De Lyon au championnat d’Europe U19 en Écosse, en passant par la Coupe du Monde U20 en Bretagne l'été dernier, Melvine Malard ne cesse de gagner en expérience. La jeune attaquante de 19 ans a mûri dans son jeu, mais aussi son mental et sa personnalité. Soucieuse de bien faire les choses, cela a tendance à parfois se retourner contre elle, mais elle sait se remettre en question pour apprendre et corriger cela. Avant France/Pays-Bas nous l’avons appelé pour échanger avec elle sur l’équipe de France, son poste, son jeu et sa vision du football.

 

 

Coeurs de Foot - Est-ce qu'en tant qu’attaquante tu te prépares à toutes les situations plausibles lors d'un match ? Comme par exemple une équipe adverse qui défend bas, un système de jeu par rapport à celui de l'équipe de France, une certaine façon de jouer de tes coéquipières, qui sont alignées à un moment donné avec toi ? 

Melvine Malard - Oui évidemment, lors de la présentation d'avant-match, le coach nous présente bien l'équipe adverse. Puis arrivée sur le terrain, j'essaye moi-même de regarder le positionnement des défenseures adverses, comment elles jouent avec le ballon, leurs directions sur leur premier déplacement. C'est important pour une attaquante de connaître son adversaire [afin de le contrer], de connaître le schéma tactique également, lorsqu'on débute un match.

En tant qu'attaquante de pointe on doit un peu connaître le système de jeu de son équipe également par cœur, pour être la mieux préparée possible, après il y a des facteurs qui entrent en compte. Par exemple, je sais très bien que Sandy Baltimore dès fois il faut lui laisser du temps, ce n'est pas à son premier touché de balle que je dois lui réclamer le ballon, je ne dois pas aller directement vers elle, je sais qu'il faut lui laisser un peu de temps, d'abord le touché de balle, puis éliminer son adversaire, ensuite je lui laisse quelques secondes avant de lui demander le ballon. A la différence de Kessya [Bussy], qui est une joueuse qui joue plus dans la profondeur, donc je sais que directement après son accélération [sur le couloir droit], il faut se rendre disponible pour essayer de recevoir le ballon. Chaque joueuse à une façon de jouer différente, et c'est important de connaître ses coéquipières, afin de faciliter le plus possible la stratégie ou la tactique qu'on met en place.

 

CDF - Est-ce qu'il y a tout de même une part de chance, de hasard pour toi dans le foot, sur certains buts par exemple ou situations ?

M. M. - (elle réfléchit brièvement) Oui je suis d'accord avec ça, parce que si je prends mon cas sur le match contre l'Ecosse (mardi 16 juillet, ndlr), j'ai pris beaucoup trop de temps à réfléchir devant le but, de savoir comment reprendre le ballon, de chercher la bonne position, et de ne pas enchaîner directement plutôt, c'est un peu le regret que j'ai aujourd'hui. Maintenant le match est passé, on a gagné (2-1) et pour moi le travail de demain (vendredi 19 juillet, ndlr) c'est de ne pas chercher la bonne position, puisqu'un tir peut être contré [par une coéquipière], peut être dévié [par une adversaire dans son propre but], chaque instant dans la surface compte et il faut en profiter aussi pour faire douter l'adversaire dans le pire des cas. Chaque victoire dans ce tournoi va compter et est primordiale, faut aller droit au but quand on est attaquante ou même quand on est dans une position de frapper.

 

CDF - Est-ce qu’on s’entraîne avec ses coéquipières pour recevoir de telle ou telle façon le ballon ? 

