En marge du match de préparation France/Brésil, nous avons échangé avec Véronique Lainé, élue à la Commission de Féminisation de la Ligue Méditerranée de Football, pour avoir son opinion sur l'état des lieux du football féminin en Côte d'Azur. Malgré une culture du sud un brin "macho", le manque d'infrastructures est le vrai frein au développement de la pratique dans le Sud mais comme partout en France. Elle a néanmoins tenu à nuancer, en mettant par exemple en avant le boom des pratiquantes sur les cinq dernières années. 

 

 

 

Coeurs de Foot - Véronique Lainé, nos confrères de 20 minutes avaient souligné en septembre l'absence de clubs de football féminin représenté en D1 ou D2 en Côte d'Azur. Qu'en pensez-vous pour votre part ?

Véronique Lainé - Oui après si on s'arrête par rapport à la représentation en D1 ou D2, c'est un peu limite, ce n'est pas pour autant qu'il n'y a rien qui se fait en terme de football, ou que les clubs sont contre le football féminin. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'équipes en D1 qu'on est contre le Football Féminin, il n'y a pas que l'élite dans le foot.

 

CDF - La Coupe du Monde et ces matches à Nice seront un bon moyen de faire évoluer les mentalités et augmenter la popularité du foot féminin ?

V. L. - Oui après c'est sûr il faut pas se mentir, les mentalités sont différentes dans le Sud. Il y a peut être un peu plus de retard qu'ailleurs mais on a une réelle volonté depuis 5 ans, en terme du nombre de pratiquantes, parce que moi je travaille beaucoup plus sur la mixité et la féminisation. En terme de pratiquantes sur 5 ans ça a augmenté de 50%, c'est la troisième saison où je suis élue à la Ligue Méditerranée, chaque année on augmente d'environ 4 ou 5% chez les pratiquantes. On a des championnats qui se développent chez les jeunes de plus en plus d'écoles labellisées école de foot féminine.

Après certes les clubs pros ont peut être du mal, comme Monaco, Nice, Marseille à avoir des équipes féminines en D1, mais ce n'est pas donné à tout le monde, il faut également le temps de construire, ça ne sert à rien d'aller trop vite. Monaco a également un très beau projet sur le football féminin. Nice malheureusement c'est vrai qu'il loupe le coche à chaque fois en fin de saison. On a eu Marseille qui a été en D1 féminine aussi et qui s'est hissé à la 4e place dès son premier exercice. Donc je n'ai pas trouvé l'article de 20 minutes juste, mais après elle a le droit d'avoir son ressenti et son point de vue.

 

"Il n'y a pas d'équipes en D1 féminine à Nice,

mais ils ont des bons projets de développement avec des sections sportives aussi"

 

CDF - C'est un article qui voulait plutôt créer le buzz alors ?

V. L. - Voilà, après si Nice était contre le foot féminin, je pense que la ville n'aurait pas porté sa candidature pour accueillir des matches de Coupe du Monde 2019.

 

CDF - Oui effectivement il va y avoir plusieurs matches internationaux à Nice...

V. L. - Tout à fait, là il y a un match amical le 10 novembre, France/Brésil.

 

CDF - Donc c'est un peu paradoxal de dire que le foot féminin n'a pas la cote dans le sud, alors que des matches internationaux amicaux y sont joués ?

V. L. - Oui c'est ça, et puis il y a énormément de choses qui sont faîtes. Quand on fait des rassemblements au niveau des écoles de foot, sur la région, on a beaucoup de participantes. On a également des sélections U14/U15, donc on a un bon championnat de DH, on a lancé le championnat U18 cette année, on a 16 équipes qui se sont engagées. Donc oui je ne comprends pas l'article. Après c'est sûr qu'il n'y a pas d'équipes en D1 féminine à Nice, mais ils ont des bons projets de développement avec des sections sportives aussi.

 

CDF - Combien il y a de licenciées en Ligue Méditerranée ?

V. L. - L'année dernière on était à 6566 licenciées, pratiquantes. En foot animation c'est chez les filles qu'on a le plus d'inscriptions, donc l'effet Coupe du Monde (celle de 2018 en Russie chez les hommes, remportée par l'équipe de France, ndlr) a eu un impact chez les jeunes filles.

