L'analyse à chaud de Yannick Chandioux après la victoire éclatante de l'équipe de France A face au Brésil (2-1). Le coach montpelliérain revient sur ce qui a contribué à la réussite des Bleues sur ce deuxième match de poules, notamment un meilleur état d'esprit, même si tout reste encore à faire pour aller en huitièmes de finale.

 

Coeurs de Foot - Quel est votre ressenti sur ce deuxième match ? Vous aviez vu la victoire, et elle s’est confirmée aujourd’hui, avec un Brésil aussi plus décevant quand même que face à la novice équipe du Panama ?

On peut se poser la question si c'est le Brésil qui a été décevant ou si c'est l'équipe de France qui a fait un bon match. Effectivement on pouvait imaginer un Brésil un peu plus tranchant sur le plan offensif.

Il y a eu un quart d'heure de jeu [difficile] pour l'équipe de France, lorsque le Brésil a mis une pression un petit peu plus haute sur le terrain et un pressing avec plus d'intensité dans les duels. Par contre ce n'était pas assez aujourd'hui pour battre l'équipe de France. Dans le même temps je trouve que l'équipe de France a haussé son niveau en terme d'intensité notamment. 

 

CDF - Après la Jamaïque c'est vrai que les Bleues ont montré un tout autre visage ?

Je pense aussi - comme je l'ai évoqué l'autre jour - que la Jamaïque avait aussi bien contrôler l'équipe de France à travers un jeu plutôt basé sur la force athlétique. Alors que le Brésil à quand même par moment laissé un petit peu d'espaces, ce qui a permis à l'équipe de France de se créer des occasions. Alors ce n'est pas parfait, mais il y a eu des choses intéressantes.

 

"Elle a pris ses responsabilités"

 

CDF - Un coach (Hervé Renard) qui a su se remettre en question aussi avec un coaching gagnant, notamment avec la titularisation de Wendie Renard, à qui il a fait confiance, tout comme Selma Bacha, qui semble s’être remise pleinement au vu de son match ?

J'ai été dans les secrets de la composition 48/72 heures avant le match [donc je savais un peu]. Je pense que dans ce cas de figure, ce sont des échanges qui se font entre les joueuses et le coach. Pour moi Wendie Renard se connait très très bien et il y a certainement eu des échanges avec le staff médical et Hervé Renard. Est-ce que c'était risqué pour Wendie Renard de jouer, est-ce qu'elle était capable de jouer tout simplement ? Je pense qu'elle a pris ses responsabilités.

C'est toujours embêtant quand c'est une blessure musculaire. Pour moi Selma Bacha c'est une cheville, on sait qu'il y a eu quand même un temps de cicatrisation. Là [pour Wendie Renard] c'est une blessure musculaire. Pour moi c'était un peu à quitte ou double. Elle aurait pu essayer et se refaire mal et là la Coupe du Monde était certainement terminée pour elle. Ça veut dire aussi que ce n'était pas très très grave non plus, il y a peut-être eu aussi un peu de poker menteur à travers cette situation (sourire). 

 

CDF - Après le match, Hervé Renard avait aussi lâché que Wendie Renard avait serré les dents, donc les athlètes de haut niveau ont aussi du mental, quand le physique flanche un peu ?

Exactement, mais quand c'est musculaire (sourire), je pense que c'est un peu [plus compliqué] oui ou non [pour reprendre], et pour moi oui elle a serré les dents, elle a très certainement tout fait pour jouer. Mais si elle a joué avec son expérience, c'est qu'elle pouvait jouer et c'était décidé tous les deux ensembles avec le staff médical, c'était bien réfléchi tout ça à mon avis.

 

"J'ai vraiment aimé l'état d'esprit

de manière générale."

 

CDF - Il y a eu un également de tactique, avec plutôt un 4-4-2 et non un 4-3-3 comme on l'a vu sur le schéma posté, après le 4-2-4 du premier match infructueux ?

Je pense que c'était un 4-4-2 qui pouvait se transformer par moment en 4-3-3, avec Kenza Dali qui à joué très côté sur son couloir. Je trouve que le retour de Kenza [Dali] a fait du bien, j'ai vraiment bien aimé le volume de jeu et ce qu'elle propose pour l'équipe de France. Et Selma Bacha vraiment excentrée sur le côté gauche.

On a quand même Eugénie Le Sommer, qui a pas mal de liberté, qui a beaucoup décroché, par moment c'est aussi un 4-2-3-1, avec Eugénie Le Sommer qui a un rôle de neuf et demi, qui décroche même par moment comme une numéro 10, au coeur du jeu. Et puis Kenza [Dali] à travers son activité notamment, capable de rentrer [plein axe] aujourd'hui. C'est vrai que c'est plus une animation, qu'un système.

Pour moi même après le premier match, je me disais que l'association Diani-Le Sommer pouvait être intéressante avec Eugénie Le Sommer à qui il faut proposer de la liberté et une Diani, qui est un peu plus en point de fixation. J'ai préféré son match d'aujourd'hui bien sûr à Diani. C'est un petit peu logique, car elle n'a pas joué pendant plusieurs semaines, elle a besoin certainement aussi du temps pour retrouver le rythme du haut niveau.

Effectivement l'équipe de France a montré un visage plutôt séduisant, je trouve, surtout concernant l'état d'esprit. J'ai vraiment aimé l'état d'esprit de manière générale.

 

CDF - On évoquait les difficultés rencontrées par les Bleues lors du premier match, en ne parvenant pas à marquer et qui ont répondu aujourd'hui face au Brésil ? Notamment le duo offensif que vous evoquiez, puisque c'est Diani qui fait la passe décisive de la tête à Le Sommer, pour l’ouverture du score.