M. M. - Lors de la préparation avec l'équipe de France avant de rejoindre l'Ecosse, on a beaucoup travaillé, notamment avec le préparateur physique et tout le staff, on a travaillé les différentes actions qu'on peut avoir à jouer dans la surface, les différents ballon qu'on peut recevoir et jouer au cours du match. Depuis qu'on est en Ecosse, on n'a un peu moins de temps de récupération, moins de temps pour travailler vraiment individuellement, donc le travail qu'on met en place ici en Ecosse il est plus collectif, et sur le terrain je dois moi-même savoir quand est-ce que je dois enchaîner, quand est-ce que je dois donner un bon ballon à mes coéquipières.

 

CDF - Et même les adversaires doivent parfois être frustrant à gérer ?

M. M. - (rires) Oui surtout, et avant-hier j'avais quand même une adversaire de grande taille, et le fait de garder le ballon de la bonne manière, c'était pas évident. J'aurai dû avoir cette mentalité, de me dire que le ballon doit m'appartenir à moi seule et personne d'autre, mais ce n'est pas ce que j'ai vraiment fait lors du match, j'ai perdu des ballons bêtement, mais je pense que demain ça ira (vendredi 19 juillet, ndlr) et j'ai encore du travail bien sûr...

 

CDF - (Je la coupe) J'ai vu que tu étais frustrée de ne pas réussir à convertir tes occasions.

M. M. - (rires) Oui exactement, et ça c'est le travail que je dois faire sur moi-même, je dois être patiente, je dois me concentrer sur moi-même dans des moments comme ça.

 

CDF - Comment tu l'analyses ce match contre l'Écosse ? C'était une victoire incroyable, au bout du suspens et au mental.

M. M. - Comme tu dis, c'est incroyable cette victoire, parce que pour ma part je trouve que ça montre dès le début de la compétition qu'on est une équipe, que tout le monde est concerné, même les filles qui sont sur le banc, elles ont confirmé en rentrant, et ont fait la différence directement. On doit toutes être positives, ensemble, et avoir le mental, c'est grâce à cela qu'on peut aller loin dans cette compétition.

 

CDF - D'un point de vue extérieur, on vous a senti trop dynamique en première période et c'est ce qui peut expliquer les occasions gâchées. Est-ce que c'est ton point de vue également ?

M. M. - Non je pense que le fait que ça soit notre premier match de la compétition tout le monde était excité et avait envie de montrer qu'on peut marquer, qu'on peut aller vers l'avant, alors que tout simplement il fallait prendre le temps [de bien analyser], de faire courir l'adversaire, les fatiguer comme on a pu le faire contre la Chine également [en match de préparation la semaine dernière]. On a attendu un long moment avant de marquer le premier but. Je pense qu'on vivra des moments comme ça encore à chaque match qu'on devra jouer. Il faudra être patientes et ça ira au fond, j'espère.

 

CDF - Comment tu expliques que tu n’as pas réussi à marquer face à l'Écosse ? On t'a senti un peu dans la difficulté sur ce match. 

M. M. - (rires nerveux) Non mais comme je l'ai dit, je pense que personnellement si je parle de mon propre ressenti, c'est que dans la difficulté j'essayai de chercher un peu les solutions pour mon équipe, trouver la bonne position ou le bon timing, mais au final dans un match il n'y a pas "la" bonne position ou le bon timing. Je dois m'orienter [par rapport à mes coéquipières] et savoir déjà où je suis, m'informer et enchaîner plus vite, ce sont les seuls petits regrets que j'ai, après j'ai fait de mon mieux et j'ai été beaucoup à la disposition de mes coéquipières, je décrochais beaucoup dans les intervalles. En fin de compte, je dois être une tueuse [devant le but], en tant qu'attaquante je dois marquer, par pour moi mais pour l'équipe. Après moi je suis une attaquante où quand je ne marque pas, je ne fais pas une bonne prestation, je suis déçue [de moi-même et pour mon équipe]. La déception passe après quelques minutes, et demain (vendredi 19 juillet, ndlr) comme j'ai dit, on va se remettre au travail.

 

CDF - Est-ce que le coach ou le staff t’ont fait un retour sur ça ? Ça t'a aidé à passer à autre chose ?

