Figure emblématique de Bordeaux (ex-Blanquefort), Sarah Cambot a rejoint le club de Soyaux la saison dernière, pour rebondir après une saison compliquée avec son club de coeur. La milieu qui a débuté sur les terrains de football en club à l'âge de 15 ans, ne cesse de progresser d'année en année. Depuis la joueuse a gagné en expérience et peut enfin vivre de sa passion avec le club sojaldicien depuis la saison dernière. Pour cette fin de saison, on évoque de sa nouvelle aventure, de ces moments compliqués dans la carrière d'une joueuse et de son rôle au sein de son équipe. 

 

Comment s'est passée ton arrivée à Soyaux ? 

Vraiment très bien, l'accueil des filles et du coach, du staff ont été super. L’intégration s'est faite assez facilement, j'ai accroché tout de suite avec les filles. Le groupe vit bien et s'entend bien, les anciennes m'ont bien intégré dans le moule, ainsi que le coach et le staff. C'était important pour moi. A Bordeaux le groupe vivait bien aussi, mais quand tu changes d'équipe, c'est primordial d'arrivée dans une bonne atmosphère et que dans ta tête tu te sens bien. Moi je n'avais jamais changé de club avant Bordeaux (ex-Blanquefort, ndlr).

 

Comment s'est passé ton départ de Bordeaux à l'inverse ?

Soyaux ce n'est pas très loin de Bordeaux et moi je voulais du temps de jeu donc il fallait que je change puisque ma dernière saison avec Bordeaux, j'avais participé aux 22 matches, je suis rentrée à chaque fois, mais ce n'était pas des grands temps de jeu et même si j'ai fait 6 ou 7 matches titulaires je crois [..]. Je voulais un peu plus et je me suis dit qu'il fallait peut être tenter un nouveau challenge et Soyaux m'a proposé un projet très bien, avec un coach qui a été très convaincant et qui m'a donné confiance [en moi]. Le challenge était tentant.

 

Est-ce que ton rôle à changé ? Tu avais un rôle différent de Bordeaux à Soyaux on a le sentiment ? 

La dernière saison avec Bordeaux je suis souvent rentrée en numéro 10, c'est vrai. Quand j'ai eu le coach de Soyaux avant de signer, il a été très clair avec moi, le poste où il voulait me faire jouer c'était numéro 9, et c'était mon poste lors de ma première saison avec Bordeaux en D1. Pour moi, c'était une façon de repartir sur mon poste de base, même si j'aime beaucoup jouer 10 (sourire), on en avait discuté. C'est un poste que j'affectionne [numéro 10], mais maintenant ça me plait d'être numéro 9 et c'est mon poste de prédilection [quand j'ai joué ma première saison en D2 avec Bordeaux notamment].

 

On a l'impression que tu es passée d'un poste de milieu à distribuer le jeu, à le créer, à un poste plus offensif avec Soyaux !

Oui c'est exactement ça, à finir devant le but, à être dans la surface. C'était mon poste quand j'étais en D2 avec Bordeaux [numéro 9] et qu'on est monté en D1 et la deuxième saison, le coach m'a fait redescendre. Quand je rentrais - maintenant je peux le dire - plus en faux 9, qu'un 10, c'était pour épauler Carol [Rodrigues] en début de saison, qui jouait devant et sur la fin, pour épauler Nani [Nadjma Ali Nadjim].

 

Comment tu as fait pour t'adapter du système de jeu de Bordeaux, à celui de Soyaux ? 

Ça a été clair dès le début avec le coach et les filles qui sont à côté de moi me permettent de jouer en tant que numéro 9, vraiment 9. Quand il y a Laura Bourgouin, Anna Clérac en numéro 10, au moins je peux jouer un cran plus haut. On peut également permuter avec ce système, Laura peut passer en 9, Anna aime bien faire des courses vers l'avant, maintenant qu'il y a Anissa il y a aussi une vraie numéro 10. C'est un complément de joueuses qui fait que tu me verras souvent décrocher, même en jouant numéro 9. Mais le temps de compenser, ça n'a pas été un gros chamboulement parce que mon poste de base c'est numéro 9.

 

Est-ce que tu as pensé dans un coin de ta tête à arrêter ?

