Alors que la saison est interrompue en D2, le FC Vendenheim fait partie des équipes en mauvaise posture, dernier du groupe A après six journées, sans avoir pris de points. L'urgence de retrouver le chemin de la victoire se heurte à la nécessité de patienter, à nouveau pour une durée indéfinie, face à l'épidémie de coronavirus. Une situation aux multiples défis pour le club alsacien, sur le terrain, mais aussi pour faire face aux difficultés générées par la crise sanitaire actuelle... 

 

Alors que la saison est désormais interrompue, difficile de savoir à quel moment le championnat va pouvoir reprendre. Si les dates des 5 et 6 décembre sont pour le moment retenues, certains se projettent dès maintenant en 2021, et le mois de janvier pour une éventuelle reprise des compétitions. Pour Vendenheim, chaque semaine sans match représente du temps supplémentaire passé à la dernière place du groupe A en D2.

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Une position provisoire mais qui serait synonyme de relégation en fin de saison. L'expérience du printemps dernier montre qu'il faut se préparer à des calendriers raccourcis en cours de route, et les points d'ores et déjà acquis pourraient valoir un peu plus cher, si le championnat ne pouvait aller jusqu'au bout cette saison.

 

Retrouver la recette des saisons passées

Ces unités font pour le moment cruellement défaut au club alsacien, seule équipe du groupe A sans victoire ni point au compteur après 6 journées. C'est le plus mauvais départ pour Vendenheim depuis que le club est redescendu en D2, en 2013. Le coach des Fédinoises, Nicolas Both, espérait « redresser avec la barre avant Noël », un objectif fixé avec les joueuses et qui semble désormais compromis, surtout dans le cas de figure où le championnat ne pourrait reprendre avant la fin de l'année.

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Si la situation sanitaire n'était pas aussi préoccupante, Nicolas Both aurait d'ailleurs « préféré que [la saison] se poursuive », avec des matches à venir face à Saint-Maur et Nancy, deux équipes également à la lutte pour le maintien.

Pour expliquer ces difficultés sur le terrain, Nicolas Both évoque les qualités de son équipe les saisons précédentes. Selon lui, Vendenheim est une équipe avec « les forces de [ses] faiblesses », et en particulier des joueuses « attentives à être efficaces », parce que conscientes qu'elles auront souvent moins d'occasions que leurs adversaires en championnat.

Pourtant, cette saison, « le manque d'efficacité » prive l'équipe alsacienne de ses premiers points, et Nicolas Both pointe notamment les rencontres face à Brest, Lens ou le derby face à Strasbourg (à chaque fois perdu sur le score de 2-1), des « matches qu'on aurait dû gagner ».

 

Un monde professionnel de plus en plus présent

La montée du Racing Club de Strasbourg souligne également la situation de plus en plus précaire du FC Vendenheim. Les deux entités sont très proches géographiquement, puisque Vendenheim fait partie de l'Eurométropole de Strasbourg, à une dizaine de kilomètres au nord de la capitale alsacienne. Une proximité telle que la fusion entre le Racing et Vendenheim avait été un temps envisagée.

Club amateur, le FC Vendenheim est aussi une équipe historique du football féminin français, déjà présente en 1974, lors du lancement du championnat de France. La formation alsacienne fait aujourd'hui face à une concurrence de plus en plus forte de la part des structures professionnelles de la région. D'autres clubs de l'Est au statut amateur, comme l'ESAP Metz ou l'AS Pierrots Vauban Strasbourg sont redescedus vers l'échelon régional, après un passage en D2.

Dans la région Grand Est, les sections féminines de clubs professionnels sont désormais nombreuses en D1 et en D2. Le FC Metz, l'AS Nancy Lorraine, le Stade de Reims, et le Racing Club de Strasbourg, une liste à laquelle on pourrait rajouter les Bourguignonnes de Dijon (le DFCO rejoint par Lena Goetsch en 2019, après avoir évolué 5 saisons à Vendenheim). À cette concurrence, Nicolas Both ajoute celle de « la Suisse et de l'Allemagne », des destinations très proches géographiquement pour des joueuses originaires d'Alsace.

Le club du SC Sand, qui évolue en Frauen-Bundesliga (première division allemande), n'est qu'à une trentaine de kilomètres, de l'autre côté du Rhin. Une expérience notamment vécue par l'actuelle capitaine de Vendenheim, Noémie Freckhaus, passée par le club de Willstätt avant de revenir en Alsace. Pendant le mercato estival, Imane Saoud a pris la direction de la Suisse et du FC Bâle, après des performances remarquées en D2 avec le club du Haut-Rhin.

