Optimiste et pragmatique, Frédéric Goncalves est revenu sur la qualification des Bleues face au Maroc (4-0), et se projette avec nous sur le quart qui attend les Bleues face au co-hôte de cette Coupe du Monde 2023, l'Australie ! Le technicien franco-portugais espère que les Bleues - emmenées par Hervé Renard - continueront dans leur dynamique pour aller au bout, avec solidarité et application.

 

Cœurs de Foot - Une belle victoire, mais il faut aussi prendre en compte l’adversaire, le Maroc, sur ce match ?

C'est quand même un adversaire qui a fait sortir l'Allemagne, donc c'est quand même un adversaire de qualité. Alors c'est vrai que si on prend le classement FIFA, c'est une des équipes les moins bien classées (le Maroc est classé 72e, ndlr), mais c'est quand même une équipe qui a battu la Colombie, qui est en quart de finale, qui a battu la Corée du Sud et qui a sorti l'Allemagne [grâce à ces résultats], qui est quand même numéro 2 au classement FIFA, et qui était l'une des grandes favorites de la compétition.

Donc il fallait les prendre au sérieux et la France a fait le job, en une vingtaine de minutes elles ont réussi à plier le match. Après en deuxième mi-temps elles ont été encore sérieuses, car c'est le premier match de la compétition où elles gagnent les deux mi-temps. Je pense que comme on l'a évoqué sur les matches précédents, elles sont sur une dynamique où là ce sont les plays-offs, ce sont des matches à élimination directe, elles savent qu'elles ne peuvent pas baisser leur garde et qu'il faut qu'elles restent concentrées et appliquées sur les 90 minutes, plus les arrêts de jeu [voire plus].

 

"Avec cet état d'esprit tu peux soulever

des montagnes."


CDF - Des Bleues qui ont aussi levé le pied après le 3e but ? Est-ce que c'est le coach (Hervé Renard) qui leur a demandé cela, pour ne pas trop dépenser d'énergie ?

Non je ne pense pas. Je pense que c'est humain, elles étaient déjà à 3-0, elles savaient qu'elles avaient fait la différence, en plus en première mi-temps on voit que le Maroc n'a pas frappé une seule fois au but. Après en deuxième mi-temps elles sont arrivées avec d'autres intentions les Marocaines, elles étaient plus agressives, elles ont quand même réussi à se procurer certaines situations, parce que c'était je pense leur volonté de -quand même - sauver l'honneur, et de faire honneur à leur beau parcours dans cette Coupe du Monde.

Moi j'ai trouvé que c'était cohérent, que c'était bien et quand on voit le premier but qu'elles marquent les Françaises, il part de derrière c'est très bien construit. De toute façon on le voit même sur les autres matches, dès qu'elles arrivent à mettre en place leur schéma de jeu, leur schéma préférentiel en partant de derrière, en jouant les unes pour les autres, dans un jeu assez simple, elles arrivent à atteindre la surface et généralement ça finit par un but ou une grosse occasion. Il a fait rentrer toutes les joueuses de champs, avec Naomie Feller et Aissatou Tounkara, donc c'est bien aussi car ça concerne tout le monde. L'harmonie ça compte beaucoup dans une équipe, car tu as envie de jouer les unes pour les autres et pour ton coach. On sent les filles concernées, avec un bon état d'esprit entre elles, qu'elles sont solidaires. Avec cet état d'esprit tu peux soulever des montagnes.

 

"Une équipe de France qui est

très complète"


CDF - Les Bleues ont montré de très belles choses sur ce match contre le Maroc, mais athlétiquement et physiquement, les Marocaines avaient l'air un peu esseulé par leurs gros matches de poules, elles ont aussi affronté des adversaires peut-être plus compliqués d'ailleurs, ce qui a créé un vrai déséquilibre ?

Oui elles ont quand même fait trois matches de très haut niveau lors des poules, car c'était quand même trois très bonnes équipes qu'elles ont affronté (la Colombie, la Corée du Sud et l'Allemagne, ndlr), elles ont lâché pas mal d'énergie. Elles sont tombées sur une équipe de France qui est très complète, qui on le sait est athlétique, donc tous ces facteurs-là, font que ce n'est pas évident pour le Maroc. Ça a été bien parce que le Maroc a essayé de jouer un peu plus haut [en deuxième mi-temps], elles ont voulu gêner la relance française, essayer d'intercepter les ballons au milieu de terrain.

