Alors que la Coupe du Monde 2019 approche de son terme, la FIFA a annoncé que « la barre du milliard de téléspectateurs » devrait être franchie avant la conclusion du tournoi. Un chiffre record qui est l’un des signes du changement d’approche de la part des médias et des instances internationales du football concernant le Mondial féminin. De nouveaux paradigmes et un discours de plus en plus élaboré pour accompagner ce qui se passe sur le terrain.

 

A travers le monde, cette 8e édition de la Coupe du Monde aura été marquée par de nombreux succès d’audience. Un constat qui n’est pas valable uniquement en France où les chiffres ont plus que doublé par rapport à la dernière édition au Canada. Une réussite dont se félicite déjà le FIFA qui estime que l’audience globale du tournoi devrait dépasser le milliard de téléspectateurs.

 

Des marges de progression à la télévision, moins en tribunes

Il y a 4 ans au Canada, le Mondial avait généré une audience globale de 555,6 millions de téléspectateurs, un chiffre déjà dépassé avant les deux derniers matches ce week-end, puisque la FIFA a d’ores et déjà avancé un chiffre de 850 millions de téléspectateurs depuis le début de la compétition.

Dans sa communication, la FIFA a évoqué le fait « d’amener la Coupe du Monde féminine à un niveau supérieur », une démarche qui passe notamment par le fait de développer une audience globale autour du tournoi. En effet, du côté de l’affluence dans les stades, la Coupe du Monde en France devrait être la quatrième en terme de nombre de spectateurs, dépassant la barre symbolique du million après les éditions 1999, 2007 et 2015.

Cette édition 2019 devient le tournoi avec le plus grand nombre de spectateurs présents en tribune pour une Coupe du Monde en Europe, tout en restant derrière le Canada en terme d’affluence globale (1,35 million en 2015) et les États-Unis en moyenne de spectateurs par match (37.944). Pour ce Mondial, le taux de remplissage des stades a été proche de 75% (74,57) selon la FIFA, mais même avec l'ensemble des matches à guichets fermés, la France aurait fait moins que le Canada en 2015. 

 

Le record pour France - Brésil... en attendant la finale

La progression de l’audience du tournoi est  donc d’abord passée par les canaux de la télévision et des plateformes digitales qui ont diffusé la compétition.Dans ce domaine, de multiples records ont été battus, comme par exemple celui du match le plus suivi de l’histoire de la compétition.

C’est le 1/8e de finale entre la France et le Brésil qui a atteint des sommets avec plus de 58 millions de téléspectateurs (58,76), dont 35,24 millions au Brésil et près de 12 millions en France, ce qui en fait pour le moment le match le plus regardé du tournoi dans l’Hexagone. Même l’élimination des Bleues n’a pas empêché plus de 6 millions (6,277) de téléspectateurs de regarder la demi-finale Angleterre – États-Uni sur TF1 et Canal +.

En Europe, plusieurs pays ont également battu des records. Le plus spectaculaire est celui réalisé par l’Italie, avec 7,3 millions de téléspectateurs pour le match Italie – Brésil en phase de groupes. Selon les chiffres communiqués par la FIFA, cela multiplie par 15 le précédent record pour n match de football féminin diffusé en Italie !

Le Royaume-Uni a également multiplié son record d’audience par trois (8,8 millions pour Angleterre – États-Unis), tandis que la finale entre les Pays-Bas et la Suède (5,015 millions) a permis aux Oranje de battre le record établi en 2017 lors de la finale de l’Euro remporté à domicile par les Néerlandaises.

 

Inspirer la nouvelle génération de joueuses

Des chiffres qui explosent presque "logiquement" alors que la compétition est diffusée dans 126 pays. Plus généralement, cette Coupe du Monde semble être celle de la maturation d’un "produit football féminin" qui se diffuse avec une facilité grandissante à l’échelle globale. Parmi les discours forts, martelé par la FIFA depuis des semaines, l’idée de « l’inspiration » que représente les joueuses pour les générations à venir de jeunes filles.

Un discours que l’on retrouve par exemple dans la publicité réalisée par Nike et largement plébiscitée à sa sortie, avec le slogan « Ne change pas ton rêve, change le monde ». Vingt ans après le Mondial 1999 qui avait marqué l’explosion du football féminin depuis les États-Unis, la Coupe du Monde 2019 vise à asseoir le football féminin comme un phénomène global. Un discours explicité par Karina LeBlanc, ancienne gardienne internationale canadienne, aujourd’hui responsable du football féminin auprès de la CONCACAF et présente en France pour le Mondial.

Jeune gardienne au moment du Mondial 99, elle nous explique que le Mondial aux États-Unis avait permis selon elle, de « susciter de l’attention » autour du football féminin, de  « faire croire que quelque chose était possible ». Dans le même sens, elle estime que vingt ans après, cette Coupe du Monde 2019 permet aux joueuses et aux actrices du football féminin de « savoir que quelque chose est possible ».

 

Un changement d'époque ?

Un sentiment partagé par Cindy Parlow, championne du monde en 1999 avec les États-Unis, et qui se dit «  très enthousiaste de voir le chemin parcouru par notre discipline [même si] nous avons encore une longue route devant nous ». La double-championne olympique évoque notamment, le « développement de championnats professionnels » mais également « les supporters » de plus en nombreux, un signe pour elle que la discipline se développe aussi « en dehors des terrains ».

Cette maturation du football féminin comme spectacle est aussi alimentée par l’incertitude de ce tournoi, un aspect également souligné par Karina LeBlanc qui évoque « ces dix équipes » qui « pouvaient gagner la Coupe du Monde », un nombre qui selon pourrait s’accroître pour le prochain Mondial.

Un suspense qui participe au spectacle du tournoi, incarné notamment par le quart de finale entre la France et les États-Unis. Pour l’ancienne internationale canadienne, ce match lui a « donné envie de retrouver les terrains pour la première fois depuis sa retraite sportive » il y a 4 ans.

Une dramaturgie, des histoires personnelles et collectives, des figures plus ou moins rebelles à l’image de Megan Rapinoe, autant d’éléments qui contribuent à rendre fascinant la discipline auprès d’un public de plus en plus large. Pour Karina LeBlanc, le football féminin peut être au coeur d’une nouvelle « culture populaire » (pop culture). Les audiences de ce Mondial participent à montrer le désir du public de plonger dans cet univers.

Hichem Djemai