien grand format.

 

Cœurs de Foot - Alors pour commencer, on va parler de votre actualité la plus récente, avec cette belle victoire en Coupe de France face à Montpellier. Ça vous a surpris ce résultat, réussir à éliminer Montpellier ?

Rose Lavaud - C'est sur que quand on prépare le match, on se dit qu'on a moins de chances qu'elles de gagner. Après voilà, un match c'est un match. On s'est conditionnées, on s'est préparées comme il faut à l'échauffement. Après, c'est pendant le match. Si au fur et à mesure on voit qu'elles n'y arrivent pas et que nous au contraire, on arrive à créer des choses et même de marquer un but, là on prend le dessus et on arrive à créer l'exploit parce que on a tenu jusqu'au bout, même si c'était pas facile.

CDF - En plus, c'était une victoire à l'extérieur...

R.L - Oui c'était à l'extérieur. Après, nos perfs montrent qu'on est meilleures à l'extérieur que chez nous (rires) donc bon...

CDF - Et c'est vous qui marquez le but vainqueur...

R.L – Oui

 

«  On espérait beaucoup tomber sur Hénin-Beaumont »

 

CDF - La suite en demi-finale, ce sera le Paris Saint-Germain. Comment vous appréhendez ce match ?

R.L - On espérait beaucoup tomber sur Hénin-Beaumont mais bon... Là du coup, on va se préparer comme on prépare les autres matches de Coupe de France. Après c'est Paris, du coup ce sera encore plus dur que Montpellier, on le sait. On aura encore moins de chances de gagner, de toute façon on va aller jouer le match et puis on verra. On va mettre tous les ingrédients possibles pour arriver à créer un autre exploit.

CDF - On donne parfois à Saint-Étienne cette réputation « d'équipe de Coupe ». Et c'est vrai que par le passé, l'ASSE a réussi à sortir le PSG, là Montpellier. Qu'est-ce qui fait qu'en Coupe de France vous arrivez à battre ces équipes, contre qui c'est plus difficile en championnat ?

R.L - Je pense peut-être que c'est le contexte. Le fait que ce soit un match de Coupe et que tout soit possible si on gagne, [le fait] qu'on soit beaucoup plus agressives et accrocheuses. C'est ce que notre coach [Hervé Didier] nous reproche aussi, de pas l'être dans tous les matches de championnat, de pas pouvoir reproduire les mêmes performances. Après, c'est vrai qu'on a peut-être pas forcément l'effectif pour et puis les matches s'enchaînent. Sur un match, quand on donne tout ça peut passer. On le prépare peut-être différemment.

 

« Des points qui passent à la trappe »

 

CDF - Pour parler du championnat, Saint-Étienne est à la lutte pour le maintien même si vous avez aussi deux matches en retard à jouer. Quand on regarde les résultats, on voit récemment des défaites contre Marseille, Albi et en même temps une victoire contre Juvisy. Comment vous analyser la situation de votre équipe cette saison ?

R.L - Ce qui est dommage, c'est qu'on arrive à faire des performances contre des équipes qui sur le papier sont meilleures que nous et a contrario qu'on fasse des contre-performances contre des équipes qui sont à notre portée. Est-ce qu'inconsciemment on se dit que ça va être plus facile ou qu'on lâche le pied, qu'on se met à leur rythme et du coup qu'on arrive pas à imposer le nôtre ? Peut-être. Après c'est des points qui passent à la trappe et qui nous manquent à la fin de la saison.

CDF - Est-ce que pour vous, le départ de joueuses expérimentées comme Sarah Palacin ou Sabrina Viguier qui a arrêté sa carrière, n'explique pas certaines des difficultés de l'équipe cette saison ?

R.L - Je dis pas qu'on est vraiment en difficulté parce que l'an dernier, c'était un peu pareil mais c'est sur qu'on a un groupe qui est plus jeune. Celles qui sont parties, elles avaient la trentaine et c'était vraiment l'expérience donc ça nous aidait beaucoup. Là c'est vrai qu'on se retrouve avec un groupe plus jeune, qui est plus fougueux et un peu moins expérimenté mais au final c'est une autre équipe qu'on a. C'est vrai qu'on a perdu en expérience, mais on a gagné en folie aussi donc ça peut compenser un peu les choses.

Après, c'est vrai que le classement reflète pas la place à laquelle on devrait être parce qu'il nous manque des matches.