Je trouve que les deux ont rehaussé leur niveau. Je le répète pour moi c'est l'animation le plus important. On parle souvent de système, mais c'est ce que fait l'équipe avec le ballon et sans le ballon, [le plus important].

Effectivement il y a eu une forme de complémentarité par moment, je pense qu'elles peuvent faire mieux, très certainement, et j'espère que sur la suite de la Coupe du Monde, elles feront mieux, mais à travers le but marqué, c'était bien.

Je dirais que ce qui a été intéressant aussi, c'est l'entrée de Vichi Becho, j'aime beaucoup cette joueuse et ce qu'elle fait sur ses premières minutes en Coupe du Monde, c'est super pour elle et l'équipe de France.

 

"Il fallait entre guillemets

se réveiller"

 

CDF - Vous évoquiez également un centre de Karchaoui mal amené face à la Jamaïque, la Parisienne s’est parfaitement rachetée aujourd’hui, avec le ballon pour Diani, qui amène le but de Le Sommer ? Comme toutes les Bleues d’ailleurs, mais surtout Grace Geyoro, qui a été plus offensive sur ce match, car elle avait justement plus de possibilité de le faire ? On sent qu'il y a eu une vraie remise en question de toute l'équipe finalement et des joueuses qui ont été le plus piquées par les critiques du premier match.

Oui c'est ça, c'est un super ballon [de Karchaoui]. Finalement les deux buts - c'est un corner sur le deuxième mais - à chaque fois c'est la recherche du deuxième poteau. Une fois Selma Bacha, une fois Sakina Karchaoui. Je pense que c'est un atout pour moi pour l'équipe de France, cette capacité d'amener des centres et elles peuvent faire encore mieux toutes les deux. Elles ont d'énorme qualités et j'espère qu'elles vont encore monter en puissance sur le reste de la Coupe du Monde en amenant encore plus de centres.

Effectivement, de toute façon (sourire), personne n'avait pas le choix (sourire) [et tout le monde devait se racheter]. Que ça soit le staff ou les joueuses, elles n'avaient pas le choix de rehausser leur niveau, sinon c'était défaite ou au mieux match nul, et avec une défaite, c'était l'élimination.

Donc il fallait entre guillemets "se réveiller". L'animation que demande ce 4-2-3-1 ou ce 4-4-2, voire pour moi un 4-3-3, demande beaucoup aux milieux de terrain défensives et que ça soit Geyoro ou Toletti, c'est un gros gros gros travail à effectuer. A la limite elles ne ressortent pas toutes les deux de ce match, mais finalement elles ont fait un travail dans l'ombre vraiment très intéressant toutes les deux, peut-être avec un ton au-dessus pour Geyoro, qui a fait pour moi un gros match. C'est du travail toujours un petit peu compliqué d'être milieu défensif dans ce type de match. Sandie [Toletti] il me semble, fait une petite erreur sur la situation qui amène le but du Brésil, mais c'était un gros travail pour les deux joueuses.

 

"Il ne faut pas croire que c'est

gagné d'avance"

 

CDF - La Jamaïque de son côté s’est imposée 1-0 face au Panama grâce à Allyson Swaby, que vous voyez comme l’élément fort de la Jamaïque, les Bleues doivent faire mieux pour aller en huitièmes, mais c'est un match largement à leur portée ? 

Il va falloir le gagner en respectant bien sûr l'adversaire. Ça ne va pas être un match facile, il ne faut pas croire que c'est gagné d'avance, à l'image de certains matches de cette Coupe du Monde, où on a pu l'observer.

Après très sincèrement pour moi le Panama, c'est la plus faible des trois équipes. Je pense que cette victoire [contre le Brésil] va faire du bien, et je ne suis pas inquiet pour la qualification de l'équipe de France. Il faut continuer à travailler, il y aura peut-être, voire certainement une ou deux rotations de la part de Hervé Renard, je pense qu'il va lancer des joueuses sur cette Coupe du Monde. Vraiment je ne suis pas inquiet, ensuite ça va être élimination directe à partir des huitièmes et là il faudra encore passer un cap. Je ne suis pas inquiet à travers l'état d'esprit que j'ai vu tout à l'heure, pour la qualification en huitièmes.

 

CDF - On sent que les Bleues ont retrouvé leur homogénéité face aux Brésiliennes ?

Oui bien sûr, mais attention ça ne reste - Hervé [Renard] l'a bien signalé - qu'un match de poules, une victoire contre une bonne équipe brésilienne. Mais rien n'est fait, il va falloir faire encore plus, j'ai vu encore des petites erreurs techniques par moment, je pense que l'équilibre peut-être encore meilleur, l'équilibre défensif peut s'améliorer.

Je n'ai pas vu, à mon avis, car il y avait peut-être un petit peu de pression pour le faire, mais de lancement [du ballon] très très bas de la surface de l'équipe de France, il y avait un petit peu de timidité à ce niveau-là.

En deuxième mi-temps le Brésil par moment avec la pression du positionnement plus haut, empêchait l'équipe de France de jouer. Il va falloir aussi trouver des solutions dans ces circonstances-là, car en avançant dans cette Coupe du Monde et certainement à partir des quarts de finale, en imaginant que l'équipe de France y aille, il faudra être fort, mais c'est un premier point positif. Je pense surtout que les joueuses ont besoin de soutien, et je mets à nouveau l'état d'esprit en avant, en attendant un peu plus dans le jeu.

 

Interview réalisée le 29 juillet, tout juste après la rencontre France-Brésil

 

Photo : MHSC

Dounia MESLI