Après des débuts compliqués pour connaitre et régler son équipe en début de saison, Frédéric Biancalani semble avoir trouvé les bons ingrédients, avec deux victoires contre l'Italie (2-4) jeudi 4 avril, et le Portugal (1-0) ce lundi 8 avril à Clairefontaine. La réaction du technicien français en zone mixte.

 

Coeurs de Foot - Avec le recul on s'aperçoit que c'est un travail titanesque de coacher les U23, avec seulement cinq rassemblements par an, et quelques jours avec les joueuses, donc c'est compliqué aussi de créer les automatismes et une identité de jeu au final ?

Au-delà des rassemblements [qui ne sont pas nombreux], c'est surtout le temps qu'on passe en séances, car on les avait huit jours. Après c'est très difficile car il y a eu le déplacement en Italie, donc on les a sur une séance et demie, puisqu'il y a aussi les filles qui jouent le dimanche, donc il faut qu'on en tienne compte.

On essaye aussi d'équilibrer les temps de jeu, vous l'avez vu aujourd'hui, on a pas mal de changements, tout le monde à débuté l'un des deux matches, donc ça c'est aussi intéressant, on renvoie les filles dans leur club respectif, avec un temps de jeu assez intéressant. Et surtout on pense aux filles qui vont jouer vendredi, on essaye de ne pas faire d'impair non plus, car il y a aussi un match Paris FC-Reims à venir. C'est ce qu'on leur a dit, on essaye d'être intelligent pour elles et surtout avec les clubs aussi. 

On essaye de faire un travail sur 3/4 jours, d'impacter, mais c'est très difficile, car à un moment donné, comme j'ai entendu Inès [Benyahia l'évoquer], on a analysé l'adversaire, mais on a une petite séance, qui a duré une demi-heure, et dans ce timing-là, on ne peut pas faire grand chose. On essaye de donner le maximum d'éléments et se concentrer parfois sur un ou deux points forts qu'on veut vraiment développer.

Je pense qu'on l'a vu aujourd'hui, on a essayé de mettre des choses en place, on s'est créé pas mal de situations en seconde, c'était un petit peu plus compliqué en première, mais après il faut qu'on soit efficient dans les surfaces.

 

CDF - Il y a eu un gros turn over pour ce match après le premier succès. On a le sentiment aujourd’hui que vous êtes vraiment là pour accompagner et non pour forcément la "gagne" finalement ? 

C'est le discours qu'on a depuis le départ avec elles, donc elles savaient très bien [que gagner ce n'est pas forcément la priorité]. Nous on est aussi là pour accompagner ces joueuses comme on l'a dit, pour jouer des matches de très bon niveau, il y a des 2004 dans le groupe jusqu'au 2001. L'objectif c'est de les amener [en A] si Hervé [Renard] en a besoin pour les JO, pour qu'elles soient prêtes aussi et découvrir ce qu'est le très haut niveau, car la plupart jouaient dans un football de "jeunes" et ici on est plus dans un foot senior, c'est totalement différent et c'est très très bien pour elles.

On a aussi des filles qui jouent un peu moins en club, et ça leur permet d'avoir du temps de jeu en sélection. Léa Notel qui revient de blessure, Kysha Sylla, qui revient d'une grosse blessure aussi, Jade [Rastocle] qui a joué un petit peu moins [avec Reims]... C'est aussi pour ça qu'il y a une indulgence [à avoir] (sourire), mais on a tout de même gagné ce match.

 

CDF - Est-ce qu’il y a une frustration parfois de se dire qu’on ne peut pas forcément construire une équipe vraiment à son image, avec tous les automatismes qu'il faut pour être plus efficace par exemple ? 

Quand on revient en sélection on le sait, sinon on reste en club. Ça nous permet de travailler un petit peu plus sur du long terme [avec ces joueuses]. Quand on est en sélection, surtout qu'on n'a pas de compétitions officielles, c'est encore différent par rapport à l'équipe de France A, qui va jouer une belle compétition [les JO de Paris 2024 ou encore les qualifications à l'Euro 2025 actuellement]. Mais notre objectif premier c'est de les accompagner et de les amener avec le plus d'outils possibles pour le haut niveau.