Je vais être honnête avec toi, pas une seule seconde j'ai pensé à arrêter le foot mais vraiment pas une seule seconde, c'était impensable. En plus ça aurait un peu bête de finir sa carrière entre guillemets "sur une saison à demi-teinte" où tu n'es pas satisfaite, où tu n'es pas comblée, où tu es presque un peu frustrée. Donc non je n'y ai pas pensé une seconde. Après je voulais rebondir, je voulais du temps de jeu, donc j'ai fait ce qu'il fallait, j'ai continué à travailler aux entraînements, à faire mes rentrées [sur le terrain], à profiter, mais je pensais plus à l'avenir, à préparer déjà la saison d'après.

 

Qu'est-ce qui te permet de continuer quand tu commences à douter, où quand tu commences à vivre des moments difficiles liés au football ?

Oui bien sûr il y a des doutes, j'ai douté pendant un an à Bordeaux. Ça n'a pas été une saison facile, il y a des moments où tu as de petits coups de mou psychologiques, plus que physiques. Parce que je ne jouais pas beaucoup, physiquement ça allait, mais psychologiquement je me suis remise en question. Mais je n'ai jamais arrêté de travailler, je me suis dit : "A un moment donné je vais rebondir", il faut y croire et moi je suis quelqu'un qui est persévérante, qui essaye de se fixer des objectifs et d'y aller au bout. J'ai fini ma saison, en pensant à l'avenir, ce que j'avais du mal à faire avant, je pensais plutôt au match qui arrivait, je pensais à court terme, mais là je me suis dit : "Si ce n'est pas cette saison, espérons que ça soit la saison prochaine [où je pourrais rebondir] et travaille pour."

 

Bizarrement en attaque tu as un rôle très complexe, tu ne sais pas si tu dois être face au but adverse pour attendre le contre, ou face à tes coéquipières pour apporter le décalage on a l'impression ?

(rires) C'est une question difficile celle-là. Ça dépend, ça dépend en fait, ça dépend des matches, ça dépend de pleins de choses. Il y a des matches où on va plus jouer en contre, il y a des matches où on va plus se servir de l'attaquante en point d'appui pour faire partir les joueuses des côtés. Là je peux pas te répondre. Il faut s'adapter au match, et des fois ce n'est même pas le match qui te fait dire ça, c'est suivant toi ta forme personnelle. Il y a des fois où je vais être plus à l'aise, à caler le ballon un peu plus bas, et qu'à aller dans la surface, c'est toi [qui décide en fonction de la situation]. Je suis une attaquante qui défend beaucoup, donc c'est vrai que des fois je suis un peu basse sur le terrain. Mon objectif premier c'est le collectif, donc s'il faut que je défends pour ne pas prendre un but, je vais le faire, ça ne me dérange pas.

 

Est-ce que tu as des restes de ton poste de milieu de terrain ou est-ce que justement tu essayes de préparer cela ? 

Il y a des choses qui sont ancrées en toi, et j'ai joué 10. C'est vrai que sur la fin de la saison, quand on a joué avec une vraie 10 [Anissa Lahmari]. Au début il y a eu un petit temps d'adaptation sur la moitié de saison, où je décrochais beaucoup alors qu'il n'y avait pas besoin, parce qu'il y avait Anissa, mais ça ce sont mes habitudes [de jeu] à moi aussi. Le temps que c'est compensé par une autre, ça passe..

 

J'ai vu la vidéo que tu as fait justement avec Steve Savidan, où justement tu mets la main sur ses côtes pour savoir où est la défenseure et pouvoir récupérer le ballon devant elle. 

Oui c'est un ancien joueur pro, qui était venu faire un spécifique attaquante, c'était une expérience hyper enrichissante, parce que c'était un joueur pro, qui l'avait de l'expérience. Il me disait de mettre ma main bien contre la défenseure, comme ça c'était impossible qu'elle m'attrape le ballon, c'était pour pouvoir me retourner balle au pied dans la surface [avant d’enchaîner une frappe].

 

Ce sont des techniques qu'on apprend tous les jours, on se perfectionne au fil du temps ?

Oui bien sûr ! Celui ou celle qui te dira qu'il/elle n'a plus rien à apprendre, je pense qu'elle ment (rires). On a toujours à apprendre, de n'importe qui et là encore plus d'un attaquant professionnel. On travaille tous les jours et tous les jours le coach te reprends [sur tes erreurs notamment], pour que tu te perfectionnes et que tu atteins ton meilleur niveau à un moment donné, donc c'est des réflexions qui sont enrichissantes.

 

Est-ce que toi en tant que joueuse tu arrives à vivre de ta passion ? Est-ce que c'est devenu un métier pour toi, ou tu travailles à côté, tu as toujours en tête ta reconversion ?

