Discrètement, Julie Debever a fait cette semaine son apparition dans le groupe des Bleues. Nous l'avons rencontrée à Clairefontaine suite à cette convocation qui récompense ses « prestations en club [de] ces derniers temps » selon les mots de Corinne Diacre. Une porte ouverte et un nouveau défi pour la défenseure nordiste de l'En Avant Guingamp. À 29 ans, elle possède déjà une longue expérience en D1 et nourrit aujourd'hui l'ambition de s'imposer à l'étage au-dessus.

 

Cette première convocation en équipe de France se fait dans un certain anonymat. Est-ce que paradoxalement ça ne peut pas être plus confortable d'arriver comme ça, sans qu'il y ait immédiatement des attentes de l'extérieur ?

Julie Debever – Je dirais que c'est plutôt inconfortable dans le sens ou je n'ai pas un gros palmarès international au niveau de l'équipe de France. J'ai fait les U19, la B, les A' mais j'ai quand même quitté le cursus international il y a 4/5 ans. Donc je pense que c'est plutôt une position inconfortable me concernant, parce que d'un point de vue extérieur les gens se demandent ce que je fais là, clairement.

Après moi, je ne le prends pas comme tel. Je suis très heureuse d'être en équipe de France, je vais donner ce que j'ai à donner, et pour rien au monde je donnerais ma place à qui que ce soit.

 

« Profiter pleinement de mes dernières années footballistiques,

mais aussi connaître mes limites »

 

D'un côté il y a cet anonymat, de l'autre une très grande régularité en club. Vous avez dépassé le cap des 200 matches en D1. Cette régularité a dû faire partie des éléments qui ont pesé en faveur de votre sélection ?

J.D – Oui, je pense. Après je pense que c'est aussi en lien avec les bonnes performances que j'ai pu réaliser cette année et l'année dernière aussi au sein de mon club. Je suis une bosseuse, je suis quelqu'un qui travaille beaucoup à côté. Cette année, j'ai décidé de ne vivre que du foot, et justement [c'est] ce qui peut optimiser ma récupération, mais aussi me rendre plus performante lors des entraînements et des matches, donc oui, ça a été bénéfique.

 

Et là, vous sentez que vous avez passé un palier ? Que vous avez atteint votre meilleur niveau jusqu'à présent ?

J.D – Oui, je pense. Depuis l'année dernière. Après cette année, je ne vis que du foot donc du coup j'ai beaucoup plus de temps pour moi. J'ai préparé mon après-carrière en faisant une formation d'éducatrice spécialisée. J'ai été diplômée en juin 2017 et j'ai décidé de ne vivre que du foot, pour profiter pleinement de mes dernières années footballistiques mais aussi connaître mes limites. Savoir où je peux aller et justement si je suis encore capable de passer un cap, en tout cas cette année, c'est là où je me sens la meilleure.

 

Et donc votre football vous le travaillez aussi en dehors du club ?

J.D – Je fais des entraînements avec le club. Après, cela a été vu avec mon préparateur physique et c'est vrai que quand je peux aller en salle de musculation et faire quelques séances supplémentaires, je le fais. Quand je peux faire une séance technique supplémentaire, je le fais. Donc, je ne me bride pas au niveau des entraînements, je me dis que j'ai le temps. Comme je peux me reposer justement cette année, je profite du temps libre que j'ai pour progresser, pour être plus performante encore et encore.

 

D'une certaine manière, cette première convocation, c'est un peu la suite logique de ce choix de se consacrer pleinement au football ?

J.D – C'est pour ça que je suis très heureuse. C'est l'aboutissement de tellement d'efforts et c'est pour ça que je veux en profiter un max parce que je bosse depuis des mois, même depuis des années. Et je suis très contente que Corinne Diacre soit la nouvelle sélectionneur parce que justement l'avantage qu'on a avec elle, c'est que, elle l'a dit, elle est crédible avec ses propos, la porte est ouverte avec tout le monde. Les filles qui seront performantes en club, auront leur chance et elles viennent prouver, pas que par ma venue, pour les précédentes aussi, que c'est vrai. »

 

« Une sportive de haut-niveau, ça pense forcément plus loin »

 

Au moment justement de faire ce choix, et de basculer complètement dans le football, est-ce que la sélection, l'équipe de France est devenue immédiatement un objectif conscient ?

J.D – Une sportive de haut-niveau, ça pense forcément plus loin. Même si moi, mon objectif c'est d'être performante avec mon club, dans le coin de ma tête, je travaille aussi pour pouvoir possiblement être appelée en équipe de France A. Je pense que c'est le cas pour toute joueuse de haut-niveau.

 

Vous êtes la cinquième joueuse de Guingamp a être sélectionnée depuis le début de saison. J'imagine qu'on en parle, que c'est devenu un sujet de conversation au sein de l'équipe ?

J.D – Oui, après c'est bien aussi pour le club. On est une belle vitrine aussi pour l'En Avant Guingamp et on parle autant des jeunes que des plus âgées. La plupart des filles qui sont parties ont entre 22 et 23 ans, et c'est vrai que moi, je suis pas l'intrus, [à mon age] on peut encore y croire. 

J'ai 29 ans et je pense que je suis une belle leçon de vie pour les jeunes du club parce que je peux au moins leur dire que les efforts paient toujours. C'est comme ça aussi qu'on peut leur inculquer le goût du travail.