 

CDF - Est-que des tournois de deux-trois semaines pourraient être envisagés, comme cela se faisait par le passé, avec des tournois en Turquie par exemple, pour vraiment construire une équipe U23 compétitive et mieux former les Françaises ?

Alors deux-trois semaines c'est difficile (sourire), car il faut que ça se fasse sur les dates FIFA. On va bien le voir là sur la Coupe du Monde U20, qui va avoir lieu en Colombie (du 31 août au 22 septembre), ce ne sont pas les dates FIFA, donc il y a des filles qui vont être bloquées par les clubs, ce que je peux comprendre aussi, car les clubs vont en avoir besoin. La difficulté ce n'est pas la faute du club, mais celle de la sélection, la FIFA a mal placé ses dates, et il y a des matches importants pour certaines équipes, donc c'est tout à fait compréhensible. Ça nous permet aussi de découvrir certaines filles, qu'on a un peu peut-être perdu, comme Kysha Sylla, qu'on n'a pas revu sur un terrain longtemps. Et puis ça leur montre aussi le niveau qu'il faut avoir pour aller tout en haut.  

 

CDF - C'est une victoire au bout du suspense, sur un but de Noémie Mouchon, qui est très en forme en club et on sentait qu'elle pouvait aussi l'amener en sélection sur ce match ? 

Oui c'est bien pour elle, je pense que aujourd'hui elle découvre aussi ce niveau-là. Comme je vous le disais avec la D1, je l'ai chambré un petit peu tout à l'heure (lors de notre interview avec la joueuse, ndlr), mais c'est vrai qu'elle fait des choses aussi très très intéressantes avec son club, elle l'a démontré aujourd'hui, elle n'a pas lâché, et je pense surtout qu'elle a été récompensée des efforts qu'elle effectue. Elle n'avait pas marqué contre l'Italie - où elle était titulaire - malheureusement, mais elle l'a fait aujourd'hui. C'est bien, c'est aussi la force de notre groupe, on est monté crescendo dans cette compétition amicale, et puis on finit sur deux victoires sur ce rassemblement.

 

CDF - Ça manque de vivacité parfois, de construction logique, est-ce que c'est l'envie de bien faire, qui les fait déjouer parfois ? Elles ne font pas assez tourner le ballon sur certaines actions, en tant qu'ancien joueur, on le constate rapidement ?

Oui je pense qu'on se précipite aussi un petit peu, il y a parfois un manque de patience sur des instants, à un moment donné on l'a vu, il y a Margaux [Le Mouel] qui récupère un ballon, c'est fermé, mais elle va quand même forcer la passer...

Mais ce sont aussi ces matches-là qui vont leur faire comprendre, leur faire passer un cap sur ce niveau-là. Margaux c'est une fille qui joue la Champions League, les playoffs avec le Paris FC. On donne aux filles plein d'expériences, et ensuite c'est à elles de tracer leur chemin.

 

CDF - Vous essayez aussi de les calmer parfois, avant le match, pour qu'elles gardent leur sang-froid, quand l'adversaire est trop physique ? On a vu une adversaire rentrée dans Airine Fontaine, mais vous êtes resté très calme, autant que vos joueuses d'ailleurs ? Car c'était un geste assez violent quand même.

C'est ce que j'essaye de leur dire, la prise d'information elle doit être constante, et on voit à un moment donné quand l'adversaire commence à nous rentrer dedans deux/trois minutes, il faut être vigilant tout le temps, et il faut surtout qu'on soit concentré et connecté avec ses coéquipières et surtout vis-à-vis des adversaires, pour éviter ça [les duels trop physiques]. À un moment si on évite le duel, on peut aussi se faire mal, donc à un moment donné faut faire mal à l'adversaire [aussi de notre côté].  

 

Photo : figc.it

Dounia MESLI