La FIFA a officialisé vendredi sa décision de bannir à vie Yves Jean-Bart, président de la Fédération Haïtienne de Football suite à des accusations d'abus sexuelles sur des joueuses haïtiennes, et notamment des jeunes mineures. Âgé de 73 ans, il avait été élu pour un 6e mandat à la tête de la FHF en février dernier, une instance qu'il présidait depuis 2000.

 

La décision de la FIFA indique que le président de la FHF « avait enfreint l’article 23 (Protection de l’intégrité physique et mentale) et l’article 25 (Abus de pouvoir) du code d'éthique de la FIFA » ce qui conduit à cette décision de bannir à vie Yves Jean-Bart, sanction assortie d'une amende d'un million de francs suisse (environ 926.000 euros).

 

Des « actes d’abus sexuels systématiques envers des joueuses »

Comme l'indique le communiqué de la FIFA, cette sanction intervient « dans le cadre d’une vaste enquête » au sujet « d'actes d’abus sexuels systématiques envers des joueuses entre 2014 et 2020 ». Des actes qui auraient été commis principalement à Haïti, mais également à l'étranger.

La décision de la FIFA intervient après plusieurs mois d'enquêtes, et surtout suite aux révélations du journal anglais The Guardian qui rapportait au mois d'avril des accusations d'abus sexuels dont auraient été victimes plusieurs jeunes joueuses, en particulier dans l'enceinte du Centre Technique National haïtien de la Croix-des-Bouquets. Le Guardian avait également indiqué qu'au moins une joueuse avait été forcée d'avorter suite à un abus sexuel par le président de la FHF, Yves Jean-Bart.

Romain Molina, l'un des journalistes auteurs de l'enquête du Guardian, avançait vendredi que des « viols » ont également été « commis sur le sol français (...) lors de la Coupe du Monde féminine des moins de 20 ans en 2018 ». L'équipe d'Haïti emmenée par sa capitaine Nérilia Mondésir y était présente, de même que le président Yves Jean-Bart qui avait accompagné sa sélection en Bretagne.

 

Nouvelle affaire révélée par le Guardian

Yves-Jean Bart était le président de la fédération haïtienne depuis 2000, une mandature qui prend fin avec cette « suspension à vie » prononcée par la FIFA. Son ascension vers la tête de la fédération avait notamment été marqué par son rôle joué dans la fondation en 1972 et la direction de l'AS Tigresses, l'un des premiers clubs féminins du pays, et le plus titré à ce jour dans le championnat haïtien.

En l'espace de 18 mois, c'est la seconde décision de ce type après la suspension à vie du président de la fédération afghane, Keramuddin Karim, en juin 2019. Il s'était vu infligé la même sanction après des accusations d'abus sexuels sur des joueuses de l'équipe nationale afghane. La décision avait également été précédée de révélations publiées dans les colonnes du Guardian.

Hasard du calendrier, le Tribunal Arbitral du Sport a confirmé cet été la décision de la FIFA de bannir Keramuddin Karim à vie, alors que l'enquête de la FIFA était en cours concernant Yves-Jean Bart. Le président de la fédération haïtienne devrait également saisir le Tribunal Arbitral du Sport pour tenter de contester la décision de la FIFA, son avocat estimant que « la décision de la FIFA est une parodie de justice et une décision purement politique » pour tenter de redorer l'image écornée des instances internationales du football.

 

La justice haïtienne exonère Yves Jean-Bart

Une démarche auprès du TAS qui semble d'autant plus probable avec la décision de la justice haïtienne de prononcer un non-lieu dans cette même affaire, estimant qu'il n'y avait « ni charges, ni indices » et qu'elle n'avait « toujours pas identifié les victimes (…) pour pouvoir les auditionner ». Dans cette affaire, il semblerait que chaque camp ait choisi une option différente, Yves-Jean Bart se tournant vers la justice haïtienne, et les victimes s'adressant au Guardian puis à la FIFA.

Le président de la FHF avait été suspendu à titre provisoire au mois de mai dernier pour une période de 90 jours, une mesure qui avait été prolongée pour 90 jours supplémentaires au mois d'août. Parmi les raisons avancées pour cette mesure conservatoire, les menaces de mort qui auraient visé plusieurs victimes présumées et leurs familles.

Selon le Guardian, une joueuse aurait notamment quitté Haïti par peur pour sa sécurité, après avoir apporté son témoignage auprès du Comité d'éthique de la FIFA. Des pressions qui passeraient également par la confiscation des passeports de plusieurs joueuses, alors que la possibilité de jouer à l'étranger (notamment aux États-Unis, au Canada ou en France) représente aujourd'hui un élément clé dans la progression des meilleures Grenadières.

D'autres responsables du football haïtien sont également dans le viseur. Le 20 août dernier, Wilner Etienne (directeur technique national) et Nella Joseph (chargée de superviser des jeunes joueuses au sein du centre de la Croix-des-Bouquets) ont été suspendus à titre provisoire par la FIFA, dans le cadre de cette même enquête, et qui devrait donc se poursuivre dans les prochaines semaines.

Hichem Djemai