En veille de match, Corinne Diacre avait réagi aux questions des journalistes, sur l'adversaire des Bleues ce soir à l'Allianz Riviera (Nice), sur la préparation des Bleues, la place des jeunes dans le groupe, l'absence d'Eugénie Le Sommer ou à l'inverse l'arrivée de Marie-Antoinette Katoto et sur la dernière ligne droite qui l'attend avec l'équipe de France.

 

Nice Matin : Qu'attendez-vous de vos joueuses demain contre le Brésil ? Ce dernier match de l'année est très important j'imagine avant de basculer sur 2019 et la Coupe du monde ?

Corinne Diacre - On est encore en 2018 donc chaque chose en son temps. On a le Brésil à jouer demain soir (ce samedi 10 novembre ndlr). J'attends d'abord de mon équipe qu'elle soit sereine, comme depuis le début de la saison, que l'on continue à performer et surtout à gagner des matches. Parce que malgré tout c'est important pour la confiance. J'attends aussi que l'on produise du jeu et qu'on soit efficace défensivement. Et puis essayer encore, match après match, d'augmenter ce ratio occasion/but marqué.

 

Journaliste : Vous avez insisté au début de la préparation sur la nécessité d'affronter des adversaires très forts. Quel regard portez-vous sur le Brésil ? Et quelle stratégie comptez-vous adopter ?

C. D. - La stratégie, je ne compte pas la dévoiler ce soir (sourires).

 

Journaliste : Est-ce qu'il y aura du nouveau ?

C. D. - Non, rien de nouveau, je ne vais rien inventer demain soir. L'objectif contre le Brésil, comme contre le Mexique, 20e mondial, qu'on a affronté début septembre (victoire 4-0, ndlr), ça reste des matches internationaux, c'est d'être sérieuses. Contre le Mexique on a été sérieuses, on a gagné le match et il y a toujours des enseignements à tirer de ces matches-là. Et ce quelque soit l'adversaire.

Aujourd'hui au niveau international, il n'y a pas de petites équipes, de petites nations. Les 20 premières nations au classement FIFA se tiennent. Le classement est très serré. C'est toujours intéressant de jouer contre des équipes comme le Brésil. Maintenant, sans faire offense au Brésil, on est classé devant au classement FIFA (la France est 4e, le Brésil 8e). Donc l'idée c'est de garder cette suprématie demain soir. Même si le classement FIFA ne fera pas le résultat de ce match.

 

"Je ne suis pas là pour donner des chances"

 

Journaliste : Vous avez appelé pour la première fois Marie-Antoinette Katoto en vue de ce match. Est-ce que c'est une chance que vous lui donnez après son très bon début de saison ?

Je ne suis pas là pour donner des chances. Je suis sélectionneure de l'équipe de France, je sélectionne et je fais des choix. Aujourd'hui Katoto est performante avec son club du Paris Saint-Germain. Il fallait simplement lui laisser un peu de temps pour digérer sa Coupe du monde U20 qui a été difficile pour elle, on ne s'en cache pas. Elle sait qu'elle est passée à côté de cette compétition. Mais cette compétition doit rester dans le passé.

Aujourd'hui elle est là, avec nous, elle est performante en club. A elle de me montrer qu'elle peut être performante en équipe de France. Sachant qu'aujourd'hui elle est arrivée avec aucun statut. C'est une joueuse de l'équipe de France comme les autres, qui a tout à prouver comme les jeunes qui arrivent et il n'y a pas de cadeau à lui faire. Maintenant il faut impérativement regarder de l'avant. Et pour elle, regarder de l'avant, c'est le 7 janvier. C'est elle qui a le jeu dans les pieds.

 

Journaliste : Justement le fait qu'elle n'ait pas de statut aujourd'hui comme elle en avait un en équipe de France U20, est-ce que ça peut l'aider ?

