Ancienne joueuse du Barca et ex-internationale espagnole U19, Patricia Martinez Augusto évolue à l'ASPTT Albi depuis trois saisons et demi aujourd'hui. Entretien avec une joueuse qui est parvenue à rebondir après une grave blessure, mais qui a du faire une croix sur son rêve de l'équipe nationale d'Espagne. Elle revient sur son parcours, le football espagnol et son jeu sur le terrain.
Coeurs de Foot - J'ai vu que tu viens de Ponferrada (son premier club est Fuentesnuevas) en Espagne, c'est juste au-dessus du Portugal ? Y'a une petite statistique qui m'a intriguée. J'ai vu qu'il y avait environ 70.000 habitants dans ta ville d'origine, et 50.000 environ à Albi. J'en déduis que tu aimes les petites villes ? Donc si on t'avait proposé de jouer à Marseille (850000 habitants), Lille (227000 habitants) ou Paris (2,2 millions d'habitants) tu n'aurais pas accepté ?
P. M. A. - Ponffeeerrada (elle répète le nom de sa ville avec l'accent espagnol ndlr). Oui c'est au Nord du Portugal. Ca ressemble beaucoup à [Albi], c'est la première chose que j'ai remarqué quand je suis venue ici. Je me sens un peu comme chez moi, c'est pratiquement la même atmosphère. J'aime bien les "petites villes".
(réfléchit) Après y'a pas que cette raison, mais si je dois choisir je préfère habiter dans un petit village ou une petite ville, c'est sûr. Ce n'est pas exactement pour ça que je suis venue. J'ai eu la chance que Albi recherche une attaquante, lorsque Stephanie Roche est partie [à Houston].
Coeurs de Foot - J'ai lu dans une interview que tu as accordé à Marca, que tu as commencé "le football par hasard" à 4ans* ?
P. M. A. - Oui en fait je devais rester là bas durant l'entraînement, parce que ma maman devait accompagner mon frère et l'attendre. Parfois j'y allais et mon frère n'y était pas.
Coeurs de Foot - J'ai lu aussi que tu avais été capitaine en club et en sélection U19, ça se sent quand on te voit sur le terrain, tu es calme et en même temps énergique. Tu veux donner le meilleur et montrer l'exemple à tes coéquipières on a l'impression.
P. M. A. - Oui et non, ça dépend parce que moi je suis calme par rapport à ma façon de parler. Je ne vais pas aller chauffer l'équipe avant un match, mais s'il faut mettre le pied entre deux joueuses je le ferais.
(moment de réflexion) Oui, je suis une joueuse d'équipe. Je ne calcule pas mes efforts et je ne vais pas me retenir, même si je dois courir plus que certaines de mes coéquipières.
Coeurs de Foot - Tu débutes ta quatrième saison actuellement avec Albi et il y a eu beaucoup de changements ? Comment s'est faite l'adaptation avec le nouveau coach et l'intégration des nouvelles joueuses ?
P. M. A. - Je suis arrivée le 15 janvier 2015, donc j'ai plutôt fait deux saisons, une demi-saison et je débute ma troisième saison. Depuis que je suis à Albi, ce sont presque toujours les mêmes filles, il y a eu un changement de coach mais le staff est resté le même, il s'est juste un peu agrandit et on a deux coachs maintenant.
Coeurs de Foot - Tu as dit à Marca que tu viens à Albi pour "vivre l'expérience de footballeuse en profondeur" parce qu'à l'époque le football en Espagne était marginalisé, peu médiatisé ? Mais aujourd'hui ça a bien changé, avec Veronica Boquete par exemple qui est ambassadrice de La Liga ?
