La Coupe du Monde 2019 a été l'occasion d'un formidable parcours pour l'équipe des Pays-Bas, parvenue en finale pour sa deuxième participation dans un Mondial. De l'aveu des joueuses elles-mêmes, cela n'aurait probablement pas été possible sans l'important soutien des supporters néerlandais venus en masse pour suivre leur équipe.

 

Au fil du tournoi c'est devenu un point de repère pour retrouver les supporters néerlandais : le bus des Oranjefans. L'imposant véhicule ouvre la voie en tête des Oranjeparade, ces défilés de supporters néerlandais aux allures carnavalesques organisés avant chaque match de leur équipe. Une couleur orange qui saute aux yeux et arborée par les milliers de de fans venus assister au match de leur équipe à Reims, Valenciennes ou au Havre.

 

Les supporters oranje ont tenu la distance

Les participants sont encadrés de manière sonore avec d'un côté le bus des Oranjefans et son balcon à impériale. Des enceintes installées sur le bus envoient une musique qui fait alternativement chanter ou danser les supporters qui participent à la parade. De l'autre, une fanfare, elles-aussi composée de supporters néerlandais et qui joue à tue-tête quelques uns des airs préférés des fans oranje.

Pendant la Coupe du Monde, nous avons aperçu ces défilés dans les différentes villes qui ont vu jouer l'équipe néerlandaise, alors que pour la finale à Lyon, le rassemblement était alors statique pour des raisons de sécurité. Sur les pelouses de la place Antonin Poncet, entre la fan zone de la Place Bellecour et les quais du Rhône, les Oranje ont fait la fête pendant des heures avant la finale entre les États-Unis et les Pays-Bas.

Malgré la chaleur pesante, des centaines de supporters se massaient autour du bus des Oranjefans, pour danser ou reprendre les chants lancés depuis le balcon. Un rassemblement aux couleurs orangés, même si l'événement festif et familial a attiré la curiosité de fans américains, australiens ou encore d'une partie de l'équipe nationale nord-irlandaise présente à Lyon pour la finale.

Pour se rafraîchir, les terrasses des cafés aux alentours étaient prises d'assaut, de même que les jets d'eau à l'une des extrémités de la place. Une scène qui en rappelle une autre, il y a un peu plus de dix ans en Suisse lors de l'Euro masculin de football en 2008. On peut notamment le voir sur cette vidéo filmée à Bâle ​ avec des supporters néerlandais qui font la fête dans une fan zone mise en place dans les rues de la ville, avant le quart de finale face à la Russie. Plusieurs dizaines de milliers de supporters oranje auraient convergé à l'époque vers la Suisse pour venir suivre leur équipe avec déjà le bus des Oranjefans présents, comme on peut le voir dans ce reportage.

 

Un esprit néerlandais ?

Une généalogie que nous a notamment expliqué Esther Huijsmans, l'une des « 30 fans » néerlandaises à faire partie du collectif qui s'occupe de l'Oranjefans Bus, et avec qui nous avons échangé avant la finale du Mondial. Un « groupe indépendant », mais qui travaille en étroite collaboration avec la fédération néerlandaise (KNVB) pour l'organisation des parades des supporters oranje.

Avant de prendre part à l'aventure du Bus Orange, Esther a vécu de près les principaux événements sportifs de ces derniers années, participant notamment à l'organisation des deux dernières Coupe du Monde masculines ou aux Jeux Olympiques d'hiver de Sochi. Lors de l'Euro 2017, elle était responsable du site de Breda, loin des Oranje qui n'ont pas joué dans le Rat Verlegh Stadion. Cela ne l'a pas empêché de se passionner pour les performances de son équipe, qu'elle suivait ''de loin'' depuis 2009, année où la sélection des Pays-Bas dirigée par Vera Pauw atteignait les demi-finales de l'Euro.

Désormais habituée aux défilés des supporters néerlandais, Esther continue d'avoir « des frissons » lors des Oranjeparade organisées pendant le Mondial en France. En effet, ce caractère démonstratif des supporters néerlandais n'est pas un phénomène nouveau. Cela a même un nom, l'Oranjegekte (Orange Mania ou Folie Orange). Une couleur associée à la famille royale et fièrement arborée les jours des Queen/King's Day, fête nationale très populaire dans le pays, avec des rues et des canaux des grandes villes envahis par la population.

 

Des défilés devenus une tradition

Cette Oranjegekte se retrouve également lorsque les sportifs néerlandais et notamment les équipes nationales de football sont en réussite. Les canaux d'Amsterdam étaient notamment noires (ou oranges) de monde lors de la victoire de l'équipe masculine néerlandaise à l'Euro 1988. Lors de l'Euro 2017, c'est dans la ville d'Utrecht (d'où est originaire Shanice van de Sanden) que les Oranje Leeuwinnen (Les Lionnes Oranje) ont eu l'honneur de remonter les canaux de la ville, avant d'être célébrées par une foule impressionnante, largement vêtue d'orange.