Dans sa catégorie, c'était une des plus âgées. C'est vrai qu'elle avait ce rôle de leader de par ses performances en club. Elle joue quand même dans un grand club qui joue la Ligue des championnes. Donc oui forcément Marie-Antoinette Katoto avait un statut quand elle est arrivée en équipe de France U20. Aujourd'hui elle n'a pas ce statut-là. L'équipe de France a déjà gagné des matches sans elle, a déjà marqué des buts sans elle. Donc elle ne vient pas en équipe de France avec l'étiquette de « sauveuse ». Donc elle n'a aucune pression à avoir. Sincèrement je la trouve épanouie, heureuse d'être là et, sincèrement, très performante sur le terrain.

 

Journaliste : Vous avez dit cette semaine que vous attendiez « énormément » des jeunes...

(Elle coupe) Oui après « Énormément »... Disons que j'attends des choses d'elles...

 

Journaliste : En fait je voulais juste savoir si certaines d'entre elles seraient amenées à débuter le match, étant donné que certaines joueuses cadres sont blessées comme Eugénie Le Sommer ?

Des jeunes qui vont débuter oui il y en aura ça s'est sûr. Mais comme j'avais dit juste avant que je n'allais pas dévoiler ma stratégie, les jeunes je ne peux pas dire quel sera mon onze de départ puisque les filles ne le savent pas...

 

Journaliste : Enfin sans aller jusqu'à donner le onze de départ mais au moins nous dire si des jeunes vont débuter.

Oui si vous voulez, il y a des jeunes qui vont sûrement démarrer.

 

Journaliste : La blessure d'Eugénie Le Sommer remet beaucoup de choses en cause. Est-ce que des jeunes comme Delphine Cascarino peuvent avoir du temps de jeu en vue de cette Coupe du Monde ?

Vous savez on est encore loin de la Coupe du monde. Même si, comme vous pouvez le voir de par mes listes, à chaque rassemblement il y a une ossature. Mais est-ce que la liste de demain sera la même que dans 7 mois, ça je ne peux pas vous le dire. Tout va dépendre de plein de choses, notamment des éventuelles blessures. Si une joueuse se blesse durant la préparation parce que si les clubs français vont aller loin, je l'espère, en Ligue des championnes, sans compter le championnat de France et la Coupe de France en fin de saison, et bien il peut se passer encore plein de choses.

 

Journaliste : L'absence d'Eugénie Le Sommer est pénalisante ?

C'est surtout qu'aujourd'hui, une fille comme Eugénie Le Sommer, bon je vais vous lâcher « un scoop » si vous voulez (rires), elle c'est sûr elle fera la Coupe du monde. Maintenant si elle est blessée comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui est très rare chez elle d'ailleurs, il faut que je puisse imaginer un plan B.

 

Coeurs de foot : Vous avez entraîné des joueurs masculins dans le passé (Clermont qui évoluait en Ligue 2, de 2014 à 2017). Comment vous expliquez que certaines de vos joueuses d'aujourd'hui ont, elles, du mal à tirer en première intention ?

(Elle réfléchit) Je ne sais pas... (rires). Je ne peux pas l'expliquer. Il faudrait leur poser la question.

 

Coeurs de foot : Justement nous leur avons déjà posé la question, et elles nous ont répondu qu'elles voulaient prendre le temps de contrôler avant de frapper...

Je pense que c'est un problème de « prise d'informations ».

 

Journaliste ; Selon vous c'est parce que le foot féminin va plus vite aujourd'hui ? Nous étions jeudi avec Olivier Echouafni, le coach du PSG, qui nous disait la même chose. Et donc il faut justement être capable de se calmer, de prendre les bonnes informations au bon moment. C'est peut-être ça qui manque ?

Oui, c'est surtout la prise d'informations qui est essentielle dans le football. C'est ce qui fait la différence entre un bon joueur et un très bon joueur. C'est donc cette prise d'informations, de « prendre la photographie » avant de recevoir le ballon pour savoir ensuite ce qu'on en fait. Donc je pense que c'est ce problème-là effectivement.

 

Journaliste : Est-ce qu'aujourd'hui Amandine Henry a 90 minutes dans les jambes (elle revient d'une blessure à l'épaule contractée avec les Bleues contre l'Australie le 5 octobre, victoire 2-0 des Bleues) ?

Elle va débuter, forcément, c'est ma capitaine ! (rires).

