S'imposer en équipe de France n'est pas chose évidente. Et la place n'est jamais seulement acquise en fonction de ses performances en club, en Bleue ou de son état d'esprit, mais aussi en fonction de la forme physique du moment. Maéva Clémaron l'a bien compris. Cadre indiscutable en club, cette joueuse posée, positive et acharnée de travail a convaincu en Bleue. 

 
 

On peut dire que ce qui se passe actuellement avec la sélection et les nombreux changements, tu le vis aussi à Fleury avec les nouvelles arrivées. Comment tu le gères ?  

C'est une question d'adaptation. On fait confiance aux sélectionneurs, on fait confiance aux coachs et on se fait confiance entre nous les joueuses. A partir de là je pense que tout se passe bien et tout va bien se passer.  

  

C'est difficile quand même de gérer tous ces chamboulements ?  

Non, pas vraiment. Après c'est vrai qu'il y a des changements qui sont faits, qu'il y a parfois des joueuses qui sont blessées et qu'il faut faire autrement.   

Nous on se doit de s'adapter et de rester concentrées sur ce qu'on a à faire, travailler, et on a toutes les qualités pour s'adapter. C'est important de se faire confiance entre nous, on est un groupe quoi qu'il en soit.  

  

Quand tu parles de cela, on ne peut pas s’empêcher de se remémorer ce que tu faisais à Saint-Etienne en tant que capitaine, où tu menais vraiment l'équipe en tant que leader. Tu sais que tu as un rôle très important dans un groupe ?  

Oui comme d'autres dans l'équipe. A Fleury il n'y a pas que moi, on est plusieurs à avoir une certaine expérience et à être "cadres" entre guillemets, c'est un rôle que j'apprécie d'avoir en club. On se répartit un peu la tâche et on prend du plaisir ensemble comme ça.  
  

C'est difficile d'avoir des liens avec des nouvelles joueuses, quand on a ses habitudes avec une ou d'autres joueuses avec qui on a déjà créé des automatismes sur le terrain ? A Fleury il y a eu par exemple l'arrivée des deux Canadiennes (Alex Lamontagne et Melissa Roy).  

Déjà il y en a une des deux qui parle bien français donc c'est déjà pratique au niveau de l'échange. L'autre apprend le français, elle parle anglais mais comme je l'ai dit c'est une question d'adaptation. En plus ce sont de bonnes joueuses, donc elles apportent à l'équipe et nous on est contentes de voir qu'il y a des recrutements de faits, que l'équipe se renforce et à partir de là ça ne peut qu'être positif.  
  

On sent quand même qu'il y a une petite période difficile en ce moment à Fleury. Comment tu l’expliques ?  

En ce moment c'est un peu difficile, on ne marque plus depuis quelques matches où on a du mal à trouver le chemin du but. Là ce week-end (défaite 1-4 face à Guingamp, ndlr) on a fait quelques erreurs défensives, j'en prends aussi la responsabilité. On commence le match à 0-2 au bout de douze minutes, donc c'est sûr que ce n'est plus le même match.   

Il faut quoi qu'il arrive garder en tête le fait de travailler, qu'il n'y a que ça qui paye et on a eu un peu un creux, on peut le dire au vu des résultats. Aujourd'hui on n'a encaissé qu'une seule défaite, malgré la période difficile dont tu as parlé. Maintenant on va se dire que la trêve internationale va permettre de couper un peu, en travaillant quand même, avec cet objectif constant de travailler et corriger ce qui n'a pas fonctionné, et repartir sur une nouvelle dynamique après la trêve.  
  

Parfois il arrive qu’une joueuse doit remplacer une autre joueuse à un poste qui n’est pas du tout le sien. Tu as dû gérer un autre poste pour ta part avec Fleury face à Soyaux (1-1), il y a deux semaines. Comment ça s'est passé pour toi ?  

On en avait un peu parlé avant avec les coaches, parce que sur ce match-là, on manquait de défenseures et la joueuse qui pouvait potentiellement jouer arrière centrale avec nous au milieu de terrain, ne jouait pas. Donc on en avait parlé et j'avais un peu en tête que s'il arrivait quelque chose, c'était moi qui allais redescendre et puis voilà c'est ce que j'ai fait. Alors j'ai essayé de faire le job, mais c'est sûr que ce n'est pas mon poste [de prédilection] (sourire).  

  

C’était difficile à gérer quand on a l’habitude d’avoir une dernière ligne de joueuses derrière soi ?  

Oui il fallait prendre les repères assez rapidement lors du match. Au début c'était un peu plus compliqué [de gérer ce changement] et puis après ça s'est mis en place, Maryne [Gignoux-Soulier, la gardienne de but] m'a aidée à bien gérer ça.  

 

Les liens sont importants sur un terrain. Comment on fait pour créer des liens entre joueuses, quand on arrive au sein d'un nouveau groupe ou quand on doit accueillir de nouvelles joueuses ?  

Ça c'est propre à chacune. C'est en fonction des caractères. On apprend à connaître l'autre et puis il y a des atomes crochus, il y a des affinités [qui se créent] et puis ça se fait comme ça. On créé du lien comme ça, en étant ouverte aux autres.  
  

Comment ça se passe quand on est tellement habituée à jouer avec une joueuse et lorsqu'on doit jouer avec une nouvelle joueuse avec qui on n’a pas forcément l'habitude de jouer ?  

Oui les automatismes etc c'est sûr que c'est difficile d'en avoir quand ce sont de nouvelles joueuses qui arrivent, mais il faut arriver à s'adapter et essayer d'apprendre à vite connaître l'autre sur le plan sportif. Après ça se mettra ou ça se met en place plus ou moins rapidement.  
  