Cette année oui ! Cette année oui... Là, cette année [je commence à en vivre]. J'ai débuté en D1 il y a trois ans, je t'en avais parlé lors de notre première interview, c'était un premier objectif pour moi de jouer dans l'élite, voir un rêve de gamine et maintenant le rêve se concrétise parce que je peux vivre de ma passion. Cette saison, ce que Soyaux m'a proposée, et ce que le coach m'a proposée, pour moi ça a été énorme. C'était une très bonne opportunité, et c'est mon premier contrat fédéral. Non je ne travaille pas à côté. J'ai une licence en Sciences de l'éducation, quand j'étais à Bordeaux/Blanquefort lorsqu'on était en D2, puisque ce n'était pas encore une structure professionnelle, on travaillait et/ou on allait en cours toutes et on s'entraînait à 19h30, donc il faut penser à l'avenir parce que ce ban qu'on a fait [de la D2 à la D1 en pro], ça fait 12 ans que je suis dans le foot féminin, c'est arrivé d'un coup, parce qu'avant c'était pas du tout le cas, et il n'y en avait pas beaucoup [de joueuses] qui vivaient du foot. J'ai eu la chance de pouvoir faire mes études, avant d'avoir mon premier contrat donc j'en ai profité, mais j'espère jouer encore un petit peu (rires), j'ai que 26 ans. J'y pense un petit peu forcément [à ma reconversion], j'aimerai bien passer mes diplômes d’entraîneur aussi pour coacher une équipe j'espère dans le futur.

 

Est-ce qu'il va y avoir un match ou un but qui va te marquer plus que les autres cette saison ? Ou deux peut être ? Ces deux buts contre Bordeaux, qui donne la victoire à l'aller puis au retour à Soyaux ?

Un match ? (elle réfléchit) Je sais ce que tu veux que je te dises, je vais te le dire parce que c'est vrai. Je l'avais noté la rencontre contre les Girondins, en plus de cela c'est mon premier but de la saison en championnat avec les couleurs de l'ASJS, donc forcément le match aller contre Bordeaux, à Bordeaux, il est important et il restera dans ma tête un petit moment oui.

 

Comment on se sent à l'idée d'affronter son ancienne équipe et quand on donne la victoire à son équipe ?

Comment on se sent ? (sourire) Au début du match, j'ai senti que les filles étaient derrière moi, elles ont senti l'importance de ce match pour moi, donc je les ai senti vraiment derrière moi, à m'encourager, j'avais plusieurs amis à moi qui sont venus, des anciens collègues de travail qui sont venus au match... Après le match s'est déroulé, c'était une rencontre équilibrée, Bordeaux a eu la première mi-temps, où on a été un petit peu dominé et où on a subi, on a eu la deuxième mi-temps et ensuite, le coup du sort, le coup de chance, je ne sais pas comment on peut appeler ça, fait que je marque ce coup franc à la 81e [minute] et ça nous donne la victoire 1-0. Ça fait bizarre de vivre le derby de Nouvelle-Aquitaine dans l'autre sens, parce que moi du coup avec Bordeaux je n'avais jamais gagné contre Soyaux et à l'inverse Soyaux n'avait jamais perdu contre Bordeaux et on continuait dans cette lancée-là. Donc bien sûr que ce match-là reste dans ma tête. Le retour pareil, c'est incroyable, cette saison je ne sais pas ce qui fait [que je marque contre mon ancienne équipe de coeur]. Après forcément tu as peut être plus d'adrénaline en toi, parce que tu as envie de bien faire pour tes anciennes coéquipières, par rapport aux gens qui t'ont connu là-bas. Le coup du sort fait que j'ai marqué à l'aller et au retour, qu'on gagne 1-0 les deux matches et que Soyaux reste invaincu une saison de plus face à Bordeaux. Ce sont des matches qui sont importants pour moi, oui.

 


Il y a une statistique assez énorme à mettre en exergue dans ton parcours, c'est ton nombre de buts avec Bordeaux en D2 (24 buts en 21 matches) et en D1 (5 en 22 matches). Comment tu l'expliques ? Le niveau change vraiment en face, c'est plus difficile, est-ce qu'il faut plus de moyens, des entraînements plus poussés pour rivaliser, de meilleur salaire ?

