Pour ses deux derniers matches, la Suède de Pia Sundhage a pris une option résolument défensive dans son organisation et l'animation de son jeu. Des choix qui se sont révélés payants après un début de tournoi poussif mais qui ont aussi suscité quelques vives réactions notamment celle de Hope Solo après la défaite des États-Unis face à la Suède en quarts-de-finale. Ce style de jeu va-t-il devenir la marque de fabrique de Pia Sundhage ? Certains s'en tirent déjà les cheveux, on va essayer de les rassurer...
Les spectateurs étasuniens et brésiliens doivent encore se demander comment le match a-t-il pu échapper à leur équipe face à une équipe de Suède à la limite du minéral. Deux lignes de quatre et cinq et une seule attaquante laissée en pointe et chargée de réaliser l'impossible dans le dos de la défense adverse. Avec des joueuses d'expérience comme Caroline Seger, Nilla Fischer ou Hedvig Lindahl dans les buts, Pia Sundhage sait qu'elle peut s'appuyer sur une équipe à même de tenir des consignes aussi contraignantes pendant 120 minutes.
On a pu voir également que cette équipe suédoise était capable par petites séquences de jouer plus haut sur le terrain et se montrer (un peu) plus entreprenante. En deuxième mi-temps ou au début des prolongations, à des moments où l'équipe adverse semble piocher physiquement, on retrouve alors la Suède avec un bloc plus haut et qui parvient à se créer des occasions par des récupérations hautes de ballons ou sur coups de pied arrêtés.
L'héritage américain
Après le quart USA – Suède, Hope Solo avait parlé d'un style très défensif qui aurait déjà été celui des États-Unis à l'époque ou Pia Sundhage était la coach de la sélection américaine. Une sorte de marque de fabrique... Pourtant lorsque l'on regarde les finales disputées par les États-Unis à l'époque où Pia Sundhage était sélectionneuse (JO 2008 et 2012, Coupe du Monde 2011), difficile de faire une véritable comparaison.
En 2008, la finale entre les USA et le Brésil, laisse cette impression d'un match qui appartient aux grandes joueuses (Carli Lloyd, Marta, Cristiane ou Amy Rodriguez) et où ce sont des exploits individuels qui changent le cours d'un match. Beaucoup d'erreurs techniques sur le terrain et un combat physique d'une haute intensité. Dans ce type de rencontres, la vigilance de la ligne arrière et la qualité de la gardienne joue aussi un rôle primordial. On le retrouve côté américain avec Hope Solo et la capitaine de l'époque Christie Rampone, impeccable en défense centrale.
En 2011 et 2012, on a le sentiment d'être entré dans une autre ère, avec la progression de l'équipe américaine mais surtout l'émergence de véritables collectifs de jeu à l'image des championnes du monde japonaises ou de l'équipe de France. Les finales 2011 et 2012, (États-Unis – Japon, par deux fois) proposent des matches de grande qualité où ce sont des actions collectives qui créent l'essentiel du jeu et des occasions devant le but adverse pour les deux équipes. On retrouve des combinaisons sur les côtés, des centres avec un apport des latérales qui sont devenus presque banal dans le football féminin de très haut niveau.
Du côté américain, ce qui marque c'est effectivement une animation défensive où toutes les joueuses participent à commencer par les attaquantes. Des récupérations hautes qui sont suivies par des actions offensives où les joueuses étasuniennes se projettent en nombre, et cherchent à prendre de vitesse le replacement défensif adverse. Une manière de jouer qui repose sur une qualité athlétique hors du commun et qui se révèle d'autant plus efficace face à des équipes qui cherche à avoir la maîtrise du ballon. L'équipe de France en sait quelque chose...
Le pragmatisme de la gagne
Pourtant, les États-Unis de Pia Sundhage n'ont jamais ressemblé au « bunker » mis en place par la coach suédoise sur ces Jeux 2016. Le choix radical de Pia Sundhage semble donc un choix plus pragmatique que philosophique. Si l'on regarde les deux derniers tournois de la Suède, dans ces JO et au Mondial 2015, on voit une équipe suédoise qui marque sur coups de pied arrêtés mais qui encaisse beaucoup de buts dans le jeu, manquant souvent de rigueur défensive et d'une capacité à maîtriser le ballon au milieu de terrain.
Une situation qui s'est conclue par une cinglante élimination l'an dernier (4-1 en huitième-de-finale face à l'Allemagne), et par ce 5-1 en phase de poules face au Brésil. Pia Sundhage semble alors avoir fait le choix le plus logique : verrouiller le jeu quand l'ouvrir signifie risquer une déroute face aux meilleures équipes et donc voir s'envoler tout espoir de titres.
Ce choix de la sélectionneuse suédoise s'inscrit aussi dans un tournoi où l'on a vu également une équipe du Canada s'illustrer grâce à une très belle organisation tactique, et un an après le beau parcours de l'Angleterre en Coupe du Monde sur la base d'une philosophie de jeu similaire. Une manière de bouleverser la hiérarchie qui amènera forcément les meilleures équipes à se remettre en question, et qui dans l'immédiat peut permettre à la Suède de remporter le premier titre olympique de son histoire.
Hichem Djemai