A quelques mois de la Coupe du monde 2019 en France (7 juin - 7 juillet), Corinne Diacre a dressé lundi pour l'AFP un constat douloureux mais réaliste de la condition des footballeuses en 2018. La sélectionneuse des Bleues a entre autres évoqué le sexisme qui sévit encore actuellement. 

 

« Aujourd'hui, les femmes sont encore des objets." La phrase, prononcée lundi par Corinne Diacre pour l'AFP, est cash, lourde de sens, choquante même. "On vous pose encore des questions sur des choses qui, à mes yeux, sont franchement complètement ridicules. Mais nous devons encore nous battre aujourd'hui sur ces questions", a t-elle poursuivi. Pourtant depuis quelques années, le regard et les mentalités sur le football féminin semblent avoir évolué. Mais cette évolution est lente, et les préjugés sexistes tenaces. 

Vous trouvez peut-être que le mot "objet" prononcé par la sélectionneure de l'équipe de France est exagéré ? Dans ce cas, remémorez-vous Ada Hegerberg et le fameux "Est-ce que tu sais twerker ?" lancé par le DJ Martin Solveig lors de la remise du ballon d'or féminin... "Honnêtement, nous sommes confrontées à ce genre de choses tous les jours, a réagi Diacre, qui fut également l'ancienne capitaine de la France (121 sélections, 14 buts inscrits). Je veux vous dire qu'aujourd'hui rien ne me choque".  

Corinne Diacre est en effet bien placée pour parler de cette évolution lente et semée d'embûches du football féminin en France. "Quand j'ai commencé dans le football dans les années 80, il était très rare de voir une fille jouer, nous étions vraiment méprisées. Le football était censé être réservé aux hommes. Malheureusement, il y a encore trop de choses négatives dans le football. Non seulement le sexisme, mais j'entends aussi beaucoup parler du racisme et ce sont des choses très difficiles à supporter en 2018."

 

"T'as raison, cache-toi derrière une gonzesse"

 

Pionnière en tant que joueuse, Diacre l'est aussi en tant qu'entraîneure. En 2014, elle est devenue la toute première femme à entraîner une équipe masculine professionnelle. Il s'agissait de Clermont, club évoluant en Ligue 2. Elle est restée trois bonnes années sur le banc du club auvergnat, avant de répondre favorablement à l'appel de la FFF pour prendre les rênes des Bleues. Cette période clermontoise, dont le président du club Claude Michy avait salué le bilan, lui a permis de s'aguerrir et de se construire une carapace. Car elles en a reçus, des coups.

Le plus mémorable : celui de Jean-Luc Vasseur en février 2016, lorsqu'il était le coach du Paris FC. Alors que son équipe était tenue en échec par Clermont (0-0), Vasseur s'en est pris à un adjoint de Diacre. "T'as raison, cache-toi derrière une gonzesse !", lui a t-il notamment lancé. Preuve en est que le football professionnel a encore du mal à accepter les femmes.

Mais cette femme de caractère veut aujourd'hui continuer à avancer dans sa passion. "Nous, les femmes dans le football, nous nous concentrons sur les choses importantes, c'est-à-dire notre passion pour le football, c'est tout ce que nous sommes aujourd'hui", a t-elle expliquée lundi.

 

Une lutte constante pour la reconnaissance

 

Bref, le quotidien des femmes dans le football peut se résumer en ces quelques mots : une lutte constante pour la reconnaissance. Et ce malgré la visibilité et la médiatisation croissante dont le football féminin fait l'objet. Mais la Coupe du monde 2019, organisée sur le sol français, pourra peut-être avoir un impact considérable sur le public français. Surtout dans le cas d'une hypothétique victoire finale des joueuses de Corinne Diacre. Une Coupe du monde où la France ne sera "pas favorite mais outsider" selon la sélectionneure. 

Arnaud Le Quéré