La première année en D1, où il y a eu cette fusion [dès la D2], on avait pour objectif - la saison juste avant avec Blanquefort on a terminé 3e - de faire mieux et l'arrivée des Girondins nous a boosté. Après c'est vrai que cette saison-là, je vais pas te mentir, il y avait tout qui nous réussissait, l'équipe était vraiment ensemble, et l'année où on élimine deux équipes de D1 en Coupe de France, l'année a été belle mais pour tout le monde. Et moi forcément qui joue attaquante, les statistiques ont suivi, 24 buts en 21 matches, c'était un niveau en-dessous puisque c'était la D2 et c'était une année où vraiment tout le monde réussissait dans le groupe. On avait un vrai truc, l'année de transition en D1, la moitié de l'effectif quand on est monté, n'avait jamais fait un match de D1, et moi non plus. Donc il y a eu le temps d'adaptation, il y a eu tout ça. Je ne veux pas faire la fine bouche, mais je pense qu'en D1 il n'y en a pas beaucoup qui atteignent les 24 buts ou quoi, donc ce sont des statistiques monstrueuses, en D2 peut être que c'est possible, mais en D1, à part des internationales... 

Avant, on pouvait parler du fait qu'elles ont plus le temps de s'entraîner que nous. A Soyaux, les horaires d'entraînements, la qualité d'entraînement sont bonnes. On s'entraîne à 14h30 et je pense qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont cette chance-là. Au niveau de la récupération, on est bien, les contenus des séances d'entraînement sont bons. Après, ce n'est pas une structure professionnelle, d'accord mais au niveau des conditions de travail, c'est les mêmes. J'aurais marqué un peu plus cette saison, mais il m'a fallu du temps pour retrouver un rythme correct de 90 minutes de jeu, parce que je n'avais pas joué pendant une saison. Comme on en a discuté avec le président et le staff - pas avant novembre - je tenais 90 minutes sans être dans le mal.

C'est des filles qui ont des statistiques énormes. Il y a un grand écart entre ces buteuses-là (Marie-Antoinette Katoto, Ada Hegerberg,...) et les autres buteuses du championnat. En D2, il y a des matches où on gagnait 10-0. Cette saison-là, il y a eu des matches où on mettait des vrais scores. En D1, cela n'arrive pas parce que l'écart est moindre, il n'y a plus cette différence-là [de niveau]. Je ne parle pas de Lyon ou du PSG, je parle plus des autres équipes où c'est vraiment serré, où on ne voit pas des matches à 4-0, à 5-0. C'est vraiment serré, c'est 1-0, 2-1 ou 3-2. Certaines attaquantes sont internationales donc forcément, le niveau se creuse.

 

Ton prochain objectif sera probablement les jeux en Chine avec l'équipe militaire. Comment tu te prépares ?

Ça a été une très belle expérience [de faire partie de l'équipe] depuis le mois de janvier. Très enrichissante parce qu'on voit d'autres filles, il y a pas mal d'équipes du championnat qui ont été représentées. Forcément, on discute, on échange... En mars, on était en Belgique pour les qualifications et on s'est qualifiés. Je viens de rentrer justement des militaires où ça a été super cool. Un staff super attentif à nous, à notre bien-être. Il mettait tout en oeuvre pour qu'on soit le mieux possible dans cette sélection et avec toujours l'objectif de jouer au foot et correctement, avec un coach [Cédric Voutier] qui a une philosophie de jeu. C'est vraiment des bons trucs quoi. 

 

En club, j'ai vu que vous aviez continuer de faire des matches amicaux même après la fin de championnat (contre Saint-Etienne, victoire 3-0 et contre Brest, victoire 2-0)

Le coach [Sébastien Joseph] voulait qu'on garde un rythme, donc on finit le 6 juin. On s'entraîne jusqu'à mercredi (5 juin, ndlr) et on reprend la semaine prochaine. Contre Brest, elles ont fait leur dernier match amical, les filles. 

 

Le dernier championnat du monde a été fastidieux, alors qu'on sentait une vraie préparation des joueuses mais trop individuel. Est-ce que tu sens que ça prend mieux cette fois, il faut se remettre en question pour pas passer à côté ?

