Arrivé en juin 2019 à la tête de l'équipe féminine du FCG Bordeaux, Pedro Losa a parfait son expérience en Espagne, avant de rejoindre les Etats-Unis, puis l'Angleterre et de s'aventurer finalement en France. Autant de clubs qui ont nourri en lui une soif de victoires insatiable. Actuellement 3e avec Bordeaux, lui et ses joueuses n'ont pas réussi à faire le poids encore une fois face au PSG, avec une défaite 1-0 concédée. Une nouvelle bataille de perdue, mais le coach bordelais espère qu'il parviendra un jour à faire trembler les ténors de la D1 Arkema, en continuant d'apprendre match après match. Sa réaction en conférence de presse.

 

Journaliste - Quel est votre sentiment sur le match ?

Pedro Losa - On attendait plus de ce match, notamment en terme offensif. Je pense qu'on a fait une grosse performance défensivement. Nous devons trouver une façon pour rivaliser. Nous sommes un peu déçus de ne pas y être parvenus, nous devons jouer collectivement et revoir notre tactique aussi pour y parvenir. Nous devons jouer un jeu plus offensif, on le fait sur tous les matches, mais aujourd'hui nous n'avons fait qu'une partie du travail. Nous avons fait des erreurs, notamment en première mi-temps, et nous avons encaissé ce but. Nous devions trouver des solutions pour revenir dans le match. J'attendais plus, je voulais plus, mais au final il faut être réaliste et accepter ce résultat malheureusement. 

 

Coeurs de Foot - Qu'avez-vous pensé de la performance de Khadija Shaw dans ce match ? Elle a eu beaucoup de mal à se procurer des occasions, elle a eu une frappe, mais trop écrasée pour inquiéter la gardienne du PSG...

P. L. - Khadija est une très bonne joueuse, la meilleure buteuse du championnat actuellement (14 buts), elle progresse énormément. En face il y avait quand même Endler, Dudek, Paredes, certaines des meilleures défenseures du championnat, voir du monde, donc c'était un match compliqué, surtout quand votre équipe défend la majorité du match.

C'était un gros challenge pour elle de trouver la faille du PSG, donc on a essayé de mettre une autre joueuse en fin de match pour trouver la solution [avec l'entrée de Mickaella Cardia], qui est un peu plus dynamique, essayer de trouver l'espace, pour inscrire nos occasions. On adore Khadija, elle a fait son maximum. Elle revenait de Jamaïque, où elle avait été à Noel, donc remettre son attention a été un peu délicat. On doit regarder aussi le côté humain de la joueuse, et d'un autre côté on se doit de regarder le côté professionnel.

 

"La frustration est relative en prenant

tout cela en compte."

 

Coeurs de Foot - Est-ce frustrant tout de même de perdre par un seul but d'écart encore une fois face au PSG ?

P. L. - Oui on est vraiment frustrés, et déçus, on a beaucoup discuté, du mental qu'il faut avoir et des détails qui font ce genre de match. Nous voulons aller au niveau supérieur, régler ces détails nous le permettra assurément. Nous devons nous améliorer, et on le fait constamment, nous avons du temps pour parfaire notre jeu [car nous sommes en D1 depuis peu]. Nous voulons être compétitif face au PSG.

Je pense que vous savez le nombre de détails qu'il faut savoir gérer, et nous y sommes tout de même arriver, comme par exemple le fait de gérer des joueuses comme Diani, Katoto ou encore Baltimore, qui n'ont pas vraiment existé sur ce match face à nous, elles n'ont pas été très dangereuses face au but. Nous avons rendu la tâche difficile à notre adversaire, mais nous avons affronté des joueuses de classe mondiale aujourd'hui, donc la frustration est relative en prenant tout cela en compte. Nous avons l'ambition de gagner tous nos matches, nous devons continuer à nous parfaire pour y arriver, ce n'était que 1-0, c'est une marche de plus pour nous pour rivaliser avec Paris [dans le futur], en tant que groupe.

 

"Nous sommes entrain de construire une identité à

notre équipe et de gagner en maturité."

 

Journaliste - Quels sont les objectifs de Bordeaux cette saison ?

P. L. - L'objectif premier est de faire de mieux en mieux après chaque match. Aujourd'hui je pense que défensivement on a fait de très bonnes choses [malgré le but], face à l'une des meilleure équipe du monde. C'était difficile dans les transitions de faire la différence, mais je trouve qu'on l'a bien fait sur certaines phases, avec des combinaisons parfois. Mais ce que nous devons faire, c'est être capables face à n'importe quel opposant d'être à un meilleur niveau pour rivaliser comme il faut.

