Elle fait désormais partie de l’Histoire du football féminin, et difficile de trouver une joueuse de football qui ait exercé une influence à une telle échelle. Nous avons eu l’occasion de la rencontrer la semaine passée, au moment de la Convention sur le Football Féminin, organisée par le FIFA à Paris dans la foulée de son congrès annuel. L’occasion de parler des valeurs du football féminin et des ingrédients à réunir pour s’imposer dans une Coupe du Monde.

 

Difficile de résumer la carrière de Mia Hamm en quelques mots. L’attaquante américaine est d’abord une grande joueuse de football, double-championne du Monde (1991 et 1999) et double championne olympique (1996 et 2004), et a été un temps la joueuse internationale la plus prolifique au monde (158 buts), avant d’être surpassée en 2013 par Abby Wambach (184).

En 1999, elle est la figure emblématique de l’équipe des États-Unis, et des générations de jeunes footballeuses, aux États-Unis et dans le monde ont grandi avec l’envie de ressembler à Mia Hamm. Le Mondial 99 a provoqué une véritable onde de choc, et le nom associé à cette déferlante était celui de l’internationale américaine.

 

Nouveaux rôles

Encore aujourd’hui, Mia Hamm garde le football féminin chevillée au corps. Une passion qui passe par un attachement au jeu mais également au combat des joueuses. Elle soutient notamment de manière indéfectible la démarche des internationales américaines, avec leur plainte contre la fédération américaine pour dénoncer les disparités entre les équipes féminine et masculine.

Parmi ses nouvelles activités, elle fait aujourd’hui partie des actionnaires du Los Angeles FC, club de MLS (Major League Soccer – Championnat masculin aux USA), avec l’objectif qu’une équipe féminine soit développée dans les prochaines années sous les couleurs du LAFC. Un projet annoncé depuis quelques temps déjà mais pour lequel Mia Hamm souhaite attendre « le bon moment », et assurer la pérennité d’un projet qui suscite excitation et impatience.

À l’approche du Mondial, nous avons eu l’occasion d’échanger avec elle en marge de la Convention sur le Football Féminin organisée par le FIFA à Paris dans la foulée de son congrès annuel. Un moment dédié à la pratique féminine du football, son développement, des thématiques qui ont fait de Mia Hamm une invité de choix.


 

Vous avez eu l’occasion d’échanger avec des joueuses de l’équipe actuelle, qui pour beaucoup vous considère comme un modèle. Dans ce que vous essayer de leur transmettre, en tant qu’ancienne internationale, quel est l’élément principal, le plus fort de votre message sur ce que cela représente de jouer pour l’équipe nationale des États-Unis, et en terme d’héritage pour celles qui suivront ?

« Je pense qu’avant tout, vous devez être authentique, d’abord pour vous-même, dans votre manière de jouer, dans ce que vous apportez, et par rapport à ce que votre équipe représente. Cela facilite les choses lorsque vous parlez [de ce que vous faîtes en tant qu’internationale], d’en faire la promotion, dans une discussion [sur le sujet]. C’est aussi plus simple, à la fois pour intégrer et projeter [une image positive] plutôt que de dire je veux être ceci ou cela.

Quand je regarde notre équipe en 1999, c’était l’un des messages forts qui a été mis en avant par les personnes en position de leaders avec Julie [Foudy], Carla [Overbeck, capitaine de l’équipe américaine en 1999], Toni [Di Ciccio, le coach des États-Unis en 1999]. Le discours c’était : « Vous devez être vous-même », [notamment dans] votre manière de jouer, vous êtes dans cette équipe en raison de ce que vous savez faire.

Donc l’héritage qu’elles peuvent laisser pour les générations futures, c’est [d’abord] ce qu’elles sont et [montrer] ce dont elles sont faîtes.

 

À l’approche du Mondial, on peut constater que personne n’a envie de mettre de côté les problèmes existants dans le football féminin. En quoi cela est important, même dans un événement aussi prestigieux que la Coupe du Monde, que les joueuses continuent de mettre en avant ce qui pose problème ?

« C’est la raison. Une Coupe du Monde, c’est un moment où vous avez un nombre incomparable d’oreilles [à l’écoute] et d’yeux [braqués sur vous]. Je pense que les réseaux sociaux ont permis aux joueuses de toucher un public qui ne nous était pas accessible à l’époque où je jouais. C’est comme si on n’avait plus besoin de faire de conférence de presse ! Vous tweeter quelque chose et cela devient viral.

Je pense que les joueuses veulent se concentrer sur le jeu, mais elles comprennent cette formidable opportunité. Et alors que nous célébrons à quel point notre sport a grandi, il y a toujours certaines régions dans le monde et même certains endroits aux États-Unis où les financements sont coupés [pour le football féminin].

Il y a encore des gens aux États-Unis qui ont un problème avec l’idée de voir une femme présidente, et j’ai du mal à comprendre pourquoi. Du genre : « Ce n’est pas le bon moment » mais quand est-ce que ce sera le bon moment ? Ils utilisent toutes les excuses possibles pour [repousser l’échéance].

Je pense que nous avons une responsabilité, de ne pas simplement jouer [au football] avec passion, avec sincérité, mais aussi d’être sincères dans nos propos, et de chercher à placer la barre toujours plus haut. »

 

« Il s’agit simplement de faire ce qui est juste »

 

Est-ce que vous avez eu des contacts récemment avec les joueuses américaines sélectionnées pour le Mondial ?

