L'été dernier, Sandie Toletti quittait Montpellier pour rejoindre Valence et le club de Levante dans le championnat espagnol. Un choix payant qui lui a notamment permis de revenir en équipe de France en 2021, après une absence de plus de trois ans en sélection. Elle participe actuellement au rassemblement des Bleues à Strasbourg, l'occasion de partager un peu de son expérience de l'autre côté des Pyrénées...
Article connexe => Espagne : La première division féminine va devenir professionnelle à partir de la saison prochaine
Cœurs de Foot – Ce week-end en Espagne, vous avez obtenu la qualification en Champions League avec votre club de Levante. Est-ce que vous avez eu le temps de faire un peu la fête avant de rejoindre l'équipe de France ?
Sandie Toletti – J'ai dû partir rapidement mais j'ai quand même pu profiter avec les filles après le match. L'objectif était atteint, c'est ce qu'on voulait depuis le début de saison, donc on était vraiment contentes.
CDF – L'idée, ce serait d'essayer de terminer devant le Real Madrid, de prendre la deuxième place ?
S.T – Oui, après on sait que ça va être difficile. Il nous reste deux matches et on va essayer de tout faire pour terminer le plus haut possible. Et après le dernier match, on pourra bien fêter tout ça avec le groupe.
CDF – Quand vous jouiez à Montpellier, la qualification en Champions League en 2017 avait été vécue par l'équipe comme une grande réussite, le fait de parvenir à passer devant le PSG. Est-ce que c'est la même émotion le fait d'y retourner ?
S.T – Oui, je suis vraiment contente. Quand je suis arrivée à Levante, c'était notre objectif et on a réussi à le faire. On était vraiment toutes contentes, Cela faisait des années qu'elles ne s'étaient pas requalifiées en Ligue des Champions, donc il y avait un engouement autour de ça. Tout le club, le président, et c'était vraiment bien.
« J'aime le championnat espagnol, comment les équipes jouent au ballon. »
CDF – Au moment de signer à Levante, vous aviez dit que le football espagnol vous correspondait, vous ressemblait. Après l'avoir essayé cette saison, est-ce que vous faites toujours le même constat ?
S.T – Oui, vraiment. J'aime le championnat espagnol, comment les équipes jouent au ballon. Cette année, ça s'est aussi très bien passée pour moi. Du coup, je peux aussi confirmer maintenant que j'aime bien ce championnat.
CDF – Et à titre personnel, est-ce que vous avez l'impression de faire face à de nouvelles attentes en Espagne, ou à un rôle différent par rapport à ce qui pouvait vous être demandé à Montpellier ?
S.T – Non, pas vraiment. Après, j'ai eu aussi besoin de temps pour m'adapter au début. Je ne connaissais pas beaucoup la langue. Du coup, j'ai eu les premiers mois pour m'adapter, pour apprendre la nouvelle langue, comprendre aussi la philosophie de jeu en Espagne, parce que c'était différent. Les premiers mois étaient un peu plus durs, et puis j'ai eu le COVID, donc c'était un peu compliqué au début.
J'ai pris des cours d'espagnol, et le fait de pouvoir mieux comprendre m'a permis de mieux profiter. Les filles de l'équipe m'ont mise à l'aise pour que je me sente vraiment bien dans le groupe. Et au final, j'ai joué et profité sur le terrain.
CDF – En effet, vous jouez au milieu à Levante. On peut vous voir à la fois chercher à récupérer le ballon, aller de l'avant, apporter le soutien aux attaquantes, et marquer vous-même des buts...
S.T – [Avec Levante] on joue avec deux 6. [Maria Pry, l'entraîneure] nous demandait de récupérer les ballons et de se projeter vite vers l'avant. On a beaucoup travaillé [cet aspect] à l'entraînement, aussi devant le but, sur des actions. Et cette année, ça me réussit parce que j'ai marqué beaucoup plus de buts que l'année dernière par exemple. On a travaillé là-dessus à l'entraînement, et avec des séances vidéos individualisées, ce qui m'a aussi aidée.
« Cette finale nous a vraiment aidées pour faire une bonne deuxième partie »
CDF – En plus de cette qualification européenne, vous avez aussi disputé deux finales, en Supercoupe d'Espagne et plus récemment en Coupe de la Reine. Même si la victoire n'a pas été au rendez-vous, on retrouve Levante sur tous les tableaux...
S.T – La première finale que l'on a jouée [au mois de janvier, en Supercoupe d'Espagne], on était un groupe nouveau, c'était encore le début de saison. Cette première finale [perdue] nous a fait mal, mais ça nous a aussi fait changer comme groupe, comme équipe, et je dirais que cette finale nous a vraiment aidées pour faire une bonne deuxième partie. Au final, dans la défaite, on s'est vraiment retrouvées à être une équipe.