Nous sommes entrain de construire une identité à notre équipe et de gagner en maturité. Aujourd'hui, nous avons essayé de presser notre adversaire sur certains moments du match, mais le PSG a été très appliqué sur notre pressing, en trouvant à chaque fois les solutions pour nous annihiler. Nous devons confronter nos joueuses à ce genre de scénarios encore et encore pour apprendre, et nous devons répéter nos efforts de notre côté, être plus offensif. Comparé à Lyon ou au PSG, ils ont énormément de joueuses, qui ont une grosse expérience en équipes nationales par exemple, et ce sont des joueuses qui jouent depuis très longtemps ensemble. C'est ce qui a construit l'ADN d'une équipe, qui gagne et je suis sur que le PSG va connaître de futurs succès.

 

Journaliste - Le PSG était trop fort pour votre équipe en somme aujourd'hui ? Même si ça reste un seul but, c'était serré au final ?

P. L. - La différence entre nos deux équipes n'a été que d'un seul but.

C'est serré comme vous dîtes, mais nous devons jouer ce genre de match comme un seul, pour continuer à nous rapprocher. Notre objectif est clair, on doit équilibrer le match, pas seulement jouer notre chance. Nous l'avons fait sur certains instants du match et nous devons répéter ce genre de performance lors de chaque match, tout en s'améliorant.

Nous devons nous procurer plus d'occasions, changer notre mentalité [pas avoir de complexe d'infériorité], avoir plus de présence offensive, c'est le prochain niveau à relever pour l'équipe, et bien sûr que nous sommes capables de répéter cela, avec le temps.

 

"Ce n'est pas mon job de demander ou pas

d'autres joueuses internationales"

 

Coeurs de Foot - Pensez-vous que la solution est donc d'avoir plus de joueuses internationales au sein de votre équipe, qui ont de grosses expériences en sélection, pour épauler notamment Ghoutia Karchouni au milieu de terrain offensivement ? 

P. L. - Nous sommes très fiers de nos joueuses, de ce qu'elles montrent sur le terrain, elles sont vraiment concernées par ce projet, elles veulent vraiment grandir avec nous. Je pense que tout le monde peut constater l'évolution [positive] de l'équipe, et celle des joueuses individuellement. 

Bien sûr, nous avons plus de qualités [au fil des saisons], plus d'opportunités, mais le plus important c'est l'équipe, le plus important c'est le projet, la performance qu'on a mis ce soir, et si on peut le répéter. Bien sûr nous devons toujours parfaire notre jeu et prouver notre ambition. Aujourd'hui, les joueuses que nous avons avec nous je pense qu'on peut être reconnaissant de porter ces couleurs, de représenter ce club, et nous continuerons ainsi de grandir ensemble.

Ce n'est pas mon job de demander ou pas d'autres joueuses internationales, je suis vraiment content d'avoir mon groupe, le plus important pour moi c'est de jouer pour l'équipe, et j'espère que le meilleur pour mes joueuses, a l'image de Julie Thibault, Estelle Cascarino, Charlotte Bilbault, Julie Dufour, Vanessa Gilles etc qui sont des joueuses, avec un pedigree international. Nous sommes heureux de ça et je pense qu'on doit continuer à contribuer à parfaire leur jeu pour l'équipe nationale, nous travaillons dur pour cela, mais au final c'est le travail du coach de l'équipe nationale de les appeler ou non (sourire).

 

"Peu de gens ont une

réelle analyse des matches dans le football féminin"

 

Journaliste - Que pensez-vous du niveau en D1 Arkema ?

P. L. - Quand je suis arrivé, j'ai été vraiment surpris, évidement je venais du championnat anglais, la FA WSL, qui investit énormément d'argent dans sa ligue féminine, dans tous les domaines, pas seulement du côté des salaires des joueuses, ou dans les conditions des joueuses, mais aussi dans le marketing, la promotion des matches, les opportunités pour les jeunes filles...

Je pense qu'en France, on a vraiment du retard là-dessus, on doit travailler plus, notamment autour de la marque de la ligue, la popularité des joueuses... Et d'un autre côté, je trouve qu'on a un énorme potentiel comparé à d'autres championnats aussi, nous avons des joueuses fantastiques, nous avons des joueuses physiques, une vraie intelligence de jeu, les coachings sont très bons aussi, à chaque fois qu'on joue nos matches, les équipes adverses sont très bien préparées, le niveau est l'un des meilleurs du monde.

Quand vous regardez l'Espagne, c'est un niveau inférieur certes, mais il y a de grands noms du football, le Real Madrid, Barcelone, l'Atletico. Mais peu de gens ont une réelle analyse des matches dans le football féminin ou qui sont les meilleures joueuses. Nous avons eu la chance d'accueillir la Coupe du Monde en France et c'était le moyen de mettre la lumière sur le foot féminin [mais ça n'a pas vraiment été le cas]... J'ai eu la chance de vivre une expérience aux Etats-Unis (avec Western New York Flash entre 2012 et 2014), c'était une culture différente de la culture européenne, tout est autour du "soccer" (football, ndlr) là-bas, elles commencent dès l'âge de 3 ans, mais j'ai retrouvé des similitudes avec la culture française, et j'aime être ici pour y contribuer.

 

Dounia MESLI