P. M. A. - Oui et même aujourd'hui. C'est étrange parce que jusqu'à cette année, tu joues au foot mais tu n'as pas le droit d'être professionnelle. En jouant à Albi - alors que le club n'a pas beaucoup de moyens - j'ai le droit d'avoir un contrat qui me permet d'être reconnue comme joueuse professionnelle. En Espagne tu n'as pas un salaire fixe et si tu te blesses ou si tu veux prendre ta retraite de footballeuse, tu n'as pas le chômage. Cette saison ça a changé mais pas pour tous les clubs, il n'y a que trois ou quatre clubs, certaines joueuses n'ont pas ce privilège.
Oui il y a des joueuses comme Boquete qui se sont battues pour que le football espagnol change, parce qu'elle a eu la chance de jouer dans plusieurs championnats (Allemagne, Suède, Etats-Unis, France) et ça lui a permis de voir ce qu'il y a en Europe. Quand tu reviens en Espagne ça change ta vision. L'équipe espagnole n'est pas si mauvaise que ça, la présence médiatique augmente mais cela ne change pas le statut des joueuses pour autant.
Coeurs de Foot - Aujourd'hui c'est anecdotique mais quand tu es partie du Sporting Huelva, la même saison tes ex-coéquipières ont pu participer de justesse à la Copa de la Reina et elles l'ont remporté. Tu disais en rejoignant le club que c'était l'objectif de base pour toi. Tu as regretté de ne pas vivre cette expérience ? Tu as félicité tes anciennes coéquipières à l'époque ?
P. M. A. - Oui c'était vraiment dommage, parce qu'avoir un titre dans ton palmarès c'est toujours mieux. Mais j'ai fait un choix et je suis partie dans un bon moment pour moi, donc je ne regrette rien. Après c'est sûr que ça m'aurait fait plaisir de l'avoir. Mon dernier match c'était contre l'Atlético de Madrid et ils ont fini champion de la saison l'année dernière.
Oui (sourire) j'en ai félicité plusieurs.
Coeurs de Foot - Alors la saison dernière je t'ai vu jouer et je me rappelle très bien que tu jouais sur les côtés (droit/gauche). Je ne me trompe pas ?
P. M. A. - Oui c'est ça. C'est un poste que je n'affectionne pas particulièrement [de jouer sur les côtés]. Quand j'ai commencé avec les garçons, j'ai joué libéraux, après milieu offensif/axial et quand j'ai débuté avec les filles, j'étais attaquante. Quand je suis arrivée à Albi, on m'a demandé de jouer sur les côtés. C'était difficile de m'adapter au début, parce que je ne connaissais pas ce poste. Après si je dois jouer à ce poste je donnerais le meilleur de moi-même. Mais je ne pense pas que la meilleure joueuse que je peux être est à ce poste.
Coeurs de Foot - Pourtant je sais que tu es une joueuse technique, alors c'est peut être la raison pour laquelle on te fait jouer sur les côtés ? Parfois tu entrais un peu dans l'axe en plus donc ce sont tes habitudes qui reviennent au galop ? C'est ce qui te caractérise ?
P. M. A. - Sur les côtés je me sens un peu limitée, parce que c'est un poste où je ne suis pas à l'aise même si je suis "technique", et la vitesse n'est pas une de mes qualités non plus. Pour moi une joueuse sur les couloirs, soit elle est hyper technique, soit elle court beaucoup et ce ne sont pas chez moi mes plus grandes forces, donc ça me limite un peu [de jouer sur les côtés]. Par contre, je sais jouer avec les deux pieds et avec la tête je ne suis pas mauvaise, c'est pour cela qu'un poste plus axial me correspond mieux.
"Tu dois être plus technique et moins physique."
Coeurs de Foot - C'est quelque chose qui est vraiment propre aux espagnoles d'être techniques on peut dire ?
P. M. A. - Oui c'est vrai qu'en Espagne c'est un peu différent, parce qu'ici c'est beaucoup plus physique et les arbitres laissent plus les contacts. A l'inverse du championnat espagnol, où chaque action physique va être sifflée donc forcément tu dois être plus technique et moins physique.