M. M. - Oui ils m'ont aidée à corriger ce qui n'a pas été, à l'image de ma protection de balle, et sur le fait de plus m'appuyer sur mes coéquipières qui sont devant moi pour prendre l'espace, pour aller vers l'avant [plus intelligemment] parce que je suis une joueuse qui profite aussi de sa vitesse, et malheureusement je ne l'ai pas beaucoup utilisé pendant le match et je dois m'y affairer prochainement [si j'en ai l'occasion] et j'espère que ça va le faire. Moi en tout cas j'ai plein d'ambition, j'ai envie d'aller loin et j'ai envie de m'améliorer après chaque match.

 

CDF - J’ai remarqué que tu as gagné en maturité, notamment grâce à la Coupe du Monde j'imagine, ça t’a aidé à passer un cap ? 

M. M. - (rires gênés) Si c'est toi qui me le dit, ça me fait plaisir. Je pense que l'explication se tient du fait que ça soit mon quotidien, parce que je côtoie des joueuses à l'Olympique Lyonnais, de grandes joueuses talentueuses et d'expérience. Après je connais aussi mon coach Gilles [Eyquem] et Sandrine [Ringler], et ce sont des coachs qui m'ont beaucoup aidée durant la Coupe du Monde [U20 en Bretagne], parce que j'étais l'une des plus jeune du groupe, les 2000, ils m'ont vraiment aidée à gérer le stress de toute l'attente autour de nous et je pense que [ma maturité] c'est dû à ça, à mon quotidien [en club] et mon staff [en sélection] etc 

 

CDF - Tu as pris plus conscience des choses également ? Sur le fait que tu sois une "footballeuse professionnelle" avec l'OL etc

M. M. - Parce qu'à Lyon le travail c'est à chaque instant et on doit être concentrée, on doit être tout le temps à 100%, car un petit relâchement, ça se voit direct et ça peut nous pénaliser. Aujourd'hui je dois me dire que même si je n'ai pas fait un match "top", bah je me relève et demain on va aller vers l'avant, voilà c'est comme ça. Tant qu'il y a eu la victoire, c'est qu'on est bons, donc du coup [je digère plus facilement ma frustration personnelle]...

 

CDF - Tu sais que tu as un poste où on t’attend énormément...

M. M. - (elle me coupe) C'est ça (sourire jaune).

 

CDF - ... et vous êtes pointée du doigt quand vous ne marquez pas ou que vous ne faites pas au moins des passes décisives. Est-ce que c'est difficile de gérer cet aspect parfois ?

M. M. - (elle inspire) Moi j'essaye de ne pas y penser en fait, de ne pas trop penser à ça, parce que moi je suis une joueuse, qui lorsqu'elle pense beaucoup de [ce qui passe à] l’extérieur, ça va m'affecter [dans mon jeu], ça va me blesser parce que [on peut aussi être touchée par les critiques]... Moi j'écoute beaucoup ma famille. Avant-hier (mardi 16 juillet), la seule et première chose que j'ai fait c'est appeler ma mère, c'est un peu la femme qui peut vraiment me dire toute la vérité en face. Elle m'a aussi réconfortée comme tu dis, en me disant : "Non Melvine faut que tu sois vraiment plus tueuse devant le but, qu'il faut corriger les petites choses à corriger". Je n'écoute pas les critiques de l’extérieur [car ils ne me connaissent pas vraiment].

Encore une fois quand j'ai des questions, je préfère les poser soit à mes proches, soit à mes coéquipières, comme Selma Bacha parce que je m'entends très bien avec elle, je vais la voir et je lui dis : "Selma, donne moi ton avis, pourquoi ça, ça n'a pas fonctionné et elle me dit clairement, Melvine écoute là, n'hésite pas à frapper, frappe sans trop réfléchir". C'est comme ça qu'on avance en fait, parce que je ne pense pas que quelqu'un de l'extérieur, qui n'est pas avec moi à l'entraînement par exemple, pourra me dire, parce que c'est avec mes coéquipières que je joue, et ce n'est pas avec les autres.