C'est compliqué d'y répondre parce que je n'y ai pas participé. Au niveau de l'intégration, il y a eu aucun problème. On était beaucoup de nouvelles, une quinzaine je crois. J'y étais encore cette semaine (du 27 mai au 2 juin, ndlr) et on s'est régalés, on prend plaisir à jouer ensemble. Le collectif prime dans cette équipe actuelle. Je ne peux pas parler de ce qui était avant parce que je n'y étais pas. Pour en avoir discuté avec certaines anciennes, elles était frustrées de leur résultat [au championnat du monde aux Etats-Unis de 2018]. Elles avaient une belle équipe, mais le coach met en avant le collectif. Cela fait depuis janvier que j'y suis et c'est vraiment le collectif qui prime. Il n'y a pas d'individualisme possible. Dans le foot, j'ai du mal avec puisque c'est un sport collectif mais là, c'était pas du tout ce que j'ai ressenti depuis janvier, depuis que je participe aux stages et aux matches amicaux.

 

Je pense que tu es un peu loin de ça, mais est-ce que tu as connu des critiques qui t'ont blessé, comment tu réagis ?

Sur le terrain, non. Il y a toujours des gens qui n'aimeront pas mon jeu, on ne peut pas plaire à tout le monde. C'est comme dans la vie professionnelle mais ce qui est le plus important, c'est l'avis du coach. S'il est content, satisfait de moi, c'est le plus important. C'est lui qui fait les choix, qui me voit à l'entraînement. Le plus important c'est sa vision à lui, de ce que je dégage de l'entraînement et de mes performances. Je ne dis pas que ça ne m'embête pas [les critiques], mais ça ne me blesse pas. C'est le foot et je pense qu'il y a des internationales qui ont largement le niveau et tu vois encore des critiques sur les réseaux sociaux, en disant qu'elles n'ont pas le niveau. Souvent, c'est des gens qui ne connaissent pas grand chose au football. On est d'accord que si la sélectionneure (Corinne Diacre, ndlr) décide de sélectionner telle ou telle fille, c'est que - pour elle - elle a le niveau et c'est elle qui prendra la décision, malgré toutes les critiques qu'il peut y avoir autour.

 

Tu intériorises et tu te laisses aller ou tu surpasses ça pour prouver aux autres qu'ils ont tort ? Est-ce que ça te booste ?

Ça ne me met pas dedans, mais est-ce que ça me booste ? Je suis quelqu'un qui réagit et qui essaye de répondre sur le terrain, mais je ne vais pas me dire que ça me booste parce qu'après, on va voir que des critiques pour que je fasse encore plus (rires). Ça ne me blesse pas, ça ne me fait pas plaisir mais ça ne me booste pas. Je ne suis pas un surhumain qui dit oui à la critique, surtout quand elle n'est pas juste. Le coach ne dira pas une "critique", il me dira la vérité, ce qu'il a ressenti sur le terrain, ça sera bénéfique pour moi. Si quelqu'un vient vers moi et me dit "Sarah, t'as été nulle à c**** !" point, non. Ça va me faire rigoler. Si on me dit t'as été nulle parce que t'as pas fait ça ou ça, je vais la prendre positivement.

 

On entend beaucoup de critiques sur certaines joueuses de l'équipe de France et parfois on se demande comment elles font pour encaisser justement.

Elles sont blindées. Je pense que c'est des filles qui savent pourquoi elles sont là. Corinne Diacre a essayé des joueuses et elle a décidé de sa liste. Pour elle, elles ont prouvées ce qu'elles avaient à faire, malgré les critiques qu'il y avait sur les réseaux sociaux. Elles ont prouvé et aujourd'hui, elles vont faire la Coupe du Monde en France. Il n'y a pas plus beau et il n'y a pas meilleure réponse aux détracteurs, de ces filles-là.

 

"C'est ce qui fait "l'identité Soyaux"."

 

Avec Soyaux tu vas aussi vivre une nouvelle expérience et une nouvelle saison sous un nouveau nom, c'est ta deuxième fusion si on peut dire. Comment tu vis ça ? 

(rires) Pour le moment, tant que tu n'as pas le maillot, ce n'est pas concret donc je ne peux pas en parler (entre temps la fusion a été décalée d'une saison, ndlr). On verra la saison prochaine.

 

Est-ce que tu penses que ça va vous amener plus de moyens pour la section féminine afin de rester en D1, puisque la saison prochaine sera très très relevée, puisque vous aurez peut être le plus petit budget de D1 ?

Je ne sais pas. Ça ne peut pas être moins que ce qu'il y a actuellement, si ce n'est que pour amener quelque chose de positif. Peu-être qu'on aura le plus petit budget, mais on a un très bel effectif, de belles individualités qui font un très beau collectif. Cette année, on fait 6e et derrière nous, il y a plein de structures professionnelles. C'est possible qu'on soit le plus petit budget la saison prochaine, mais le temps que les performances suivent, le plus important est le terrain.