« Essayer d'imposer notre rythme »

 

CDF - Dimanche, le prochain match va être important pour le maintien, face à Bordeaux. Comme vous avez essayé de préparer cette rencontre avec l'équipe ?

R.L - On va essayer de le préparer de la meilleure des manières et de pas essayer de s'enflammer. Comme on a gagné Montpellier, on peut très bien se dire que ça va être un match facile mais il faut pas du tout partir dans cette optique-là. On va jouer le match comme on se doit de le jouer, en prenant notre adversaire au sérieux et en essayant d'imposer notre rythme.

C'est ce qui nous manque en fait, contre les équipes à notre portée. On joue à leur rythme et on arrive pas à imposer notre jeu et du coup c'est peut-être ça qui bloque. Alors que quand on joue contre des équipes supérieures, on est obligées d'élever notre niveau et c'est ce qui fait que des fois ça passe. Donc, c'est ce qu'il faut qu'on arrive à reproduire pour les matches qui sont à notre portée et pour pas faire de contre-performances comme on a pu le faire.

CDF - Cette saison pour vous a aussi été coupée par plusieurs semaines d'absence. Quel regard vous avez sur vos propres performances cette année ?

R.L - Oui, j'étais blessée, j'avais une déchirure aux ischio-jambiers. C'est vrai que ma saison a été un peu coupée en deux. Le début de saison s'était plutôt bien passé pour l'équipe et pour moi aussi. Après c'était une blessure qui était plutôt longue pour se rétablir donc ça fait qu'on revient progressivement dans le groupe. Et puis faut récupérer le rythme, le temps de jeu et refaire sa place du coup, donc voilà, c'était un peu entrecoupé. Je me suis bien relancée, il y a eu la sélection à l'Istria Cup qui m'a fait du bien aussi et puis maintenant je vais essayer de terminer ma saison du mieux que je peux.

 

« Des joueuses […] qui peuvent apporter d'autres choses »

 

CDF - Justement, la sélection, l'équipe de France B. Est-ce que vous pouvez nous parlez de ce tournoi l'Istria Cup que vous avez disputé début mars ?

R.L - C'est un tournoi amical. Il y a deux groupes de quatre équipes et on rencontre des équipes comme la Bosnie, la Croatie, la Hongrie B et l'Irlande du Nord. Donc c'est des équipes qui sont à notre portée et c'est intéressant de les jouer, ça apporte de l'expérience sur le plan international et puis on joue avec des joueuses qui viennent d'équipes de niveau élevé, on est plutôt bien entourées. Ça nous permet aussi de sortir de notre routine en club, d'essayer de faire vraiment le maximum et de montrer qu'on a sa place aussi en équipe de France B [pour] voir plus haut après.

C'est à ça que ça sert, ça sert aussi déjà pour le coach de l'équipe de France B [Jean-François Niemeski], de nous voir, de voir comment on progresse et puis après le but c'est d'aller un peu plus haut encore.

CDF - Vous comptez désormais une quinzaine de sélections en équipe de France B, c'est votre troisième Istria Cup. Cela devient quelque chose de régulier...

R.L - Oui, ça devient quelque chose de régulier donc c'est plutôt positif. Ça veut dire que le sélectionneur compte sur moi aussi et ça fait toujours plaisir de pouvoir être appelée en sélection. Après ça fait du bien de jouer avec des joueuses avec qui on a pas forcément l'habitude de jouer, qui peuvent apporter d'autres choses, nous apprendre d'autres choses ou même nous leur apprendre d'autres choses, savoir jouer différemment aussi. Faut savoir s'adapter aussi à ça, donc c'est intéressant.

 

« Se dire qu'on nous oublie pas »

 

CDF - Entre vos sélections en jeunes, l'équipe de France universitaire, en B, finalement vous êtes toujours suivie, avec des appels réguliers même si ce n'est pas les A...

R.L - Oui, je trouve que c'est important aussi. Ça permet de toujours rester en confiance, de se dire qu'on nous oublie pas et qu'on a toujours une chance d'aller au plus haut niveau donc c'est important de pouvoir y rester.

CDF - Et ces sélections vont avec des titres. Championnat d'Europe U19 en 2010, le Championnat du Monde Universitaire en 2015. Est-ce que ces titres, ça reste vos meilleurs souvenirs dans votre carrière ?

