Le 6 mai dernier, la fédération espagnole faisait le choix d'arrêter définitivement la saison dans le championnat féminin, provoquant le 5e sacre du FC Barcelone. Une décision liée à la situation sanitaire et l'épidémie de coronavirus, mais qui a provoqué de nombreuses critiques, aussi bien d'une partie des joueuses, des clubs jusqu'aux partis politiques espagnols.

 

En Espagne aussi, la fédération (RFEF) a pris la décision le 6 mai dernier, de mettre un terme à la saison dans le championnat féminin. Comme en France, le pays est durement touché par l'épidémie de coronavirus avec plus de 26.000 morts, dont plus de 8.000 dans la région de Madrid, l'un des principaux foyers de l'épidémie de l'autre côté des Pyrénées.

 

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Une décision qui sourit à Barcelone

Après l'arrêt des compétitions le 11 mars dernier, la RFEF a décidé de terminer définitivement la saison, et de retenir le classement actuel pour déterminer le palmarès de cette édition 2019/2020. Le FC Barcelone est sacré champion alors qu'il restait 9 journées à disputer (dont la 9e qui avait été annulée en novembre suite à la grève des joueuses).

Dans le bas de tableau, aucune relégation n'est prévue, ce qui préserve le FC Valence et l'Espanyol Barcelone de la descente. Le championnat se jouerait donc à 18 équipes la saison prochaine avec Eibar et Santa Teresa qui accéderont à l'élite pour la saison prochaine.

Cette décision de la RFEF concerne l'ensemble des compétitions dites « non-professionnelles » femmes et hommes confondus, c'est-à-dire l'ensemble des tournois nationaux (futsal inclus) en dehors des deux premières divisions masculines, qui relèvent de Ligue de Football Professionnel. Pour l'élite du football masculin, une reprise reste envisagée pour le mois de juin, un double-standard pointé du doigt notamment par Carolina Arbelaez, la milieu de terrain colombienne du Deportivo La Corogne.

 

Pas de consensus pour l'arrêt du championnat

Cette conclusion de la saison était en fait contestée publiquement, dès le 5 mai par l'ACFF, l'Association des Clubs qui réunit 13 des 16 équipes de Primera Iberdrola (moins l'Athletic Bilbao, le FC Barcelone et le CD Tacon). Dans un communiqué, l'ACFF exprimait la volonté de « pouvoir terminer » la saison afin de « préserver l'intégrité de la compétition » et se préserver des « graves conséquences économiques » avec notamment des pertes de revenus liés aux droits TV, estimées à plus de 600.000 euros.

Même son de cloche du côté de l'Association des Footballeurs Espagnols (AFE), mise sur le devant de la scène avec la lutte des joueuses, puis la signature de la convention collective du football féminin en janvier dernier. Selon le syndicat, l'ensemble des capitaines dans les catégories concernées par l'arrêt des compétitions et consultés par l'AFE, avaient exprimé le souhait de « continuer à disputer le championnat » à partir du moment où la sécurité sanitaire pouvait être préservée dans les compétitions concernées.

L'AFE appelle la fédération à rechercher « une solution plus juste pour tous ». Du côté des joueuses, des voix se sont déjà élevées pour critiquer la décision de la RFEF. C'est le cas par exemple de Priscila Borja, coéquipière de Méline Gérard au Betis Séville et l'une des figures du championnat espagnol. Pour l'attaquante verdiblanca, le choix d'arrêter le championnat montre « le manque de volonté de la fédération à chercher des solutions », soulignant sur une chaîne de télévision locale, le mécontentement exprimé par les clubs et les joueuses.

 

Professionnelles ou non ?

Parmi les points qui ont frappé une partie des actrices, le choix d'inclure la Primera Iberdrola dans un communiqué sur le football « non-professionnel ». Un vocabulaire qui a surpris alors que la convention collective signée début 2020 propulse justement l'ensemble des joueuses vers un statut professionnel.

Ce ''détail'' a donné une tournure politique au débat autour de l'arrêt de la saison en Espagne. Le Parti Populaire (droite espagnole) s'apprêterait par exemple à déposer une proposition de loi, qui viserait à clarifier la situation de la première division féminine espagnole. Et si le championnat est professionnel, retirer la possibilité à la fédération de stopper unilatéralement la saison.

 

Un sacre logique pour le FC Barcelone

Des polémiques qui éclipsent le 5e titre du FC Barcelone (le premier avait été remporté en 2012), rejoignant l'Athletic Bilbao au rang des équipes les plus titrées en championnat. Les Blaugranas auraient probablement été sacrées si la saison était allée jusqu'à son terme.

Invaincues (19 victoires et 2 nuls), et avec 9 points d'avance sur l'Atlético de Madrid, les coéquipières de Kheira Hamraoui comptaient la meilleure attaque (86 buts en 21 matches), la meilleure défense (6 buts encaissés) et les deux meilleures buteuses du championnat (Jennifer Hermoso et Asisat Oshoala).

Le club catalan peut encore réaliser le triplé, après la Super Coupe en février et maintenant le championnat, puisque l'édition 2019/2020 de la Coupe de la Reine pourrait se conclure sur la fin de l'année. Également engagé en Ligue des Championnes, le FC Barcelone est censé retrouver l'Atlético de Madrid pour un hypothétique quart de finale. Les deux équipes représenteront à nouveau le championnat espagnol la saison prochaine au niveau européen.

Au-delà du verdict sportif, la gestion de la fin de saison par la fédération espagnole illustre les tensions, et divergences entre les différentes actrices et acteurs, ressenties à l'occasion des débats autour de la convention collective du football féminin et qui s'expriment à nouveau avec cette conclusion de la saison en Primera Iberdrola.

 

Photo: FC Barcelona Femeni

Hichem Djemai