Coeurs de Foot - J'ai remarqué aussi que tu intervertis beaucoup ta vision du jeu, tu regardes tes pieds, le ballon et autour de toi pour trouver les solutions.
P. M. A. - (...) Oui, oui oui. Ca se rapporte peut être au fait que j'étais une joueuse axiale. Quand tu joues au milieu, les joueuses peuvent venir de tous les côtés, donc avant de recevoir le ballon il faut savoir où tu vas l'envoyer et connaître les filles avec lesquelles tu joues. Parfois je ne regarde pas, je connais les déplacements de mes coéquipières et leur façon de jouer, donc je sais qu'elle va demander le ballon d'une certaine façon et ça serait bizarre qu'elle ne me le demande pas ainsi. C'est une technique pour jouer plus vite [les automatismes].
Coeurs de Foot - Tu te considères plus comme une attaquante ou une milieux de terrain alors ? Ou on peut aussi dire un faux 9 ?
P. M. A. - (hésite) On va dire que par rapport à mon âge aujourd'hui (elle a 27ans) que ça dépend de l'équipe qu'on joue. Si c'est une équipe très technique je pense plutôt attaquante parce que c'est très rare que je rate un face à face, mais je serais plutôt milieux si on a une attaquante rapide dans l'équipe, pour lui faire la dernière passe.
Oui c'est tout à fait ça, je suis plus un faux 9.
Coeurs de Foot - Tu essayes aussi d'être physique mais on sent quand même que ce n'est pas trop dans votre ADN espagnol, c'est probablement le fair-play de ne pas trop aller dans le contact ? Parce que pour tenir tête à des joueuses qui jouent à Paris ou Lyon, il faut forcément être physique ?
P. M. A. - Oui après ça dépend des régions [en Espagne]. Les Basques sont célèbres pour être physiques et aller au contact et chez moi à Ponferrada, on est aussi un peu comme ça. Donc c'est un peu normal de se battre, même si ça ne l'est pas partout en Espagne. J'ai connu ça et de jouer avec les garçons, ça te renforce un petit peu plus. Mais je pense qu'il faut que ça soit un mélange des deux [technique et physique].
Oui exactement, mais il faut bien réfléchir à ce que l'on fait, que ça soit au niveau physique ou au niveau technique.
Coeurs de Foot - J'ai vu sur ton compte Twitter que tu as partagé un article sur la préparation physique qui est inexistante en Espagne. C'est à dire que les joueuses ne sont pas préparées physiquement ?
Il (Paco Seirulo) parle aussi d'autres choses, mais ça dépend des pays. Certains pensent que la préparation c'est courir et souffrir, ils ne s'adaptent pas au sport qu'ils coachent. Dans cet article, il évoque de la préparation chez les footballeurs. Il dit que le footballeur qui se muscle et court à fond, n'est pas forcément meilleur ou mieux préparé que celui qui se prépare avec le ballon et qui essaye de faire ses entraînements par rapport à son poste. Je partage un peu cette idée-là.
"Ce sont des sacrifices mais quand ça te plait tu ne le vois pas ainsi, parce que tu aimes jouer."
Coeurs de Foot - Le Sporting Huelva géographiquement j'ai vu que c'est très éloigné de ta région natale, donc tu devais toujours déménager loin pour jouer dans des "clubs féminins" on va dire ?
P. M. A. - Oui parce que pour pouvoir jouer dans le club de ma ville, ils ont du changer la loi déjà. Jusqu'à moi, les filles ne pouvaient pas jouer au football. Aujourd'hui on peut jouer librement, en France tout est normal mais en Espagne c'était impossible. Je suis restée quatre ans dans ce club, je faisais les entraînements mais je ne pouvais pas jouer les matches. Après ils ont modifié la loi pour que les filles puissent jouer avec les garçons, mais que jusqu'à 14ans, passé ce cap il n'y avait pas d'équipe féminine [dans ma ville]. Il y en avait à Barcelone, ou Madrid parce que ce sont des villes plus développées.