 

Journaliste : Donc elle est à 100% ?

Non elle n'est pas à 100% ! Elle a été arrêtée entre 15 et 20 jours, même si après 8 jours elle a commencé à faire du vélo. Mais non elle n'est pas à 100%. Mais c'était important qu'elle soit avec nous aujourd'hui. Elle était dans le groupe de Ligue des champions avec Lyon la semaine dernière, elle a pu jouer le week-end dernier en championnat. Mais elle n'a sûrement pas 90 minutes dans les jambes. J'ai quand même d'autres joueuses dans mon groupe qui seront capables de palier à une petite défaillance d'Amandine.

 

Journaliste : Par rapport aux choix que vous faîtes, car il y a forcément des tests qui sont faits en ce moment, est-ce que les différents schémas tactiques que vous avez testés vous ont donné des préférences ou pas du tout ?

Ca fait un moment que je sais ça déjà. Je sais où je vais, on sait où on veut aller également. Il y a des choses qui fonctionnent bien. Mais maintenant je veux qu'on ait plusieurs cordes à notre arc. Parce que une Coupe du monde, ça se joue sur des détails. Donc il faut travailler plusieurs schémas, plusieurs systèmes, animations, essayer différentes joueuses en remplacement de certaines qui jouent un petit peu plus. Car en fonction des blessures il faudra avoir un plan B. Mais aujourd'hui il n'y aura pas forcément de grands tests. Des joueuses sont là aujourd'hui, elles ont une certaine expérience du niveau international. Effectivement il y a quelques jeunes qui arrivent, mais qui ont déjà une expérience dans les sélections de jeunes que les anciennes n'avaient pas quand elles sont arrivées en A. Cette équipe de France possède donc une grande expérience du niveau international.

 

Coeurs de foot : Est-ce que justement on peut tout tester et tout prévoir en vue de la Coupe du monde ?

(Elle réfléchit) En tout cas il faut réduire les incertitudes. C'est ce que je fais.

 

Journaliste : Pour revenir au match contre le Brésil, est-ce que c'est important d'affronter des grosses nations à sept mois de la Coupe du monde pour améliorer ce qui peut être amélioré ?

Mais vous savez il n'y a pas de grosses nations ou de petites nations ! Tout match international est intéressant à jouer. Je trouve que c'est faire offense aux équipes qui sont classées derrière nous ou derrière le Brésil. En plus le classement FIFA, entre nous on en pense ce qu'on veut, mais très sincèrement est-ce que le 6e au classement est forcément moins bon que le 3e ? C'est compliqué à dire ! Il n'y a pas de grosses équipes. Ca fait un petit moment que le Brésil n'a plus gagner de titres !

 

Journaliste : Pour le stade c'est la même chose ? Peu importe le stade où vous jouer, l'Allianz Riviera de Nice ou un autre ?

Oui, pour nous c'est important de faire en fonction des stades où se joueront les matches de la Coupe du monde (dont l'Allianz Riviera de Nice). C'est une volonté de la fédération. Sachant qu'à partir de 2019 on ne pourra plus le faire, puisque ces stades devront être préparés à accueillir les matches de la Coupe du monde. Aujourd'hui on peut encore le faire, on a joué dans quasiment tous les stades. Et c'est important pour nous, vu qu'on va disputer notre deuxième match de la compétition à Nice, de fouler cette pelouse aujourd'hui.

 

Journaliste : Ce n'est pas embêtant justement le fait que ce match se dispute à Nice en même temps qu'une journée de championnat de Ligue 1 masculine ?

C'est vrai que certains événements, même autres que sportifs, vont être concurrentiels. On va voir justement à quel niveau ce match France – Brésil se situe par rapport aux autres événements, notamment des clubs locaux qui ne jouent pas très loin d'ici. Je crois qu'il y a 10 ou 11 000 personnes de prévues, c'est déjà pas mal. Et j'imagine que pendant la Coupe du monde il y aura encore plus de monde. J'ai lu que 150 000 billets avaient déjà été vendus ! C'est énorme !

