C'était un événement attendu en Iran, un peu plus d'un mois après le décès de Sahar Khodayari, Blue Girl, dont l'histoire avait suscité l'émotion aux quatre coins de la planète football. Pour la première fois depuis le début des années 1980, des femmes ont pu acheter des places pour assister à une rencontre de football. Un ''geste'' du régime théocratique iranien, qui attend désormais d'être suivi d'effet dans la durée.

 

Suite à la mort de Sahar Khodayari au mois de septembre, la pression était montée d'un cran autour du gouvernement de la République Islamique d'Iran, sommé de mettre fin aux restrictions qui empêchent les femmes d'assister aux rencontres de football masculin dans le pays.

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Une interdiction qui avait notamment mené à l'arrestation de Sahar Khodayari, surnommée Blue Girl, alors qu'elle tentait de rentrer dans l'enceinte du Stade Azadi (Stade de la liberté) de Téhéran pour assister à une rencontre de Ligue des Champions asiatique en mars 2019. Craignant par la suite de subir une peine de prison, elle avait décidé de s'immoler par le feu.

 

Au Stade Azadi, des femmes isolées mais plus nombreuses

Un mois après sa mort, des milliers de femmes étaient présentes dans ce même Stade Azadi de Téhéran pour assister à la rencontre entre l'Iran et le Cambodge (victoire 14-0 de l'Iran), comptant pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Si différents chiffres ont circulé sur le nombre de spectatrices, il apparaît qu'entre 3.000 et 4.000 femmes étaient massées dans les travées du Stade Azadi. À l'inverse il semble certain qu'elles représentaient au moins la moitié du public présent pour cette rencontre.

Le Stade Azadi peut accueillir plus de 75.000 spectateurs, mais pour ce match les chiffres évoquent 6 à 7.000 spectateurs, soit mois de 10 % de sa capacité. Un vide visible sur les images du match, et qui a alimenté le débat sur le choix des autorités iraniennes de limiter à 4.600, le nombre de places disponibles à la vente pour les spectatrices.

En effet, au-delà de la limitation du nombre de places, une séparation stricte était établie dans les tribunes entre les sections réservées aux femmes (dans le « virage ouest ») et celles occupées par les hommes (à l'opposé, principalement face au rond central). Un dispositif de séparation stricte, souligné par l'installation d'imposantes barrières métalliques autour de la ''tribune des femmes'', poussant certains observatrices et observateurs à parler de « cage ». Même la sécurité de cette tribune était assurée exclusivement par des femmes, avec 150 policières.

 

Un changement durable est-il possible ?

De fait, cette présence de milliers de femmes dans le Stade Azadi était un événement majeur pour le football iranien. La mise en place de cette exclusion des stades remonterait à octobre 1981 et toujours en vigueur aujourd'hui, notamment pour les compétitions domestiques, qui constituent l'essentiel des rencontres de football disputées dans le pays. Une exclusion combattue par des groupes d’activistes et supportrices iraniennes, qui tentent régulièrement de s'introduire dans les stades, déguisées en hommes, risquant aujourd'hui jusqu'à 2 ans de prison.

Ce geste du régime iranien constitue le troisième, et surtout le plus significatif en l'espace d'un an sur le sujet. À l'automne 2018, une centaine de femmes « sélectionnées » par le régime avait pu assister à la rencontre amicale entre l'équipe masculine d'Iran et la Bolivie, avant que 800 femmes ne soient « invitées » pour la finale aller de la Ligue des Champions asiatique (match pour lequel le président de la FIFA, Gianni Infantino était présent), deux rencontres également disputées au Stade Azadi.

Pourtant, ce serait aujourd'hui la première fois depuis 1981 que des femmes ont pu acheter des places, et donc pouvoir accéder « comme les hommes » à un stade pour assister à une rencontre de football.

 

Les responsabilités de la FIFA

Dans ce contexte, la mort de Sahar Khodayari a obligé le gouvernement iranien à joindre les actes à la parole, et contraint également la FIFA à se montrer plus pressant vis-à-vis de l'Iran, qui fait partie des équipes masculines de premier plan sur la scène continentale. Signe de cette implication de la FIFA, la présence dans l'enceinte du Stade Azadi, de l'ancien champion du monde français, Youri Djorkaeff, désormais président de la Fondation FIFA.

Le hashtag #WakeupFIFA a pourtant fleuri cette semaine sur Twitter, pour estimer que les instances internationales du football n'étaient pas assez exigeantes avec le régime iranien. La FIFA est même jugée « responsable » de la situation par les activistes les plus impliquées dans ce combat pour l'accès des femmes aux stades iraniens.

Signe des contradictions que cette situation souligne dans le pays, une manifestation d'une cinquantaine de personnes a eu lieu lundi dernier devant le parlement de la République Islamique d'Iran pour exiger que l'interdiction d'accès aux stades soit maintenue pour les femmes.

 

Photo: Vahid Salemi / AP Photo

Hichem Djemai