Alors que l'équipe de France se prépare à recevoir la sélection anglaise vendredi à Valenciennes, c'est l'occasion d'évoquer le projet de la fédération anglaise d'établir une ligue totalement professionnelle au sommet du championnat féminin anglais, et ce dès la saison prochaine. Un projet ambitieux censé notamment rejaillir sur les performances de l'équipe nationale.

 

L'annonce a été faîte fin septembre par la fédération anglaise (FA) avec un nouveau plan de développement de la FA WSL, sigle qui correspond aux deux divisions les plus hautes du championnat d'Angleterre. Le projet est simple : la première division (FA WSL 1) doit devenir complètement professionnelle à partir de la saison prochaine, et la deuxième division (FA WSL 2) semi-professionnelle.

 

Une transition qui s'accélère

 

Ce projet n'arrive pas de nulle part. Depuis 2010 et la création de la Women's Super League, l'objectif pointé dans les documents de la fédération s'apparente clairement une montée en régime du championnat anglais, avec des objectifs chiffrés en terme de développement, comme par exemple sur le nombre de spectateurs dans les stades ou la visibilité des clubs et de la ligue sur les réseaux sociaux.

 

Une « attractivité » du football féminin pensée au travers d'un « cercle vertueux », entre l'investissement notamment financier de la fédération, l'implication des clubs et la capacité à attirer des nouveaux partenaires commerciaux. Des acteurs qui chacun à leur manière sont censés participer à l'élargissement de la « fanbase » autour des clubs de FA WSL, avec une fidélisation de ce public et dans le même temps développer la pratique chez les plus jeunes, qui pourront assister en famille aux matches des « grandes » et pour certaines, jouer un jour en FA WSL et dans les équipes nationales anglaises.

 

Un processus porté par la fédération anglaise

 

En 2014, la FA avait d'ailleurs publié un projet similaire, qui à l'époque parlait d'un championnat « semi-professionnel » qui soit « soutenable financièrement ». Cette fois-ci, la barre a donc été élevée d'un cran.

 

Dans cette optique, le soutien des instances fédérales se fait principalement par deux biais :

- un soutien direct aux clubs qui à partir de 2018/19 pourra aller jusqu'à 120.000 livres (134.300 euros) par saison. Des sommes qui augmentent régulièrement depuis la création de la FA WSL.

- les « contrats centraux » qui sont établis pour une trentaine de joueuses internationales anglaises, et dont le montant s’élèverait aujourd'hui entre 25.000 et 30.000 livres annuels (soit environ 30.000 euros).

 

Ces contrats pris en charge par la FA peuvent être cumulés avec une rémunération payée par les clubs, qui ne prennent donc en charge qu'une partie des sommes perçues par les meilleures joueuses anglaises. Un système qui permet également aux clubs de contourner le « salary cap » (plafond salarial) qui interdit de compter dans son effectif plus de quatre joueuses avec un salaire annuel supérieur à 20.000 livres (22.375 euros).

 

Cette transition vers un championnat professionnel se fait aujourd'hui de manière rapide puisque les clubs doivent déposer leurs dossiers avant le 10 novembre prochain auprès de la fédération, avec une décision qui sera prise avant la fin de l'année 2017 sur les équipes qui pourront participer à cette nouvelle formule.

 

Un avenir incertain pour certains clubs

 

La saison prochaine, la FA WSL 1 contiendrait donc huit à quatorze clubs professionnels, une fourchette qui montre en partie l'incertitude sur le nombre de candidats qui répondraient aux critères établis par la FA. Parmi ces critères, l'obligation de proposer un minimum de 16h d'entraînement aux joueuses, des sessions qui devront être organisées en journée (entre 9h et 18h). Une organisation difficilement compatible avec une autre activité professionnelle ou des études et un volume horaire qui s’élèvera progressivement à 20h par semaine pour la saison 2020/21.

 

Ce projet risque de laisser sur le côté une partie des équipes de l'actuelle FA WSL 1. En janvier dernier, Sunderland avait justement pris la décision de revenir vers un format à temps partiel, avec des joueuses qui pour beaucoup travaillent ou font des études à côté du football. En avril, le club de Notts County avait décidé de dissoudre son équipe féminine, pour des motifs d'ordre financier, alors qu'elle était programmée pour évoluer en FA WSL 1 lors des Spring Series au printemps dernier et également cette saison.

