Sélectionneur de l’équipe nationale ukrainienne, l’entraîneur espagnol Lluis Cortés a raconté dans une série de tweets, son voyage depuis Kiev pour parvenir jusqu’en Pologne voisine. Deux jours pour sortir d’une Ukraine désormais en guerre, et au centre de toutes les attentions depuis le déclenchement de l’invasion par l’armée russe, le 24 février au matin...

 

Alors que la guerre fait rage actuellement en Ukraine, les compétitions de football ont été stoppées dès le lancement de l’offensive russe dans le pays. Lorsque la guerre éclate, la sélection féminine ukrainienne venait de remporter la Turkish Women’s Cup, tournoi amical organisé annuellement dans la région d’Alanya en Turquie, sur les bords de la Méditerranée.

 

Du rire aux larmes

Le 22 février, les joueuses ukrainiennes récoltent le trophée des vainqueures, après avoir conclu le tournoi devant le Venezuela ou l’Ouzbekistan. Le lendemain, veille de l’invasion russe, elles sont quelques unes à faire leur retour en Ukraine. À leurs côtés, on retrouve une partie du staff catalan de l’équipe nationale ukrainienne, dirigé par Lluis Cortés, ancien entraîneur du FC Barcelone.

La saison passée, ce dernier avait réalisé le triplé Coupe-championnat-Champions League avec le Barça, avant d’être remercié en fin de saison. Au mois de novembre dernier, il était nommé sélectionneur de l’équipe nationale ukrainienne.

De retour à Kiev, le préparateur physique de la sélection ukrainienne, Jordi Escura décrit une situation qui ne ressemblait pas une veillée d'armes, avec de la « tension » dans l’air, mais pas de « sentiment d’être en danger ». La situation a basculé le lendemain à l’aube, et Lluis Cortés comme Jordi Escura comptent alors parmi les personnes amenées à fuir Kiev le 24 février, après les premières explosions entendues autour de la capitale ukrainienne.

Si Lluis Cortés est désormais le sélectionneur de l’Ukraine, il continue de vivre l’essentiel de l’année en Espagne. Ce passage par la Pologne n'est donc qu'une étape, avant de pouvoir revenir sur le territoire espagnol.

Également membre du staff de l’équipe nationale, Jaume Joan Rius se trouve lui déjà en Catalogne au moment du déclenchement de l’invasion russe, n’ayant pas fait le voyage du retour depuis la Turquie vers la capitale ukrainienne.

 

Carnet de voyage

Lluis Cortés et Jordi Escura ont ensuite décrit régulièrement leur progression via les réseaux sociaux, évoquant l’avancée de leur voyage vers la Pologne, qu’ils ont finalement atteinte ce samedi, après un voyage en voiture puis en train pour atteindre la frontière polonaise.

Évoquant la situation des joueuses de l’équipe nationale, Jordi Escura indique qu’elles sont plusieurs à avoir dormi dans des stations de métro, alors que d’autres comptent des membres de leur famille parmi les personnes envoyées combattre face à l’armée russe.

Elles ne sont pourtant pas toutes rentrées en Ukraine. Parmi les joueuses ukrainiennes qui ont participé à la Turkish Women’s Cup, on retrouve, par exemple, Tanya Romanenko, joueuse du Stade de Reims. Cette dernière est revenue en France à l’issue du tournoi, et s’est également fait l’écho de la situation en Ukraine auprès de nos confrères de France Bleu. Elle juge la situation « hyper dure », avec une « difficulté à se concentrer » sur le football au vu de l’évolution de la situation dans son pays, et des craintes constantes concernant ses proches.

 

Des joueuses restées en Turquie

Comme l’explique Lluis Cortes dans la presse espagnole, une partie des joueuses sont aussi restées en Turquie. Après avoir affronté le Paris Saint-Germain l’automne dernier en phase de groupes de la Ligue des Championnes, les joueuses du Zhytlobud-1 Kharkiv sont actuellement en stage en Turquie depuis le 22 février, rejointes par les membres de l’effectif qui ont participé à la Turkish Women’s Cup, à l’instar d’Olga Ovdiychuk ou Daryna Apanashchenko.

Une coïncidence heureuse, alors que cette période était censée permettre aux différents clubs de préparer la deuxième partie de saison en Ukraine, initialement programmée à partir de la mi-mars. Toujours selon Lluis Cortés, d’autres internationales ukrainiennes seraient toujours en Turquie, alors que plusieurs joueuses, rentrées en Ukraine, ont choisi de fuir vers l’Ouest et tenter d'atteindre la frontière avec la Pologne.

Une situation qui concerne notamment les joueuses basées à Kharkiv, ville qui abrite les deux meilleurs clubs actuels du championnat ukrainien. Kharkiv est situé dans le nord-est de l’Ukraine, à seulement 50 kilomètres de la frontière avec la Russie. C’est donc l’une des zones où les combats sont les plus importants depuis le début de l’invasion russe.

 

Arrivés en Pologne ce samedi

Dans leurs tweets, Lluis Cortés et Jordi Escura racontent leur voyage en voiture depuis Kiev vers Lviv à l’ouest de l’Ukraine. Près de seize heures ont été nécessaires pour parcourir les 500 kilomètres qui séparent les deux villes, avec notamment plusieurs heures pour sortir de la capitale et de son agglomération. Parmi les péripéties, la nécessité de changer de véhicule en cours de route, ou des véhicules qui roulent à contresens sur l’autoroute pour éviter les bouchons, en profitant d’un trafic à sens unique vers l’Ouest.

Les deux techniciens reconnaissent également leur position privilégiée. Au moment d’arriver en Pologne, via un train parti de Lviv dans l’ouest de l’Ukraine, Jordi Escura rappelait dans un tweet que seules les femmes et les enfants sont autorisés à sortir du pays et que « leurs pères et maris sont restés en Ukraine pour combattre ». En effet, les hommes, citoyens ukrainiens, de 18 à 60 ans n’ont pas le droit de sortir du pays. S’ils n’avaient pas été espagnols, les deux coachs n’auraient pas pu franchir la frontière polonaise ce samedi.

 

Photo : Jordi Escura / Twitter

Hichem Djemai