Est-ce que c'est cela qui explique que parfois c'est difficile de créer les liens pour aller chercher la victoire ?  

Ce week-end on a joué avec Salma [Amani] au milieu de terrain et nous on se connaît déjà depuis la saison dernière, où on a joué toutes les trois ensemble avec Daphne [Corboz]. Là on était dans un système où on était avec un 6, et deux 8. Il y a des changements, on travaille comme ça depuis le début de la saison, donc il faut juste s'adapter.   

Après oui ce week-end ça n'a pas fonctionné comme on aurait voulu, mais il faut tenir compte des erreurs, travailler, corriger et puis repartir de l'avant.  
  

On a l'impression que c'est l'aspect qui compte vraiment dans les équipes, de créer des liens, de s'adapter, que les joueuses s'intègrent bien à votre façon...  

(Elle coupe) de jouer oui. C'est le cas, c'est super important. Après il y a des moments où ça se passe comme on aimerait que ça se passe et d'autres moments où des choses font que c'est un peu plus compliqué.  
  

Pour revenir un peu en arrière. Est-ce que tu peux me raconter un peu comment tu as jonglé entre tes études et le football il y a tout juste quelques années de cela ?  

Je m'organisais, je m’entraînais les soirs [avec l'ASSE] et la journée j'étais à l'école. J'avais un laps de temps où je pouvais me changer pour l'entraînement. Les cours se terminaient vers 17h15/17h30, moi j'allais me changer et je filais à l'entraînement. C'était une question d'organisation, mais ce n'était pas simple.  
  

Aujourd'hui tu travailles, est-ce que c'est tout aussi compliqué à gérer ?  

Non, ça va. C'est moi qui m'organise pour avoir des heures de dispo pour l'architecture, et tout en ayant conscience et en sachant que j'ai entraînement l'après-midi ou soins avant, et muscu le lundi et mardi matin, donc j'essaye de jongler avec ces disponibilités-là.  
  

Comment on se sent quand on arrive en équipe de France A ? Parce que toi tu travailles à côté alors que la plupart des Bleues sont à 100% dans le football ?  

Non mais moi je considère que je suis aussi quand même à 100% dans le football, c'est juste qu'à côté j'ai parfois du temps pour faire de l'architecture et pour moi c'est une passion aussi.   

Après c'est un travail certes, mais c'est moi qui gère ces horaires-là, qui gère mes heures. Donc c'est plus une deuxième passion que je gère au quotidien, ce n'est pas une contrainte aujourd'hui, pas du tout.   

Quand on arrive en A, on est déjà à fond dans le foot, mais là on s'y met encore plus et on est encore plus déterminée, plus motivée à se donner à 200%, forcément. C'est une fierté d'être ici [en équipe de France], donc on se doit de tout donner.  
  

Mais comment te sens-tu quand tu arrives et que tu as des joueuses comme Amandine Henry à côté de toi au milieu de terrain, qui ont un parcours totalement différent du tien ?  

On a toutes un parcours qui peut être un peu différent et c’est ce qui fait peut-être aussi la force d'un groupe de façon générale. C'est que chacune à son histoire, son parcours, et chacune apporte ce qu'elle peut apporter. Amandine à son parcours, j'ai beaucoup de respect pour le sien d'ailleurs, et puis moi j'ai le mien (sourire).  
  

C'est un plaisir vraiment à part pour toi d'être en A ?  

Bien sûr que c'est un vrai plaisir (sourire). On ne peut pas dire le contraire, c'est impossible. 

Personnellement ça m'apporte un équilibre d'avoir l'architecture à côté du foot, donc je pense que l'un va avec l'autre, même si je priorise largement le foot aujourd'hui.  

 

Ce match amical contre le Brésil (10 novembre), c'est un match qui fait de l'effet alors en tant que joueuse ?  

Oui, après toutes oppositions font de l'effet, parce que c'est un match international et être en sélection quel que soit l'adversaire, c'est [enthousiasmant]. Le Brésil est une grande nation donc il faut prendre ce match - comme tous les matches de préparation - au sérieux et on est motivées.  
  

Comment tu vois cette équipe de France à huit mois de la Coupe du Monde (du 7 juin au 7 juillet) ?   

Les choses ne sont pas figées à 8 mois de la coupe du monde, mais j'ai et j'aurai confiance en ce groupe, donc je vois bien cette équipe de France.   

Tous les moyens qui sont mis à notre disposition, et la façon de travailler, tout ce qu'on nous demande de mettre en place, j'ai une grande confiance dans l'équipe et j'englobe le staff aussi avec.  

 

Ma dernière question porte un peu sur ta deuxième passion, l’architecture. Ce stade de l'Allianz Riviera à Nice, c'est un beau stade pour jouer au foot ?  

Ah oui ça va être un beau stade. Là entre Geoffroy-Guichard (Saint-Etienne), même le Stade des Alpes (Grenoble) c'est vrai qu'il y a des beaux stades en France et celui-là en fait partie. En plus il est neuf (la construction a démarré officiellement le 6 août 2011, le chantier s’est achevé en septembre 2013), il a été construit dans le cadre de l'Euro [2016] aussi celui-là et j'ai hâte de pouvoir y être, de vivre physiquement cet espace. Il y aura je pense une superbe ambiance et il y aura tous les ingrédients pour que le groupe fasse ce qu'il faut.  

 

Photo : A2M Sport Consulting

Dounia MESLI