Après la France a fait un match complet, et a fait un bon match, le résultat parle pour lui-même, tu gagnes quand même 4-0. Il ne faut pas minimiser la performance de l'équipe de France. C'était un très bon match, je pense que les Marocaines ont donné le maximum de ce qu'elles pouvaient donner. La meilleure équipe passe et c'est rassurant pour tout le monde, pour tous ceux qui ne voyaient même pas l'équipe de France passer les poules, là elles sont en quarts de finale, elles ne sont plus qu'à une marche d'égaler leur meilleure performance avec la demi-finale [en 2011 (les Bleues avaient malheureusement perdu leur billet pour la finale, et perdu le match pour la 3e place face à la Suède après, ndlr)]. Moi je vois bien la France passer et battre l'Australie.

 

"C'est aussi le rôle d'un entraineur d'aider l'équipe et les

joueuses à rester concentrées et positives"


CDF - On a entendu Hervé Renard donner énormément de consignes, c’est la bonne chose à faire selon vous ? On a vu sur cette Coupe du Monde, deux types de coachs, ceux qui ne sont pas trop expressifs, et ceux qui accompagnent beaucoup leur équipe et joueuses.

Je pense que c'est une mentalité qui est quand même très latine. On voit que ça soit les coachs français, italiens, espagnols, portugais, d'Amérique latine, qu'ils s'agitent beaucoup. On les voit ce sont des sanguins, ils sont debout, ils font toujours des gestes.

Je pense que c'est déjà culturel, moi en tant qu'entraineur, je suis comme lui [Hervé Renard], je suis quelqu'un qui bouge beaucoup, qui donne pas mal de consignes, qui encourage, et lui c'est ce qu'il fait aussi. Ça aide quand tu es sur le terrain et que tu entends la voix de ton entraineur, ça t'aide à te replacer par moment, quand tu fais une erreur de ne pas tomber, de ne pas rester sur le négatif, de passer vite à autre chose, et ça c'est aussi le rôle d'un entraineur d'aider l'équipe et les joueuses à rester concentrées et positives sur le terrain. 

 

"Ça peut être favorable à

l'équipe de France."


CDF - Est-ce suffisant pour battre l’Australie, qui a battu le Danemark en huitièmes de finale (2-0) ? On a vu une équipe australienne appliquée, focus, avec des automatismes, assez "robotisée"... Alors que les Bleues jouent plus à l'instinct, et encore plus avec l'arrivée de Hervé Renard, qui les a libéré. 

Sur toutes les dernières Coupe du Monde, le pays organisateur est sorti en quart de finale. Il faut le prendre en considération, ça peut être un signe.

Peut-être [que les Australiennes étaient appliquées] mais si la machine est défaillante, si leur schéma préférentiel n'est pas possible à mettre en place, ils ne sauront plus quoi faire, car ils sont cantonnés, ils auront peut-être deux ou trois ressortis de balle, et derrière si elles n'y parviennent pas, qu'est-ce qu'elles font ?

Quand une équipe est trop mentalisée, arrêtée sur un schéma bien précis, et qu'elle rencontre des difficultés, qu'on demande aux joueuses de faire quelque chose de nouveau, mais qu'elles n'ont pas travaillé, elles rentrent vite fait dans une panique et moi je pense que ça peut être favorable à l'équipe de France.

 

"Elles sont plus près

que jamais"


CDF - Est-ce qu’on peut aujourd’hui espérer que les Bleues aillent en demi-finale face au pays hôte ?

Elles sont à un match des demi-finales. Depuis le début de la compétition j'espère qu'elles iront en finale. Là j'ai envie de dire qu'elles sont plus près que jamais, mais il faut le jouer et le gagner ce quart de finale. Elles jouent l'Australie, et comme je l'ai dit il faut prendre cette donnée-là, le pays hôte est sorti en quart de finale lors des derniers mondiaux.

Les Bleues sont sérieuses, appliquées, il n'y a pas eu de relâchement [contre le Maroc], il [Hervé Renard] a du mettre la main dessus après le match face au Panama. Maintenant la machine est lancée, si l'équipe de France ne gagne pas ce match, elle rentre à la maison. Il y avait 32 équipes, maintenant il en reste 8, donc tu fais partie des 8 meilleures équipes du monde. Je pense que c'était entre guillemets "le minimum syndical", en sachant qu'il y a des grandes nations au classement FIFA, qui sont déjà sorties (Allemagne, États-Unis, Danemark, Norvège, Canada, Brésil).

Aujourd'hui l'équipe de France tient son rang, son statut, et peut aller chercher le top 4, et pourquoi pas le top 2, voire soulever la Coupe. Il faut rester dans cette dynamique-là.

 

*Interview réalisée au téléphone, ce mercredi 9 août

Dounia MESLI