 

Sur quoi est-ce qu'on fait la différence ? 

Il y a des matches où il ne faut pas se louper, où il faut que le collectif soit présent, qu'on soit prêtes à aller au combat, prendre des points quand il le faut. L'objectif cette année était de se maintenir le plus rapidement possible pour après, essayer de grappiller le plus de places possibles. Je pense que ce sera pareil la saison prochaine et toujours avec cette envie de faire mieux que la saison d'avant et si c'est comme ça dans la tête, que le collectif travaille pour ça, on met les ingrédients qu'il faut et j'espère qu'on y arrivera.

 

La cohésion, le coaching, un vrai suivi, une préparation ? 

Oui on a de vraies conditions de travail, avec des entraînements à 14h30... Avant, je m'entraînais à 18h mais là, ça n'a rien à voir. Tu finis ton entraînement à 16h, t'as le temps de te poser, de manger. Quand tu t'entraînes à 18h, tu finis à 20h, tu manges à 21h et après, il faut aller au lit parce que tu travailles [le lendemain]. Là, on est plus à l'aise. L'état d'esprit, le collectif, la solidarité du groupe fait que bien sûr, on s'en est sortis grâce à ça. C'est ce qui fait "l'identité Soyaux". C'est un club familial avec des valeurs de solidarité et je pense qu'il faut avoir des vraies valeurs de guerrière et d'avoir envie de se battre pour les copines. Pour jouer dans cette équipe cette année, il n'y en avait pas une qui n'allait pas à la guerre pour l'autre.

 

Depuis Blanquefort qu'est-ce que tu as gagné selon toi ? 

De l'âge déjà (rires). J'ai réussi à atteindre le niveau D1 en montant avec mon club, donc c'est une première grande satisfaction et ça n'est pas donné à tout le monde. La deuxième saison, on acquiert le maintien à la dernière journée contre le PSG (match nul 2-2, ndlr), ça restera gravé dans la tête. On se maintien et St Etienne perd contre Guingamp et du coup, descend. La saison dernière, même si j'ai eu moins de temps de jeu, j'ai quand même passé une belle saison, avec de belles rencontres puisque l'effectif avait beaucoup tourné avec 11 ou 12 arrivées, une atmosphère de travail très intéressante aussi.

C'est mitigée [ma dernière saison avec Bordeaux] parce que je n'ai pas beaucoup joué, mais je n'ai pas passé une mauvaise saison. Les filles ont été là, on était superbes, on était un groupe quoi. Et cette saison, j'ai su rebondir, j'ai pu rebondir grâce à Soyaux, grâce au coach. C'est une saison qui m'a permis de reprendre du temps de jeu, de me remettre bien physiquement et en espérant faire mieux la saison prochaine. Apporter un peu plus à Soyaux parce que j'ai récupéré la condition physique et il n'y a plus de temps d'adaptation. Je connais les lieux, la ville, le coach et l'équipe donc la saison prochaine, je n'arrive plus en terre inconnue, puisque le changement a été fait avant, donc je continue sur ma lancée en espérant faire quelque chose de mieux la saison prochaine.

 

Tu as gagné en maturité on a l'impression à t'écouter en signant à Soyaux ? Physiquement et mentalement, plus de maturité, une meilleure connaissance tactique, du jeu, des attentes du coach, de tes coéquipières etc ?

J'ai vieilli, oui. Une saison où tu ne joues pas ou peu, où t'avais envie de faire mieux, forcément, je ne l'ai pas pris comme un échec, je l'ai pris comme quelque chose qui va me permettre de grandir et d'apprendre. J'ai toujours été droite et c'est des choix [de coach] qu'il faut respecter et c'est là où tu grandis parce que peut-être que t'es pas d'accord, mais le choix final, c'est le coach qui le prend. Tu apprends à faire avec ta frustration, à continuer de travailler pour montrer que tu mérites ta place toi aussi. Donc bien sûr que tu gagnes en maturité en passant des saisons un peu compliquées. 

Je joue avec des joueuses qui ont plus de 100 matches en D1, donc forcément, tu gagnes [en maturité]. Aujourd'hui, il faut que je me stabilise, mais le coach me fait confiance, les filles aussi et le groupe vit bien. 

 

Photo : Manu Cahu

Dounia MESLI