« J’ai eu l’occasion de parler avec quelques joueuses [de l’équipe actuelle], juste pour être de bon conseil : « Tu sais, si tu as besoin de quoi que ce soit ». Partager une expérience, parce que nous avons eu nos propres conflits sur comment se reconcentrer sur le jeu à l’approche d’une grande compétition. Pour nous c’était avant les Jeux Olympiques. »

 

[En 1995, la fédération des États-Unis avait temporairement interdit l’accès des camps d’entraînement à plusieurs joueuses-cadres de l’équipe nationale, dont Mia Hamm, en raison d’un désaccord concernant les primes de matches, inégales entre les équipes masculine et féminine. Le conflit s’est réglé par la suite, et les États-Unis avec Mia Hamm ont remporté la médaille d’or l’année suivante aux Jeux d’Atlanta ndlr].

 

« [La difficulté] c’est de ramener sa concentration vers le jeu. Et c’est difficile parce que vous ressentez cette pression supplémentaire, avec le sentiment que si vous rencontrer le succès et que vous gagnez [une compétition], vous aurez une position plus forte pour négocier ce que vous réclamer. Ce qui est fou, mais c’est la triste réalité de ce que beaucoup de gens pensent et ressentent, encore aujourd’hui. Il s’agit simplement de faire ce qui est juste. »

 

Gagner devant son public

 

Vous avez remporté la Coupe du Monde à domicile en 1999. Et à ce jour, les États-Unis sont la seule équipe à y être parvenue dans un Mondial féminin. Quels sont les ingrédients que doit réunir l’équipe de France pour espérer gagner ici devant son public ?

« Il y a tellement de choses positives dans le fait de jouer à domicile. L’inconvénient, c’est que vous comprenez toutes les unes de journaux. Si je jouais ici [en France], et que je me promène, je pourrais me dire : « Ils pensent que nous sommes formidables ! », alors que ce n’est pas vraiment le cas (rires).

Vous avez les supporters, votre famille, vos amis à tous les matches mais nous étions capables de maintenir une distance. Les coachs et l’encadrement ont réalisé un très bon travail dans ce sens-là.

[Pour vous donnez un exemple], ce sont des choses simples : « Vous savez où sont les places pour ma famille ? », et vous [vous retrouvez] à gaspiller de l’énergie pour passer des coups de fils, écrire, faire le suivi… [Au moment du Mondial] nos familles, nos amis n’étaient pas autorisés à nous demander ce genre de choses. Il devait passer par d’autres personnes.

 

« Tellement important d’avoir cette camaraderie

et cette confiance les unes envers les autres »

 

Pour nous [les joueuses], notre seule tâche, c’était d’être concentrées et de jouer. Nous pouvions voir nos familles après chaque match pendant une heure et demie, nous avions ce moment pour être ensemble.

Mais, c’est aussi important de pouvoir s’isoler et que l’essentiel reste l’essentiel, à savoir ce que vous faîtes sur le terrain et rester unies. C’est tellement important d’avoir cette camaraderie et cette confiance les unes envers les autres. Vous allez entendre beaucoup de choses, du positif, du négatif, il [faut pouvoir] le prendre de la même manière et continuer d’avancer vers ce qui constitue l’objectif final. »

 

 L’équipe de France est aussi une sélection qui a une réputation de sélection qui joue bien au football, mais qui a plus de difficultés dans les moments-clés. Les États-Unis ont la réputation presque inverse, justement d’être à son meilleur niveau dans les moments décisifs. Qu’est-ce qui vous a permis selon vous de bien gérer ces moments-clés, dans ce mondial 99 à domicile ?

« C’est là où les leaders sont très importants. Cela commence par le coach, comment ils se comportent ? quel est leur langage corporel ? Est-ce que les habitudes changent ? Est-ce que le ton de la voix est différent ? Tout le monde est nerveux avant un grand match, parce que c’est comme ça, c’est ce pour quoi vous avez travaillé.

 

« Les bonnes personnes sont capables

de dire les bonnes choses au moment opportun »

 

Je repense à la Coupe du Monde 1999. En quart de finale, nous étions menées 1-0 face à l’Allemagne sur un but contre-son-camp. Notre capitaine [Carla Overbeck] s’est tournée vers Brandi [Chastain], et lui à dit : « Ce n’est pas grave, on va y arriver ». C’est la réaction que vous avez [en tant que leader]. Imaginez qu’elle lui ait dit : « Merde Brandi ! Oh Mon Dieu ! », qu’est-ce que cela aurait donné pour les 85 minutes restantes ?

Ces qualités de leadership, à ce moment précis, peu importe avec qui vous en parlez, ils vous diront que cela a changé la trajectoire de notre équipe. C’est tellement simple mais tellement difficile à faire. Je le sais parce que je n’aurais pas probablement pas dit la même chose. J’aurais dit probablement quelque chose du style « Err… [avec une expression de dégoût] » (rires).

Mais les bonnes personnes sont capables de dire les bonnes choses au moment opportun. Brandi [Chastain] a inscrit le but de l’égalisation [à 2-2, les États-Unis l’emporteront sur le score de 3-2 ndlr]. Elle est restée à fond dans le match avec son esprit qui était tranquille. C’est [ce genre de choses] qui sont importantes. »  

Hichem Djemai