Donc si tu voulais jouer plus qu'avec seulement tes amies où on ne pouvait faire qu'un match à trois, (léger rire) il fallait bouger. C'est pour ça qu'à 15 ans je suis partie de chez moi. Ce sont des sacrifices mais quand ça te plait tu ne le vois pas ainsi, parce que tu aimes jouer. Peut être qu'aujourd'hui - parce que je suis presque à la fin de ma carrière - en voyant par tout ce que je fais et que je vois la chance que les filles ont aujourd'hui de pouvoir jouer et qu'elles n'en profitent pas... Alors que moi avec tous les efforts que j'ai fait quand j'étais jeune, je ne pouvais pas avoir la moitié de ce qu'elles ont maintenant. C'est pour ça que les filles plus expérimentées qui sont passées par plusieurs étapes et moments difficiles, se battent un peu plus sur le terrain. Ce que j'ai aujourd'hui à Albi, si j'avais 18ans, j'aurai une carrière incroyable (ndlr).
Coeurs de Foot - Pour rebondir sur la jeunesse, je sais que tu as joué dans les catégories jeunes en U19 (elle débute à 16ans) et que si je fais pas d'erreurs, tu es toujours la plus meilleure buteuse U19 espagnole (24 buts en 19 matches) ? Qu'est-ce que tu en gardes de cette expérience ?
P. M. A. - Oui (blanc). C'est bizarre mais c'est comme ça. Quand j'ai commencé à jouer avec les U19, j'avais 16ans parce qu'il n'y avait que ça et les seniors. Il n'y avait pas de catégorie inférieures... Il n'y avait que deux sections féminines nationales. Donc j'y ai joué depuis l'âge de 16ans jusqu'à mes 19ans. J'étais dans la meilleure période de ma carrière (on ressent de l'émotion quand elle en parle). Je ne ratais jamais un seul face à face contre la gardienne, c'était sûr que c'est au fond. Sauf qu'après cela, je me suis blessée et je suis tombée au fond et c'était plus dur...
Coeurs de Foot - (moment de silence) Je sais que c'est une blessure qui a été difficile à surmonter, mais tu étais à Barcelone ou en sélection à ce moment là ?
P. M. A. - Je jouais à Oviedo à ce moment là et j'étais en sélection, c'était un match de classification contre la Suisse en Italie. Je m'en rappelle aujourd'hui quand je vois Ramona Bachmann qui joue à Rosengard je pense (Chelsea depuis cette année en fait), donc j'ai joué contre elle ce match et on l'avait gagné. J'ai suivi son parcours et maintenant que je vois où elle est et où je pouvais arriver aussi... C'est de la mauvaise chance. Je l'ai pris personnellement parce qu'on jouait l'Espagne contre la Suisse. Moi comme leader espagnol parce que j'avais marqué et elle comme leader suisse et ce jour-là on a gagné...
C'est à ce moment que j'ai senti que le dos n'allait pas. Quand je suis rentrée à Oviedo, on devait faire la prépa avec l'équipe, puisque c'était durant l'été qu'on a participé au tournoi, mais je n'ai pas pu et cette deuxième saison avec Oviedo, je l'ai passé sur le banc à cause de cette blessure.
Coeurs de Foot - Tu remportes tout de même lors de tes deux années en U19 la Copa Atlantico où tu seras la meilleure buteuse et meilleure joueuse en plus. Ce genre de moments sont tout de même gravés dans ta mémoire ?
P. M. A. - Oui mais moi tous les moments que j'ai passé avec l'équipe d'Espagne sont énormes, parce que j'étais dans les meilleurs moments de ma carrière et c'était différent parce qu'en ce moment le foot espagnol, il n'y avait pas autant de niveau qu'aujourd'hui. Pour pouvoir jouer un bon foot, toutes les filles devaient être bonnes. Aujourd'hui tu peux avoir une latérale qui est un peu moins forte ou la milieu, mais il faut faire avec pour composer une équipe.
