L'exploit n'aura toujours pas lieu pour le Paris FC, dont les derniers résultats "positifs" contre Lyon remontent au début de la dernière décennie (le 3 décembre 2011 avec ce match nul 1-1, avec l'ouverture du score de Gaetane Thiney et l'égalisation d'Eugénie Le Sommer, ou encore du 0-0 en quart de finale de Coupe de France glané aux tirs au but 3-2, un 3 avril 2011, alors que la dernière victoire 2-0 remonte au 14 mars 2010 à domicile, grâce à des buts de Laetitia Tonazzi et Julie Machart-Rabanne). Face à un Lyon toujours plus puissant depuis les années 2008-2010, difficile pour le Paris FC (ex-Juvisy) comme tous les autres clubs de D1 de rivaliser, comme nous l'explique Sandrine Soubeyrand après cette nouvelle défaite 5-0 face à l'Olympique Lyonnais, à Bondoufle. La coach parisienne s'efforce pourtant de déjouer les pronostics avec ses armes et une stratégie de plus en plus affûtée.

 

Journaliste - Résultat difficile ou résultat logique ?

Sandrine Soubeyrand - Je dirais que c'est logique dans le sens où elles nous sont supérieures quand même. On prend 5 buts mais surtout en première mi-temps, c'est pas qu'on leur donne, parce qu'il faut faire ce qu'elles font [pour nous contrecarrer], mais on a offert des situations je pense dont on aurait pu se passer. Sur l'ensemble du match, elles nous sont effectivement supérieures.

 

"On paye cash le fait d'avoir mis

cela [notre jeu] en place."

 

Coeurs de Foot - C'est vraiment frustrant, parce qu'on sent sur les premières minutes du match que vous faites jeu égal, que vous essayez de proposer un vrai jeu face à votre adversaire, on vous sent aussi vous également en tant que coach plus à l'aise, car on vous sentait plus dans l'émotion (dans l'optique de créer un vrai lien avec les joueuses) sur vos premières saisons notamment, alors qu'aujourd'hui vous êtes vraiment implantée et vous êtes plus dans la stratégie, avec cette ferme volonté de mettre en place ce que vous attendez à vos joueuses ?

S. S. - Oui mais après la problématique, c'est que quand on joue contre ces équipes-là et qu'on fait du jeu, on essaye de créer du jeu, on laisse des espaces, on libère du champs [d'action], elles trouvent des joueuses dans les interlignes et ça demande à ce que ça soit sans erreurs techniques [de notre part], et à partir du moment où on fait une erreur, on paye cash le fait d'avoir mis cela [notre jeu] en place.

Après je préfère - comme je l'ai dit là à mes joueuses dans le vestiaire - "mourir" entre guillemets [perdre] avec mes idées, mais avoir essayé, et se faire contrer, c'est [le jeu, que de jouer bloc bas et ne rien proposer, tenter]. Il faut arriver à trouver une stratégie je pense, pour pouvoir leur imposer un petit peu quelque chose, car sinon elles jouent avec leur tempo. Ce sont des équipes qui sont capables de mettre de l'intensité, donc il faut essayer de les gêner dans la première relance, en tout cas moi, c'est ma stratégie. Après ça ne fonctionne pas toujours, mais il faut essayer quelque chose. On sait que au mieux on peut peut-être prendre un point, ce qui serait merveilleux c'est d'en prendre trois, mais si on en prend zéro à la limite on fait comme toutes les autres équipes, donc ce n'est pas forcément [un coup dur].

J'ai bien aimé les intentions [de mes joueuses], après c'est vrai qu'il y a toujours à corriger, mais le jeu amène à faire des erreurs, et forcément face à ces adversaires-là, on sait que plus on en fait, et plus on a de chance de prendre de buts.

 

"Ça ne remet rien en question,

il faut continuer à travailler [...] et essayer de gagner des points"

 

Coeurs de Foot - Est-ce que vous sentez vos joueuses abattues ou est-ce qu'elles ont gardé la tête haute malgré le résultat ?

S. S. - Non, après forcément elles s'entraînent toute la semaine, donc quand vous prenez 5-0 [c'est difficile], mais vous avez toujours un petit espoir de pouvoir les accrocher.

Après non elles ne sont pas abattues. Comme je leur ai dis, ça ne remet rien en question, il faut continuer à travailler, continuer à essayer de proposer du jeu, avoir un projet de jeu qui correspond à nos qualités, et essayer de gagner des points. On savait qu'aujourd'hui, on n'allait pas forcément en gagner, même si on a toujours espoir. Je suis plutôt - pas satisfaite, car on ne l'est jamais après une défaite - en tout cas dans ce qu'on voulait mettre en place, ou dans ce qu'on avait travaillé, on a vu quelques échantillons, donc il faut continuer à préserver ça et à essayer de produire du jeu.

C'est mon point de vue, je ne suis pas capable de faire défendre mon équipe, et je n'ai pas des joueuses qui sont capables de défendre en bloc bas et d'attendre devant la surface. J'ai une autre idée du foot et j'essaye de la mettre en place.

 

Journaliste - Sur la prestation de Chiamaka Nnadozie, la gardienne du Paris FC, qui a arrêté 4/5 frappes ou tentatives. Elle avait les gants en feu on peut dire ?