 

Cette nouvelle donne a poussé récemment le club de Yeovil Town à lancer une récolte de fonds (crowdfunding) sur internet et tenter de trouver les 350.000 livres manquants pour répondre aux critères fixés pour rester en FA WSL 1 la saison prochaine, quelle que soit par ailleurs l'issue sportive de la saison.

 

Des descentes administratives à prévoir ?

 

La deuxième division anglaise (FA WSL 2) deviendrait de son côté une ligue semi-professionnelle, qui réunirait jusqu'à douze équipes contre dix aujourd'hui. Un deuxième échelon qui pourrait notamment regrouper toutes les équipes qui ne sont pas en mesure de s'aligner sur ce nouveau modèle quand bien même elles auraient les résultats sportifs pour accéder au plus haut niveau.

 

Une situation qui s'était déjà posée en 2013, lors de l'accession de Manchester City en FA WSL. Le club évoluait alors en FA Women's Premier League, l'ancienne première division féminine, devenue le troisième échelon après le création de la FA WSL (2010) et de la FA WSL 2 (2013). Manchester City termine alors quatrième de ce championnat, mais obtient directement son accession en FA WSL 1 sans passer par la FA WSL 2 nouvellement créée et dont la première saison devait débuter au printemps 2014. Sunderland, champion de la FA Women's Premier League, et donc devant Manchester City, est promu de son côté en FA WSL 2.

 

La raison de cette situation provient de la rétrogradation à l'époque des Doncaster Rovers Belles, une équipe historique du championnat féminin anglais et reléguée en FA WSL 2 pour raisons financières. Manchester City est alors placé à la place de Doncaster en FA WSL 1, parce que les Citizens disposent du dossier le plus solide sur le plan financier, en dépit des résultats sportifs qui lui étaient défavorables. Depuis, les investissements et le recrutement réalisés par le club mancunien lui ont permis de devenir le meilleur club du pays.

 

Élever les standards, à quel prix ?

 

Ce processus pose donc des questions puisque les résultats sportifs pourraient se révéler secondaires dans le choix des équipes qui auront le droit d'accéder à ce nouveau championnat. Une possible « marche forcée » vers le professionnalisme qui interroge en Angleterre, notamment sur le nombre de clubs qui seront capables de s'aligner sur ce modèle dans la durée, et le risque de marginaliser des acteurs/actrices historiques du football féminin anglais.

 

Parmi les enjeux posés par ce passage au professionnalisme, la question des stades. Le niveau d'exigence requis par la fédération correspond à ceux des championnats semi-professionnels masculins, autour de la septième division. Certains clubs comme Chelsea, Manchester City ou Reading évoluent sur des terrains qui sont au-dessus de ces standards mais le débat a été relancé, notamment par Lucy Bronze après la blessure de Pauline Bremer face à Everton.

 

Le Select Security Stadium où évoluent Liverpool et Everton est également partagé avec un club de neuvième division anglaise (Widnes FC) mais aussi des clubs de rugby et de football américain. Avec un terrain relativement dégradé, la question se pose pour les deux clubs de Merseyside de trouver d'autres terrains avec de meilleures conditions de jeu pour l'avenir.

 

L'Angleterre en quête de trophées

 

Une élévation des standards qui s'inscrit dans un plan pour créer « le championnat le plus enthousiasmant au monde » à l'image de la Premier League du côté des garçons. Un enthousiasme que la FA veut susciter autour des terrains avec un doublement de l'affluence dans les stades (un peu plus d'un millier en moyenne en 2016, l'objectif est de passer les deux mille à l'horizon 2020) mais aussi d'augmenter significativement le nombre de téléspectateurs et de « followers » sur les réseaux sociaux.

 

Une volonté qui se couple avec l'objectif de voir les clubs anglais mais aussi la sélection de remporter des titres à l'avenir au niveau international. Un plan ambitieux dont la Coupe du Monde 2019 mais surtout le prochain Euro pourrait servir à évaluer l'efficacité, une compétition que l'Angleterre veut organiser en 2021.

Hichem Djemai