Héroïne de 18 ans originaire de Saint-Malo, Najda Kermarrec interprétée par Lison Pennec et accompagnée par Anna Cordonnier à la musique, est à une heure du verdict de la liste de l'équipe de France espoir, qui jouera la Coupe du monde U20 dans sa terre natale, la Bretagne. Dans cette pièce - assurément fictive - de Joséphine Chaffin "Midi nous le dira", la footballeuse de 18 ans enregistre ce moment, face caméra pour exprimer son angoisse d'attendre le verdict quant à sa sélection en équipe de France espoir (U20), pour son "elle" de 10 ans de plus. 

 

Dans cette pièce, l'héroïne nous embarque dans un moment de sa vie, crucial. Accompagné d'une musique qui donne du rythme à la pièce, ce spectacle nous emporte dans un terrain d'espoir et de peur quant à l'avenir, inconnu d'une jeune footballeuse de 18 ans. Une musique module intelligemment l'atmosphère tout le long de la représentation, pour faire vivre ce moment, encore plus fort, revêtit d'un décor neutre et de lignes blanches, faites de scotch que l'héroïne revêtu au sol, au fil de la mise en scène.
Joséphine Chaffin, et Clément Carabédian, les deux metteurs en scène, nous emmènent dans un monde de questionnement sur l'avenir d'une jeune fille, footballeuse - qui aurait pu être un autre sport ou métier plutôt masculin - avec l'envie de casser les clichés et les tabous, pour permettre aux jeunes filles de s'identifier et de trouver la force en elles pour vivre leur vie pleinement, comme elles le décident, et sans avoir de regrets. 

Posé sur le papier en juin 2017, ce spectacle à la portée féministe, tend vers l'égalité femme-homme, et avant tout l'estime de soi, l'estime de ses envies, que les filles peuvent faire ce qu'elles veulent et être ce qu'elles veulent. La popularité et la visibilité dont jouit le football, masculin tout comme féminin, a convaincu la metteuse en scène de plonger dans ce milieu du ballon rond.
L'objectif de la pièce est de transmettre un message plein de sens, de donner des exemples pour les futures générations, comme elle nous le confie si bien, tout juste avant d'assister à l'une des représentations de son spectacle : "L'art offre des nouveaux modèles de femmes libérées qui vivent leur vie, hors des traditions et des normes classiques de la société".

 

Le football pour s'émanciper

 

La pièce en elle-même

10 juin 2017, dans la chambre de Najda, jeune footballeuse qui joue au foot depuis ses 11 ans, arrive au point culminant de sa jeune carrière, l'étape qui pourrait être ultime pour la suite de son rêve de footballeuse : savoir si elle sera sélectionnée en équipe de France "espoir", qui jouera la Coupe du Monde U20 l'année prochaine en Bretagne. Face caméra, la jeune fille parle à celle qu'elle deviendra 10 ans plus tard, et nous partage ses émotions, ses questionnements et ses angoisses : "L'espoir fait vivre, mais une vie de grand huit alors." s'exclame-t-elle en début de représentation.

"Le foot me fait dérailler", "Le foot t’a frappée comme une flèche en plein coeur" s'emporte-t-elle, pour exprimer sa joie et sa vocation. Tel un "journal intime", qui perd de son usage, avec l'ère numérique d'aujourd'hui, une "capsule temporelle » selon ses propres mots. Najda comme toute fille de son âge, vit une période charnière de sa vie, une "période emmerdante l'adolescence (Bac/permis...)" s'esclaffe-t-elle. Elle a pourtant de vraies interrogations, comme l'accomplissement de son rêve : "Le ballon bat-il encore dans ton coeur ?" lorsqu'elle se parle à son moi de 28 ans devant la caméra.

Le ballon/le football pour s'émanciper, aller contre courant. On retrouve dans cette pièce, l'essence même du sport. Et pourtant, on assiste également à des moments difficiles, lorsqu'elle est avec sa famille, oncle et tante. Pour eux "Une fille ça ne doit pas s'abîmer", ce qui met la jeune fille dans tous ses états. La famille pense que c'est "une lubie" et qu'elle oubliera et passera à autre chose, que c'est une perte de temps pour une fille.

Pour autant, sa grand-mère prend son partie seule avec elle, quand elle part se réfugier dans sa chambre : "Je t'interdis de renoncer, un rêve comme le tien est trop rare." s'exclame-t-elle, elle qui n'a pas eu la chance de pouvoir s'exprimer. Alors que son arrière grand-mère, friande de footing, avait franchi cet interdit, que le sport n'était pas réservé aux femmes, à une époque où c'était clairement interdit. Najda a tout pour continuer son rêve.

 

Ne jamais renoncer à ses rêves

 

"L'absence de rêve abîme", continue l'arrière grand-mère, qui lui enjoint de "persévérer" dans son objectif de devenir footballeuse professionnelle. Entre "Les traditions qu'il faut respecter" et de l'autre côté, une passion "C'est comme un virus : plus tu l'ignores, et plus il t'obsède", Najda a choisi son camp. Empêcher un enfant d'accomplir ce qu'il aime est le meilleur moyen de briser ses rêves et sa confiance en lui.

La pièce rappelle également que le sport est le meilleur moyen pour s'accomplir et avoir un corps sain : quand elle dit qu'elle n'aurait pas dû se passionner du football et qu'elle aurait pu aussi profiter "pour ne rien faire", "rester dans son lit"... cela prouve toute l'importance de la pratique physique, surtout à un jeune âge. Par le football, Najda transgresse les règles, car le football lui procure un sentiment de liberté.