 

"Oui le manque infrastructures

peut être un frein"

 

CDF - Le Football est un peu omniprésent dans le Sud, à Marseille par exemple, donc les filles ont aussi leur place dans ce sport ?

V. L. - Tout à fait que ça soit à Marseille ou pas. Après c'est parce qu'au niveau régional, oui, Marseille ça reste Marseille. Il y a plus de supporters de l'OM, que de supporters de Nice ou de Monaco. Marseille est un club emblématique.

 

CDF - Est-ce qu'on peut dire aussi que le manque d’infrastructures expliquent ce manque d'entrain des clubs pros masculins, à développer une section féminine en D1 ?

V. L. - Ça peut freiner des clubs, oui justement, oui c'est vrai. Au niveau des vestiaires, au niveau des capacités des terrains dans les grandes villes parce qu'après tout n'est pas extensible. Il y a quand même des beaux projets par la LFA (Ligue de football association), et la Fédération Française de Football, donc notamment par le biais du FAFA (Le Fonds d'Aide au Football Amateur) sur les aides pour les infrastructures. Donc oui le manque infrastructures peut être un frein parce que c'est vrai que dans les agglomérations le manque de places, le manque d'espace, les vestiaires... Mais après ce problème là peut exister dans les autres villes. Mais oui le problème à l'heure actuelle dans le foot, c'est le manque d'infrastructures.

 

CDF - Comment on voit la suite ?

V. L. - Le but c'est de pérenniser les sections féminines et de laisser un héritage. Et je ne travaille pas qu'au niveau des pratiquantes, mais également au niveau des dirigeantes, des éducatrices, des arbitres. Ça rassure les parents aussi peut-être, qu'il y ait un visage féminin au club, donc on est très actif. Tout ça se fait sous l'impulsion de mon Président, monsieur Borghini. Moi on m'a confiée cette mission et je me régale. Il y a des actions qui vont se mettre en place en vue de la Coupe du Monde et moi je suis réellement optimiste pour continuer à développer le football féminin.

 

"Que chaque fille qui a envie de jouer

au football puisse jouer au football"

 

V. L. - Après on est pas non plus obligé d'avoir une section féminine, on peut avoir des petites qui jouent en mixité, et puis qui aillent après dans un autre club pour jouer avec des filles, il n'y a pas non plus d'obligation d'avoir une section féminine pour avoir une section féminine. Tant que tous les clubs accueillent des filles, moi c'est ce que je cherche. Que chaque fille qui a envie de jouer au football puisse jouer au football. Si c'est dans une section purement féminine tant mieux, si c'est avec des garçons tant mieux aussi, mais s'il n'y a pas de frein à l’accueil.

 

CDF - Aujourd'hui tous les clubs de Ligue 1 doivent tout de même avoir une équipe féminine qui tient la route ?

V. L. - Tout à fait, mais là c'est prévu, après je préfère des clubs qui développent des clubs qui ont des seniors qui partent d'en-bas, plutôt que des clubs qui rachètent ou qui pompent des clubs qui existaient.

 

CDF - C'est ce qu'à fait Marseille, mais est-ce que ça ne lui a pas porté préjudice ?

V. L. - Non parce que ça montre quand même une réelle volonté, et une réelle envie de la part du club.

 

CDF - Pourtant le fait que l'équipe féminine soit redescendue la saison dernière montre un certain manque de considération du club ?

V. L. - Alors là je ne vais pas m'avancer par rapport à l'Olympique de Marseille. Après je pense qu'ils ont mis le budget également nécessaire au niveau des filles. C'est peut-être en terme d'effectif, il n'y avait plus la même équipe, et puis il y a quand même un fossé entre la D1 et la D2. La première année ça peut aller très très vite, être très glorieux, donc on l'a vu la première partie de saison avec beaucoup de matches perdus, seconde partie de saison euphorique, après ça reste du football. 

 

Photo : Ligue Méditerranée de Football

Dounia MESLI