"Je suis passée du top à recommencer à zéro."
Coeurs de Foot - Tu n'as pas pu espérer aller plus haut en équipe nationale à cause de cette blessure finalement malgré tous les sacrifices que tu as du faire à l'époque?
P. M. A. - (moment de réflexion) Je pense oui. Après on ne sait jamais, parce que j'aurai pu jouer jusqu'à 20ans ou 22ans et arrêter à cet âge là le football. Je pense que la blessure c'est ce qui m'a le plus gâché ma carrière parce que je suis passée du top à recommencer à zéro. Pendant six mois je ne pouvais rien faire, je ne pouvais même pas marcher, j'étais... (essoufflement avec la bouche). C'est très dur de revenir sur le terrain après ça, on a peur d'aller au contact, par crainte que ça revienne. Je ne savais pas quand ça allait guérir en fait. J'ai mis deux ans à revenir sur les terrains, mais je n'avais plus mon niveau.
Coeurs de Foot - Cet été au bout d'une soirée à rebondissements, l'Espagne U19 a remporté son deuxième titre depuis 2004, après trois finales perdues de suite (cinq au total pour sept jouées). Ca a été quand même fastidieux pour les jeunes, toi qui a bien connu cette catégorie ?
P. M. A. - Oui mais les joueuses ont un potentiel incroyable. Le problème c'est que les meilleures joueuses ne sont pas tout le temps appelées en sélection et ça je ne le comprends pas. Les filles qui jouent dans des clubs de bas de classements mettent trop de temps à avoir le niveau international, parce que ces joueuse là doivent jongler avec le foot et les études parfois le travail et comme je l'ai dit en Espagne tu ne peux pas faire les deux. Les entraînements sont trop exigeants et à un moment donné tu dois faire un choix. Soit tu prends le risque et tu réussis, soit tu échoues et tu te retrouves à 30ans sans rien.
Coeurs de Foot - Ca peut freiner l'essor des bonnes joueuses. Parce que j'étais au dernier match de l'Espagne face à l'équipe de France (perdu 3-1) et j'ai senti que les Espagnoles étaient limitées soit individuellement soit collectivement. Comment ça se fait ?
P. M. A. - Oui mais je pense qu'elle est limitée par rapport à ça. Parce que tu vois que les filles de Lyon elles peuvent vivre avec le Football et les filles en Espagne ne gagnent même pas la moitié je pense. Donc déjà par rapport à ça tu dois organiser ta vie à côté pour vivre. Et quand tu joues avec l'équipe nationale, c'est pas un salaire mirobolant non plus.
"Cette blessure-là à l'époque où j'étais jeune ça m'a permis d'ouvrir les yeux sur le fait de prévoir mon avenir en me formant à côté."
Coeurs de Foot - Je crois que tu as joué avec Marta Torrejon et Jenni Hermoso entre autres en section jeune avec l'équipe d'Espagne U19. Est-ce que tu sais si elles de leur côté elles arrivent à avoir le moral pour jouer en sélection justement ?
P. M. A. - Oui, je n'ai plus de contact avec Jenni, mais j'ai revu Marta lors du tournoi qu'on a organisé à Albi cet été. Elles ne vivent que du foot je pense, elles ne pensent pas à si ça ne fonctionne pas comment elles vont faire. Moi j'ai eu de "la mauvaise chance", mais cette blessure-là à l'époque où j'étais jeune, ça m'a permis d'ouvrir les yeux sur le fait de prévoir mon avenir en me formant à côté.
Coeurs de Foot - Pour parler de cela, je crois que tu es en chimie (analyse contrôle et qualité en chimie analytique) ? J'ai vu que tu avais été choisie même par la D1 pour représenter le club d'Albi et dans cette vidéo tu évoques du double projet d'ailleurs ?