 

 

C'est lors de cet Euro 2017 que les parades sont devenues progressivement une tradition avant les matches de l'équipe féminine néerlandaise. Avant le match d'ouverture à Utrecht, quelques centaines de supporters ont défilé dans les rues de la ville, une initiative dont le succès ne s'est pas démenti comme en témoigne ces vidéos filmés avant le match de poule face à la Norvège ou encore en amont de la finale Pays-Bas – Danemark.

Des marches de supporters que l'on a retrouvé au Mondial cet été, une initiative qui avait été lancée pour la première fois en 2004 lors de l'Euro masculin au Portugal. De tournoi en tournoi, l'OranjeFans Bus a repris du service. On peut notamment le voir à l'arrière du véhicule où l'on retrouve des stickers correspondant aux différentes compétitions pour lesquels le collectif a été présent depuis 2004. Dans les rues françaises, ces parades étaient très encadrées puisque l'on retrouvait des membres de la KNVB qui ont assuré la sécurité ainsi que des policiers néerlandais au contact des supporters.

 

Valenciennes est passée à l'orange

Cet été, le succès des Oranjeparade s'est notamment vu à Valenciennes, dans les rues de la ville et avec un Stade du Hainaut qui a connu ses deux plus fortes affluences lors des deux matches des Pays-Bas joués dans le Nord (face au Cameroun et à l'Italie). Ces deux rencontres ont vu leur affluence dépasser à chaque fois la barre des 22.000 spectateurs. Le contexte était ici particulièrement favorable pour des fans oranje présents en nombre, comme nous l'expliquait Esther Huijsmans.

En effet, les deux matches se sont joués un samedi dans une ville nordiste située un peu plus de deux heures de la frontière néerlandaise en voiture. Une proximité qui a permis aux supporters Oranje de remplir les travées du Stade du Hainaut, créant une ambiance très favorable pour les Néerlandaises et parfois hostile pour leurs adversaires. L'attaquante camerounaise Gabrielle Onguéné pourrait en témoigner, elle qui a été prise en grippe par une partie des supporters néerlandais lors de la rencontre entre les deux équipes dans le groupe E.

En plus de cette proximité, Esther Huijsmans nous expliquait que les prix réduits des places ont également permis à de nombreux supporters de se prendre au jeu dans ce Mondial, avec un public très familial. Pour Valenciennes, ce contexte a permis de faire de ce Mondial une réussite puisque le Stade du Hainaut a connu un taux de remplissage de 90,7 %, le plus élevé (devant Lyon et Grenoble) parmi les enceintes qui ont accueilli des rencontres de la Coupe du Monde cet été.

 

Links, Rechts

Un caractère festif, contagieux et communicatif, avec des chansons et des airs par dizaine entonnés par les supporters néerlandais. Parmi les plus populaires, le Links, Rechts (Gauche, Droite) du groupe Snollebokes. Une chanson devenue l'un des symboles de l'Oranjegekte, avec une foule orange que l'on voit onduler de gauche à droite (et vice-versa) donnant le sentiment de voir une véritable vague orange formée par les supporters.

D'autres artistes ont également apporté leur soutien en chanson aux championnes d'Europe comme John de Bever ou Jan Smit avec son « Wij Zijn Nederland » (Nous sommes les Pays-Bas). Parmi ces airs entrés dans le répertoire des fans, la chanson interprétée par Claudia De Breij, personnalité de la télévision et de la radio néerlandaise, venue elle-aussi soutenir son équipe nationale.

Avant le quart de finale face à l'Italie, Claudia De Breij était d'ailleurs sur le balcon du bus des Oranjefans pour interpréter son Zie Die Leeuwinnen (Voir les Lionnes) dans les rues de Valenciennes. Un moment vécu « avec émotion » par Esther Huijmans présente pour l'occasion, et qui, selon elle, est l'une des illustration du caractère « unique » de la dynamique créée par les supporters oranje autour de leur équipe.

 

Un exemple à suivre en Europe ?

L'exubérance des fans néerlandais et cet ''esprit oranje'' explique en partie cette présence massive des supporters venus des Pays-Bas. En France, ils étaient aussi nombreux que les fans anglais, et en nombre plus important que les supporters allemands, des pays limitrophes de la France présents dans ce Mondial et avec une population pourtant bien plus importante que les Pays-Bas.

Cet enthousiasme s'est également retrouvé derrière le petit écran, puisque la télévision néerlandaise a connu des chiffres impressionnants avec une audience de 5,5 millions de téléspectateurs pour la finale face aux États-Unis, représentant 88 % de part d'audience au moment du match. Une formidable dynamique où l'enthousiasme des supporters oranje et la réussite de leur équipe se sont nourris mutuellement jusqu'à atteindre cette finale historique face aux États-Unis, seul pays à avoir connu un déplacement de supporters plus important pour ce Mondial en France.

 

Photo: ANP  (les supporters néerlandais dans les rues de Valenciennes avant le quart de finale face à l'Italie)

Hichem Djemai