 

Le fait de voir votre nom sur la liste, est-ce que cela a suscité des conversations notamment avec vos coéquipières parmi celles qui ont récemment été convoquées, des anecdotes sur ce qui vous attendait ici ?

J.D – Oui, on en a parlé vaguement. Après, je pense que de toute façon c'est indépendant à chaque personne. Je pense que certaines ont vécu les choses de cette manière, d'autres vont les vivre autrement donc j'étais prête au moins au fait que c'était difficile physiquement parce qu'il y avait une accumulation de séances et que c'est du haut niveau.

Après dans tout ce qui est au niveau groupal et tout ça, non. J'y suis allée avec mes appréhensions, parce qu'on en a toujours. Mais [sinon] j'y suis allé de bon cœur et je me suis dit : « On verra comment ça se passera », tout simplement.

 

« J'espère qu'il y en aura d'autres, mais j'essaye déjà de rester humble »

 

Et justement, les premières impressions ?

J.D – Elles sont positives, ne serait-ce qu'au niveau du groupe, les filles sont sympas, elles sont accueillantes. Franchement, il y a beaucoup d'échange. Même sur le terrain, il y a beaucoup de soutien, de conseils, d'aide. Ça aide forcément à l'intégration, c'est indéniable. Après, c'est à nous de se prendre en main et de donner aussi le maximum sur le terrain puisque c'est aussi ce qu'on nous demande.

 

Quelles sont les qualités que tu penses justement pouvoir mettre en avant dans ce stage avec les Bleues ?

J.D – La combativité, le fait de ne jamais rien lâcher, de tout donner. Être à fond tout le temps, tout simplement. Essayer de prendre chaque conseil, ou chaque soutien des coéquipières. Tout simplement donner le meilleur de moi-même. Après, je ne fais pas de plan sur la comète. C'est pas un manque d'ambition, c'est juste du réalisme.

J'ai 29 ans, il y a beaucoup de bonnes joueuses à côté. Si je suis rappelée, je suis très heureuse mais je préfère prendre jour après jour, sélection après sélection s'il y en a d'autres. Mais honnêtement, aujourd'hui, je profite juste jour après jour de la sélection et je suis très heureuse. J'espère qu'il y en aura d'autres mais j'essaye déjà de rester humble et d'avoir la tête sur les épaules. On verra ce que l'avenir nous réserve, tout simplement.

 

« On a une bonne défense, surtout une défense complémentaire »

 

Cette saison avec Guingamp, vous disposez d'une bonne défense, notamment avec cette charnière centrale que vous formez avec Charlotte Lorgeré. Une solidité défensive, notamment sur coups de pied arrêtés. Est-ce que vous pensez que ça fait partie des choses qui ont amené à cette sélection aujourd'hui ?

J.D – Oui, il y a du lien. On a aussi une très bonne gardienne [Solène Durand] qui est d'ailleurs troisième gardienne en équipe de France. Ça joue aussi. C'est vrai qu'on a une bonne défense, surtout une défense complémentaire et ça je trouve que c'est super important.

Charlotte et moi, on n'a pas du tout les mêmes qualités, déjà je suis grande, elle est beaucoup plus terre-à-terre. Je suis athlétique, elle est dynamique sur les appuis. Oui, ça marche bien. Après, ça fait des années qu'on joue ensemble, on se connaît par cœur. Et au-delà de la charnière centrale, on a aussi des latérales qui sont très bonnes et qui font partie de la défense. Mais c'est vrai que ça y joue et je pense que Corinne [Diacre] a pu le remarquer.

 

Effectivement, on a l'impression que ces qualités se sont mises en place au fil de la saison. Ces dernières semaines vous avez enchaîné quelques bons résultats et cela donne le sentiment que vous avez réussi à lever les doutes qu'il pouvait y avoir par rapport à la jeunesse du groupe.

J.D – Oui, après ça reste une difficulté au cours de l'année parce qu'on demande aux jeunes de grandir très vite, d'acquérir quelques années d'expérience alors que pour certaines ça fait un ou deux ans qu'elles sont au haut-niveau. Après, nous les cadres, c'est là où on a un rôle primordial. On doit les conseiller, on doit leur apprendre le haut-niveau. Des fois, c'est dur, c'est usant aussi de demander à tes cadres d'être toujours dans la dynamique.

Je trouve que c'est aussi un avantage d'avoir des jeunes parce qu'il y a une certaine fougue aussi, qu'on n'a plus à un certain âge. On l'a encore vu ce week-end contre Soyaux. On fait rentrer une jeune U19 [Amandine Béché] qui n'a pas du tout intégré le groupe D1 et elle marque un but à la 89e. C'est indéniable, je pense que la jeunesse c'est aussi important. Il faut un mix des deux, un peu d'expérience, un peu de jeunesse et que le tout soit bien cadré.

 

« C'est vraiment un autre monde »

 

Justement, comment on s'adapte quand on joue un rôle de cadre et de joueuse d'expérience en club et puis d'arriver ici [en équipe de France] et d'être complètement novice ?

J.D – On s'adapte parce qu'on n'a pas le choix, tout simplement. (rires) Après je suis une cadre dans mon club parce que j'ai l'expérience de la D1 Féminine, qu'on a pas mal de jeunesse, de 19-20 ans. Ici c'est quand même un autre monde. On ne va pas se mentir, ici c'est le haut-niveau footballistique. Moi, j'apprends tous les jours, chaque seconde, que ce soit avec une fille de 20 ans ou de 24 ans. C'est vraiment un autre monde.

Hichem Djemai