 

Journaliste : Justement qu'avez-vous envie de dire aux Azuréens ?

Et bien s'ils n'ont pas encore acheté de billets pour venir nous voir samedi, qu'ils changent d'avis et qu'ils viennent nous voir !

 

Journaliste : Corinne, nous sommes à un mois du tirage au sort de cette Coupe du monde. Cette compétition est donc à la fois lointaine et proche puisque le tirage au sort va influer sur le début de votre compétition. Il doit y avoir forcément un peu d'excitation, de connaître enfin vos adversaires de groupes, est-ce que vous commencez à en parler entre vous ?

Vous savez, ça fait déjà un an et demi que je suis excitée ! (rires). Donc je peux encore attendre un petit mois ! Oui, on attend forcément ce tirage car ça fait un an et demi qu'on se prépare, on a encore six mois de préparation. Et le fait de connaître contre qui on va jouer va nous donner du temps pour bien travailler, étudier nos adversaires, changer peut-être encore des choses dans notre façon de jouer. Parce qu'aujourd'hui je fais des essais de systèmes et peut-être que par rapport aux équipes que nous allons rencontrer au premier tour, je vais devoir changer mon fusil d'épaule ! Donc justement ce tirage au sort va être un premier pas vers cette Coupe du monde.

 

Coeurs de foot : Si on prend justement le dernier exemple d'une compétition majeure disputée par l'équipe de France, l'Euro 2017 (élimination de la France en quarts de finale contre l'Angleterre avec Olivier Echouafni comme sélectionneur), les Bleues avaient dominé mais ont perdu 1-0 et n'ont pas su revenir au score, vous disiez justement que vous vous attendiez à ce que votre équipe soit en difficulté, menée au score, pour voir comment elle allait réagir...

Non je ne m'attends pas à ce que mon équipe soit menée au score. J'ai simplement dit, et je vais reprendre ce que j'ai lu parfois et qui ne correspond pas à ce que j'avais dit, j'ai simplement dit que j'aimerais voir comment mon équipe allait réagir si elle était menée au score.

 

Coeurs de foot : Du coup, par rapport au dernier Euro, est-ce que vous vous préparez, si elle connaissent le même scenario, à ce qu'elles gardent leur calme ? Parce que c'est ce qui leur a peut être manqué justement pendant l'Euro ?

C'est difficile de parler d'un instant où je n'étais pas présente. Mais je sais aujourd'hui ce qui peut nous faire défaut. Si on est menées au score à la 85e minute, mais j'espère qu'on aura réagi avant la 85e parce qu'après c'est un peu tard, mais par exemple si à ce moment-là les trois changements ont été effectués, ce sont des choses que l'on travaille à l'entraînement. Forcément ce ne sont pas les mêmes enjeux à l'entraînement qu'en match. Mais l'idée c'est de les mettre en difficulté à l'entraînement, de travailler sur des thèmes comme celui-ci.

 

Coeurs de foot : C'est une question de psychologie donc ? Car elles ont tout à fait les moyens de marquer à n'importe quel moment du match ?

La question c'est surtout comment on fait pour y arriver. Avant la finition il y a toute une préparation. La question c'est : qu'est-ce qu'on met en place ? Est-ce qu'on confond vitesse et précipitation ? Est-ce qu'au contraire on garde notre calme ? Moi j'ai une réponse !

 

 

Journaliste : Parallèlement à votre match de demain, le football français est en ce moment miné par l'affaire des fichages ethniques supposés au sein de la formation du Paris Saint-Germain entre 2013 et 2018. Est-ce que vous par exemple quand vous entraîniez l'équipe masculine de Clermont vous avez été témoin de ce genre de choses ?

Pas du tout. En plus à Clermont le centre de formation est très jeune. Mais non en aucun cas.

 

Journaliste : Dernière question, est-ce qu'entraîner des hommes est plus difficile qu'entraîner des femmes ?

Il n'y a aucune différence ! Au lieu de penser hommes/femmes, pensez plutôt en terme de générations ! Et les hommes et les femmes de cette générations sont exactement les mêmes (rires).

Dounia MESLI & Arnaud Le Quéré