S. S. - Oui après Chiamaka, la gardienne est là pour essayer de ne pas prendre de but. Je dirais que face à des adversaires comme ça, on a plus tendance à voir la gardienne régulièrement que [nos attaquantes]. C'est un autre profil/contexte de match, quand vous touchez très peu la balle, mais il faut savoir tout jouer, avoir les gants en feu, et être sollicitée tout le temps et puis être capable aussi de faire un arrêt alors qu'on n'a pas touché le ballon, c'est le propre même des gardiennes. C'est vrai qu'elle a fait un match intéressant, il y a des choses à améliorer encore. Notamment sur les centres et sur ses sorties aériennes, mais elle commence à bien [assimiler] à être intéressante dans ce qu'elle propose.

 

"Être dans un collectif, avec une stratégie,

un plan de jeu"

 

Journaliste - Sur les enseignements à tirer de ce match pour la suite 

S. S. - Ce qu'on retient c'est qu'il faut être plus solide sur le plan défensif, parce que quand on est solide sur le plan défensif, face à ces adversaires là, en principe on arrive à être solide dans l'efficacité défensive, face à des équipes un peu moins fortes.

Ce qu'on peut retenir sur ces confrontations là, c'est difficile parce que les adversaires ne proposent pas du tout la même chose, ils ne sont pas du tout dans les mêmes [physionomies, stratégies...]. Des adversaires comme Lyon et le PSG vous imposent des choses, les autres adversaires vous laissent jouer, c'est vous qui avez la possession du ballon et ils vous contrent. Donc c'est totalement différent, et ce sont des choses dont on peut se servir, qu'on a bien fait dans le match, mais c'est difficile parce que les adversaires qu'on va rencontrer vont avoir un autre style, d'autres qualités et ce qu'il faut surtout c'est montrer qu'on est supérieurs à l'équipe qu'on va rencontrer.

Après on essaye de se mettre à la hauteur de joueuses et d'équipe comme Lyon ou PSG, mais on voit que c'est encore difficile, parce qu'il faut être hyper forte individuellement dans sa zone, mais il faut aussi être collectivement très très bien en place, être bien organisé et il y a plein de choses qui font qu'une équipe performe. Il y a individuellement, est-ce que je suis à la hauteur, au-dessus de l'adversaire, mais est-ce que je suis capable aussi de hausser mon niveau pour être dans un collectif, avec une stratégie, un plan de jeu, donc il y a plein de choses.

J'ai des jeunes joueuses, alors qu'en face, hormis Selma Bacha, le reste si vous regardez le nombre de sélections au compteur, à part Gaetane Thiney dans mon équipe, il n'y en a pas beaucoup qui peuvent rivaliser dans mon équipe [avec les Lyonnaises en terme de sélections]. Moi je joue avec [mes moyens et mon effectif], j'ai terminé avec Adja [Binate] qui a 17ans, Célina [Ould Hocine] qui a 18 ans [était titulaire en défense centrale], en face elles sont restées sur le banc de touche celles qui ont leur âge. Donc à un moment on ne peut pas demander à rivaliser avec ces joueuses-là. Elles apprennent, je suis là pour les faire progresser, mon objectif et qu'on progresse individuellement, mais aussi collectivement. Après il y a toujours des choses à apprendre, mais...

 

Coeurs de Foot - Est-ce qu'on peut dire que vous étiez aussi peut-être un peu affaibli avec l'absence de Evelyne Viens ? Et que pouvez-vous nous dire sur la prestation de Célina Ould Hocine, qui vient du PSG, qui était capitaine des U19 [depuis ses 17 ans], qui a gagné deux trophées avec sa catégorie, dont l'un face à Lyon ? On l'a senti à l'aise sur le terrain et pas du tout complexée.

S. S. - Affaibli, non je ne dirais pas cela. Evelyne a des caractéristiques que Linda [Sallstrom] n'a pas et vice versa. Après est-ce que ça aurait changé [le résultat de l'avoir] ? Je ne sais pas, je fais toujours avec les présentes, car les absentes je ne peux rien faire, donc il faut composer et mettre l'équipe entre guillemets "que je pense la meilleure" et surtout à ce que les joueuses que je choisis puissent s'exprimer de la meilleure des façons.

En ce qui concerne Célina, c'est une jeune joueuse, c'est une joueuse qui arrive du PSG, qu'on a mis un petit peu de temps à mettre au niveau, parce que quand on passe de 19 ans, ou même qu'on arrive du PSG et qu'on découvre la D1, ce n'est pas si simple que cela. Il y a un gap [une marche] à passer, elle est entrain de le passer, elle a encore beaucoup de choses à améliorer évidemment. Là c'est son deuxième match [après la victoire 3-0 contre Soyaux le week-end dernier]. 

C'est une jeune joueuse et les jeunes joueuses ne sont jamais complexées, elles sont sures de leurs forces. C'est surtout la première année, on découvre, donc tout est beau, tout est neuf, et puis la deuxième on en attend un peu plus, et au fur à mesure on ne se satisfait pas de juste [jouer]. C'est la petite jeune, on attend d'autres choses, pour l'instant on attend de voir ce qu'elle est capable [de donner]. Est-ce qu'elle est capable de se mettre au niveau de la D1 ? On s'aperçoit que oui, après dans la constance, on verra dans les prestations. Là elle vient d'enchainer deux matches, elle va partir en sélection, donc on va aussi s'organiser pour la préserver parce que l'objectif c'est pas de les griller les jeunes, c'est de leur permettre de progresser à travers la D1, parce qu'il faut à cet âge qu'elle soit en difficulté et qu'on les mette en difficulté, pour qu'elle comprenne qu'il y a un travail à effectuer et que certes elles ont des qualités, qu'elles peuvent exprimer mais qu'on attend encore plus d'elles.

Dounia MESLI