Malgré cela, la jeune fille est tout de même parasitée par les clichés de la société, elle se considère même comme "une anomalie" comme ses coéquipières du fait des jugements des autres. A l'image de ce moment, le regard réprobateur des anciennes générations, quand un papy la voit en tenue de foot et qu'elle lui lance des regards assassins pour exprimer son agacement et sa révolte. "Faire ce que tu veux sans l'expliquer" s'exclame-t-elle pour sortir sa rage, face à ce regard. Du haut de ses 18 ans, elle a compris qu'il faut "se battre pour s'affirmer".

Mais un autre point revient, et tourmente en grande partie sa famille, l'organisation des études et du foot, quand elle doit rassurer ses parents en voiture, sur son avenir : "une organisation de Ministre" dixit son papa. Quand "les garçons sont les égéries de leur famille", les filles doivent se garder d’avoir de trop grandes ambitions, selon elle, et pour aller dans le sens inverse, elle espère devenir une égérie à son tour et que cela devienne la norme.

Traitée souvent de "garçon manqué", la jeune fille n'en a cure et si son bonheur passe par le foot, elle n'a pas à arrêter de jouer et d'être heureuse pour les jugements des autres : "Contre nature de jouer quand on a ses règles" dit-elle, des choses parmi tant d'autres, qu'elle a pu entendre, exprime également un sentiment de ne pas être à sa place, dans cette époque où chacun doit avoir une place attitrée. Mais elle sait aussi que les changements vont se faire petit à petit et espère que cela deviendra ordinaire dans le futur, qu'une fille fasse du foot.

 

S'affranchir des diktats 

 

Elle espère aussi que les articles qui feront le plus de plébiscite ne seront "pas les plus sexys mais les mieux payées", à l'avenir. On retrouve à la fin de la pièce, la Najda de 28 ans qui revient avec délice sur son parcours lors d'une interview, en revenant jouer à Saint-Malo avec l'équipe de France ou en club, et qui reprend le journaliste, qui critique "les vestiaires et le petit stade de la petite ville de Saint-Malo", car pour elle peu importe ce qu'il y a autour, tout ce qui compte c'est de jouer au football, rectangle vert et coéquipières pour seule importance.

"On voudrait que les femmes n'éprouvent rien" explique la grand-mère, ou elles ne doivent rien ressentir, dans le sens où elles doivent juste faire ce qu'elles doivent faire depuis la nuit des temps, qui est inscrit dans les moeurs et qui peu à peu commence cependant à changer, car si les garçons peuvent avoir des exemples pour grandir et devenir les hommes qu'ils veulent, les filles ont bien trop peu d'exemples féminins, et tendent logiquement vers des exemples masculins.

A l'instar de la génération d'Eugénie Le Sommer, Amandine Henry ou encore Griedge Mbock. Il aura fallu attendre la génération de Selma Bacha ou encore Hélène Fercocq pour avoir des exemples féminins, Amel Majri pour l'une, Amandine Henry ou encore Grace Geyoro pour l'autre. Autant de points importants qu'il faut savoir mettre en lumière et qui doivent faire des femmes d'aujourd'hui - à l'ère de la communication et du numérique - des exemples pour les petites filles, tout comme les petits garçons.

"Une cause où tout sacrifier, les temps changent, toi et tes filles, cela fait trop longtemps que vous vous battez, vous devez garder espoir" continue la Maman de Najda, lorsqu'elle voit sa fille triste de la situation. Le déterminisme, ce qui est déterminé à l'avance par la société, vole en éclat dans cette pièce. Les limites qu'on impose aux filles, mais aussi aux garçons, surement moins visibles, tendent à être effacées et les règles transgressées, pour laisser place à une plus grande liberté de ton pour les enfants d'aujourd'hui.

Entre monologue et dialogues rapportés, des situations concrètes et des envolées épiques ou lyriques, Najda s'exprime via une vidéo You Tube, pour son elle de 10 ans plus tard, et nous emmène dans son monde, auquel beaucoup de jeunes filles et garçons, pourraient bien se reconnaître. Au-delà des enfants, elle pourrait aussi ouvrir les yeux à certains parents. Par la langue, Najda épanche son amour du foot, qui lui permet aussi de s'émanciper des diktats de la société et de construire sa propre voix !

Un spectacle inspirant à voir. Un chemin vers la liberté, dans un décor minimaliste, où nous suivons Najda qui franchit les murs et les obstacles qui lui font face, passant de sa chambre à la rue, avec un jeu de lumière qui dessine ainsi les différents espaces de jeu de l'héroïne de cette pièce. La footballeuse se mue au fil des minutes qui s'écoulent, vers son rêve d'être en équipe de France, de joueuse professionnelle, tournée vers l'avenir et ses rêves d'accomplissement. Une morale qui tend vers une société plus égalitaire, meilleure !

 

Programmation
Durée : 1h

 

Le calendrier de tournée de cette saison 20-21 : 
❖ 13 novembre 20 : Théâtre de la Tête Noire, Saran
❖ du 8 au 11 mars 21 : ADDA du Tarn  
❖ 31 mars et 1er avril 21 : Festival Méli Mômes, Reims 
❖ 17 et 18 mai 21 : Le Grand T, Nantes
❖ juillet 21 : Le Train Bleu, Festival Avignon Off

Le lien vers le teaser : https://vimeo.com/454040753
Compagnie Superlune : https://compagniesuperlune.com/

 

Générique : 
- Texte : Joséphine Chaffin
- Mise en scène : Clément Carabédian et Joséphine Chaffin
- Jeu : Lison Pennec
- Musique : Anna Cordonnier : 
- Scénographie et lumières : Julie-Lola Lanteri assistée de Mathilde Domarle
- Son : Vladimir Kudryavtsev
- Régie lumières et régie générale : Mathilde Domarle  

Dounia MESLI