 

CDF - Est-ce que c’est la pression qui te fait perdre la notion de réalisme parfois ? 

M. M. - A chaque match on a toujours une petite pression, parce qu'il y a toujours les médias, la TV, on sait qu'on va passer sur l'Equipe, y'a de l'attente exactement, mais aujourd'hui ça tout le monde le sait et l'a assimilé, on doit être habituées, notamment après la Coupe du Monde qu'on a fait maintenant. De plus je joue à Lyon, donc c'est assez fréquent [d'avoir cette pression autour de nous], du coup on doit [savoir] gérer tout ça. Personnellement ça ne m'atteint pas trop (rires).

 

CDF - Comment est-ce que tu visualises le match parfois, est-ce que tu visualises le but de la gardienne par exemple avant de frapper ou la trajectoire de ton ballon également ? Comment tu vis le match ?

M. M. - (elle réfléchit brièvement) Je regarde plutôt la gardienne en fait... Enfin ça dépend de la situation tu sais, quand je suis dans l'axe du but, je recherche plutôt la gardienne, je regarde où elle est positionnée, et j'essaye de placer le ballon comme il faut [pour qu'il aille au fond].

Sinon quand je suis un peu excentrée du but sur la gauche ou sur la droite, là c'est ma trajectoire du ballon que je dois contrôler et je dois me concentrer sur là où je veux mettre mon ballon...

 

CDF - Comment vous sentez ce match contre les Pays-Bas ? 

M. M. - L'équipe maintenant est en plein dedans, le premier match est passé, maintenant on doit se focaliser sur la victoire et que sur la victoire, comme j'ai dit, parce que ce n'est qu'un succès qui va nous faire avancer après chaque rencontre.

Les Pays-Bas, c'est une équipe qui aime jouer au ballon, qui aime marquer, elles ont une attaquante qui va vraiment vers l'avant, on l'a connaît un peu, elle switch beaucoup dans son jeu et on s'est côtoyées lors de quelques matches déjà... On ne doit pas avoir peur de cette équipe, on a nos qualités, et on doit jouer avec nos qualités et marquer plein de buts.

 

CDF - C’est une équipe en pleine bourre on peut dire, qui a cartonné la Norvège 5-0 pour son premier match de la compétition, tu sais qu’il faudra être très réaliste de ton côté ou chez tes coéquipières, et qu'il faudra être solides défensivement aussi ?

M. M. - Oui on a vu leur match [contre la Norvège], moi en tout cas j'ai confiance en mon équipe, parce que si on en arrivé là, c'est qu'on est vraiment une équipe coriace, donc t'as raison il faut être solide derrière et il faut être efficace devant, et je pense que ça va être un bon match demain (vendredi 19 juillet), comme tout le reste de la compétition.

 

CDF - Est-ce que ça met une pression supplémentaire ou est-ce que c'est moi plutôt qui vous met de la pression supplémentaire avec ma question ?

M. M. - (rires) Non non non, franchement on ne doit pas avoir de pression, on ne plus se mettre la pression, parce que le championnat a commencé déjà, si on se met à nouveau de la pression, c'est qu'on n'est pas prêt pour les autres matches. Plus on va avancer dans le temps et plus le niveau va s'élever, et là il faut être prêt à enchaîner et à être au niveau qu'il faut.

 

CDF - Ton objectif à long terme c'est de frapper à la porte des A j'imagine et c'est maintenant que ta formation débute ?

M. M. - Mon objectif c'est d'être championne d'Europe et après je pense qu'avec tous les objectifs atteints, c'est comme ça qu'on va accéder à l'étage au-dessus en sélection. Pour l'instant on se concentre sur l'Euro, pour que tout le monde soit fière de nous.

Dounia MESLI