P. M. A. - Oui, j'ai un BTS en chimie et maintenant je suis en licence pro "génie chimie et génie des procédés" en France. C'est plus important d'avoir un diplôme français, qu'espagnol aujourd'hui.
Je dois me lever tous les jours à 5h30 pour être à Toulouse à 6h30, parce que les cours commencent à 8h et je termine à 17h30. Ensuite j'enchaîne sur le kiné de 18h à 20h puisqu'actuellement je suis blessée, sinon c'est l'entraînement et je n'arrive pas avant 21h chez moi. Ce sont de très longues journées. En plus, il y a la barrière de la langue et en Espagne ça ne fonctionne pas pareil les études. Ce sont mes choix, rien n'est facile, mais si demain j'arrête le foot et que je dois continuer d'avoir un métier, il faut faire ces sacrifices là.
Coeurs de Foot - Comme tu l'as dit dans une interview "Nous jouons avec l'illusion d'être pro."** Donc la passion du football est plus forte que tout ?
P. M. A. - Oui c'est vrai que quand tu viens jouer dans une équipe comme à Albi, dans ta tête ce n'est pas pour faire de l'argent. Albi joue avec des filles qui sont à proximité du club, ou des jeunes qui veulent connaître le haut niveau et se former. Mais ça sera compliqué de voir des joueuses internationales. Au PSG par exemple je n'aurais pas pu avoir mon double projet, surtout à mon âge actuel.
Coeurs de Foot - Pourtant tu ne fais pas ton âge et tu as carrément le niveau.
P. M. A. - (s'esclaffe) Oui y'a beaucoup de personnes qui me disent ça. Mais j'ai une hygiène de vie assez stricte.
Coeurs de Foot - Je sais que tu as débuté le 1er février (17e journée) avec Albi et face au PSG en plus. Il faut rappeler que tu arrives en milieu de saison, le 15 janvier à Albi, après avoir fait un essai en décembre.
P. M. A. - Oui c'était un peu le hasard (parce qu'une joueuse était sortie sur blessure à la 6e minute).
Coeurs de Foot - Tu m'as dit que tu n'as joué qu'un seul match face à Montpellier, avant de te blesser. Comment ça t'es arrivée ?
P. M. A. - J'ai eu une déchirure à la jambe pendant la prépa, sauf qu'on ne le savait pas. J'avais mal mais pas plus que ça. Et la douleur était variable, y'a des moments où ça faisait très mal donc je me reposais pendant deux/trois jours et je reprenais, mais avec des courses seulement. Dès que j'ai repris avec ballon, j'avais très très mal et après le premier match de la saison contre Montpellier (perdu 7-0) j'ai fait une écho et on a vu une déchirure de 3cm derrière la jambe. A chaque fois que je reprenais, je me le déchirais un peu plus. Il me fallait 6 semaines pour le soigner et là il m'en reste deux normalement. Je ne pensais pas avoir ça, j'avais mal mais je serrais les dents, sauf qu'après ça n'allait plus (rires nerveux).
* "Mon frère s'entraînait dans un club, le CD Fuentesnuevas et je devais l'attendre assise sur un banc chaque fois. Un jour j'ai demandé à l'entraîneur si je pouvais jouer avec eux et il a accepté. C'est comme ça que j'ai commencé le football"
** "Nous n'avons pas de contrats en tant que footballeuses (sourires, réponds à mon ironie). Nous jouons avec l'illusion, nous vivons avec le minimum, et nous travaillons pour pouvoir jouer. Mais nous avons frappé de longs et lourds voyages, où vous finissez par jouer à la vie, car il y a beaucoup de kilomètres que vous faites. Avec ce qu'est aujourd'hui, en Espagne, la fille qui joue au football ne le fait pas pour de l'argent, mais pour la vocation."
Photo : Mica GB M PhootoRafettes