 

Une nécessaire adaptation

Si les joueuses sont tentées de partir, c'est aussi parce que Vendenheim est un club qui ne compte aucune joueuse sous contrat fédéral, ce qui pourrait désavantager Vendenheim au moment de la reprise de la saison. L'attrait d'un statut pro ou semi-pro, pouvoir se consacrer pleinement au football, un passage obligé pour des joueuses qui veulent évoluer au plus haut niveau, et une tendance qui oblige le club alsacien à s'adapter.

Une « évolution » nécessaire pour Nicolas Both qui évoque des nouveaux moyens comme la création d'une salle de musculation, « l'accompagnement vidéo », ou des investissements sur « l'équipement » qui permettent à Vendenheim de « faire ce qu'il faut » pour rester en D2 plutôt que de « pleurer sur notre sort ».

Des solutions qui permettent au club de résister dans l'immédiat, même si cela pourrait ne pas suffire à plus « moyen terme » selon le coach fédinois, notamment s'il s'agit d'attirer des joueuses plus expérimentées. Pour Marilou Duringer, l'emblématique présidente du FC Vendenheim, cette situation se traduit en chiffres. Selon elle, avec un budget actuel de « 400.000 euros », il faudrait aujourd'hui le double, pour pouvoir « investir sur des joueuses » et permettre au club de disputer les premières places en D2.

 

La « même envie » après le premier confinement

Pourtant, selon la présidente de Vendenheim, ces difficultés sportives de l'équipe première contrastent avec l'atmosphère plus générale autour du club. L'épidémie de COVID-19 qui a touché durement le Grand Est au printemps, n'aurait pas entamé l'envie de se retrouver autour d'un ballon rond, au moins à Vendenheim.

Le derby face au Racing Club de Strasbourg avait notamment permis d'attirer plus de 700 spectateurs le 13 septembre au stade Waldeck. « Tout le monde est présent » avec des joueuses « qui attendaient la reprise ». Une équipe supplémentaire a d'ailleurs été créée en jeunes comme nous l'expliquait Marilou Duringer. Des chiffres à contre-courant de ceux moins réjouissants qui ont commencé à filtrer au niveau national.

Le diagnostic est le même du côté de Nicolas Both, qui évoque une reprise de l'équipe première avec « la même envie » qu'avant l'interruption du printemps, estimant par ailleurs vouloir « rester dans le concret » avec ses joueuses, même en cette période où le football pourrait être bousculé par d'autres préoccupations.

Si l'enthousiasme semble au rendez-vous, la présidente du FC Vendenheim reconnaît que les perspectives s'annoncent plus difficiles sur le plan financier. Elle estime nécessaire « que le football devienne raisonnable » en cette période de crise sanitaire, une ligne directrice qu'elle tente de mettre en œuvre à l'échelle du club : « Faire attention, économiser [pour] ne pas être surpris » et pouvoir « continuer à exister ». Cela oblige également à réduire la voilure et renoncer à certains projets.

 

« Je ne crois pas que nous sommes en danger »

En effet, si la pandémie de coronavirus n'a pas refroidi les ardeurs, elle limite les ressources du club, notamment en terme de partenariats, et bien sûr la fermeture de la buvette, autre source de revenus comme pour beaucoup de clubs amateurs.

Pourtant, Marilou Duringer ne voit pas l'épreuve sanitaire actuelle se transformer en crise existentielle pour le football féminin. Passée par les terrains, et les instances de la FFF, elles se souvient de ces « 20 premières années (…) difficiles » pendant lesquelles « on ne savait pas si le football féminin allait s'enraciner ». Une époque, notamment dans les années 1970 et 1980, où « le football féminin pouvait disparaître à tout moment ».

Un risque qui ne semble plus à l'ordre du jour selon elle, estimant que la discipline a désormais « une assise » et qu'elle est « structurée dans les instances ». Néanmoins, la présidente de Vendenheim ajoute qu'il faudra « accepter de revenir à des bases plus saines et sérieuses » pour « perdurer, malgré les difficultés financières ».

Une rigueur que Marilou Duringer associe à une volonté de préserver la notion de « plaisir », pour celles qui sont sur le terrain comme pour les spectateurs, plutôt que de chercher à jouer à tout prix. Ce plaisir de se retrouver autour du ballon rond, est pour le moment mis entre parenthèses à Vendenheim, un sentiment à entretenir dans les prochaines semaines, avant de pouvoir l'exprimer à nouveau sur les terrains.

 

Photo: Alain Rauscher / RCSA

Hichem Djemai