[Depuis cette défaite le 16 janvier dernier en finale de Supercoupe d'Espagne, Levante n'a pas perdu que 2 matches de championnat, sur les 18 disputés, à chaque fois face au FC Barcelone, futur champion d'Espagne et d'Europe, ndlr]
Et pour la finale [de Coupe de la Reine] contre Barcelone, ce qu'on peut retenir, c'est qu'elles ont fait une très bonne saison. En première période, on n'a pas été bien, mais en seconde mi-temps, on a tout donné. C'est ce qui nous caractérise cette année, de marquer des buts à la 92e ou 93e minute, et on n'a rien lâché jusqu'au bout. C'est ce qu'on a essayé de faire, et au final à 3-2, si on marque le 3-3, je pense que [le match] aurait été différent. C'est comme ça... Il y a eu 4-2, et on apprend de ça aussi.
On mérite aussi d'être arrivées deux fois en finale, d'être troisième [en championnat], on a un très bon groupe.
CDF – L'autre actualité qui vous concerne en Espagne, c'est cette annonce que la première division va devenir officiellement professionnelle le 15 juin prochain. Comment cette professionnalisation se traduit dans l'immédiat pour vous au quotidien ?
S.T – Les capitaines nous ont confirmé qu'on allait avoir une ligue professionnelle. Après, il va y avoir une réunion le 15 juin, pour nous expliquer les changements. Pour le moment, on ne sait pas trop, c'est encore un peu flou sur ce qu'il va se passer.
« Vraiment [un] plaisir de les revoir, de repartager un moment avec elles »
CDF – Comme beaucoup de sportives, cette saison a été conditionnée par la pandémie. De quelle manière cela vous a-t-il impacté avec votre équipe de Levante ?
S.T – Oui, avec le COVID, c'était compliqué. Par exemple, nous, cette année, on n'avait pas de vestiaire donc c'était plus dur pour la vie de groupe. Au final, avec nos réussites [sur le terrain], on a aussi réussi à former un groupe, malgré le COVID et le fait de ne pas pouvoir avoir de vestiaire.
Il y a beaucoup de choses qui ont changé [cette saison], mais sur le terrain, on a vraiment formé un groupe et c'était important pour faire une belle saison.
CDF – Et vous aviez aussi expliqué que la situation sanitaire vous avez empêché de faire de véritables adieux à vos coéquipières en partant de Montpellier l'été dernier. Est-ce que vous avez pu vous rattraper depuis ?
S.T – Avec le COVID, c'était compliqué de rentrer en France, j'ai pu le faire uniquement en décembre. Tout le monde était en famille, donc je n'ai pas pu voir les filles de Montpellier. J'ai retrouvé quelques filles en sélection, ça me faisait vraiment plaisir de les revoir, de repartager un moment avec elles.
Après, quand je vais être en vacances, je vais peut-être pouvoir aller les voir et retourner un peu au club. Au final, je n'ai même pas pu voir les membres du club, pour pouvoir leur parler, même si je les ai eus au téléphone. Mais c'est sûr, pendant les vacances, si elles ont repris, je passerai [les voir] au club.
« Cela m'a fait changer, prendre en maturité »
CDF – Justement, ce retour en équipe de France en février dernier, après plus de trois ans sans sélection, comment vous l'avez vécu ?
S.T – Je suis vraiment contente de retrouver l'équipe de France. [J'essaie] juste de profiter sur le terrain, d'être avec les coéquipières pour jouer des matches avec le maillot de l'équipe de France.
Le fait de se retrouver éloignée aussi longtemps des Bleues, est-ce qu'il y a eu des moments plus difficiles, notamment quand de longs mois passent sans être appelée ?
S.T – C'était compliqué au début. Après, je ne vais pas lâcher, j'ai continué à travailler et je me disais : « À moi de faire des belles performances avec mon club », et pourquoi pas finir par retourner [en équipe de France].
On a aussi l'impression que votre retour en équipe de France est intervenu à un moment où vous avez acquis un profil de milieu de terrain plus « complet », de pouvoir jouer un peu partout au milieu...
S.T – C'est vrai. Après, je pense que c'est aussi lié au fait de partir en Espagne et de sortir de ma zone de confort. Cela m'a fait changer aussi, prendre en maturité. Et je sais aussi que d'être partie en Espagne m'a fait grandir.
Photo: Antonio MESA / FFF
Hichem Djemai