R.L - Oui, c'est sur que ça reste les meilleurs souvenirs parce que c'est ce pourquoi on joue au foot en fait, pour gagner des titres et pour vivre des moments comme ça donc c'est sur que sur le plan sportif c'est ce qu'il y a de mieux.

CDF - Et pour les A ? Vous avez connu une sélection en 2013 face à la Bulgarie, qu'est-ce qui manque pour franchir ce palier et pourquoi pas s'installer chez les A ?

R.L - Qu'est-ce qu'il manque ? (sourire) Des détails sûrement, sur le plan physique, technique, tactique, la puissance. Tout ce que les joueuses ont et qui sont en haut. Et puis, être dans un club professionnel, ça aide beaucoup parce qu'elles font que du foot, elles progressent beaucoup plus vite et elles ont une meilleure capacité à jouer au haut niveau.

CDF - Aujourd'hui, vous travaillez comme kinésithérapeute à côté du football. Est-ce que devenir professionnelle n'est pas devenu aujourd'hui presque un passage obligé pour jouer en équipe de France A ?

R.L - Oui, je pense que c'est compliqué d'y aller sans être professionnelle et dans une structure pro.

CDF - Et pour vous, si l'opportunité se présente, jouer pro quelques années, c'est quelque chose que vous gardez en tête ?

R.L - Si l'opportunité se présente, ça restera un objectif c'est sûr.

 

« Une expérience à vivre »

 

CDF - Toujours dans les sélections, mais sur un côté peut-être plus anecdotique. J'ai vu que vous aviez joué pour une autre sélection, celle de l'Occitanie. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

R.L - En fait l'équipe d'Occitanie [participait à] un tournoi, l'Europeada. Ça regroupe les équipes qui représentent les langues de chaque nation qui sont un peu perdues. Donc là, on représentait l'Occitanie et la langue, c'était l'Occitan. Et comme j'avais joué à Toulouse pendant un an, j'avais fait des tournois universitaires avec le coach [Sylvain Blaise] qui s'en occupe, et c'est lui qui s'en occupait [aussi] pour l'Occitanie. Du coup, il m'a proposé et il m'a demandé, comme j'avais joué à Toulouse. Et puis, [étant] originaire de la Corrèze et que ça fait partie de l'ancienne Occitanie, il m'a proposé et j'ai dit oui.

CDF - Et l'Occitan, c'est une langue que vous pouvez parler ?

R.L - Non du coup, c'est une langue qu'on a un peu appris là-bas parce qu'on avait quelques cours d'Occitan aussi, donc c'était une expérience à vivre. Et puis, une langue à découvrir parce que c'est vrai que c'est une langue perdue et qui se parle très peu et donc c'était intéressant aussi. Mais c'est pas une langue qu'on parle quotidiennement.

 

« Créer l'incertitude »

 

CDF - Cette interview c'était aussi l'occasion de vous faire découvrir. Ceux qui s'intéressent au football féminin connaissent votre nom mais pas forcément votre jeu. Si je vous que vous êtes une joueuse de percussion avec une grosse qualité technique, ça vous paraît bien comme description ?

R.L - Oui, ça me va. C'est un peu moi (rires)

CDF - Au-delà de ces qualités, sur quels aspects de votre jeu vous essayez de progresser en ce moment ?

R.L - J'essaye de progresser dans tout ce qui est variété de jeu, dans les appels, pas faire les mêmes appels, essayer de créer l'incertitude, de jouer un peu plus dans l'axe aussi parce que ça m'est arrivé de jouer 10. C'est aussi un rôle que j'aime bien et que j'aimerai retrouver aussi parce que maintenant rester au bord de la ligne et attendre les ballons, c'est plus trop le football d'aujourd'hui et du coup faut s'adapter et j'essaye de m'adapter. C'est surtout ça que je travaille

Après, [il y a] tout ce qu'on travaille à l'entraînement, sur le plan physique, sur le plan tactique, le projet de jeu que j'ai avec l'équipe de Saint-Étienne. Donc ça, ça s'inclut dedans.

CDF - Le poste que vous occupez actuellement, de milieu offensive excentrée, ça n'a pas toujours été votre poste ?

R.L - Depuis que je suis à Sainté, c'est le poste auquel je joue le plus souvent, même très souvent. À Toulouse, ça m'est arrivé de jouer 10. Après j'étais plus jeune, mais j'ai joué attaquante, mais oui surtout milieu droit et 10, c'est les deux postes à retenir.

Hichem Djemai