Si vous cherchez encore un surnom pour Griedge Mbock, il évoquera probablement sa solidité dans le rôle qu'elle occupe en défense centrale à l'Olympique Lyonnais et en équipe de France, mais aussi la sérénité qu'elle dégage sur et en dehors du terrain.Elle fait partie des joueuses pour qui la Coupe du Monde a fait office de confirmation de ses qualités, de dernier rempart ou de première relanceuse hors pair, même si au moment de faire le bilan de l'été et du Mondial, c'est la déception qui prend le dessus.

Nous avons échangé avec Griedge, alors que les Bleues se retrouvaient pour la première fois à Clairefontaine depuis la Coupe du Monde, avec un premier match amical, samedi face à l'Espagne. Une interview avec un mot magique « switcher », comme un interrupteur (switch) que l'on active pour éloigner les mauvaises ondes et retrouver le plaisir du jeu, et le goût de la victoire.

 

Avec un peu de recul, presque deux mois après, qu’est-ce qu’il reste de cette Coupe du Monde ?

Il y a beaucoup de déception, étant donné que l’on avait des objectifs. On voulait aller au bout, malheureusement, cela n’a pas été le cas. Après, on a eu une période de vacances où on a essayé d’évacuer [et] on est revenues en club assez rapidement. Il faut switcher et se fixer de nouveaux objectifs que ce soit le club ou en équipe de France.

C’est une préparation qui s’est plutôt bien passée en club et [aujourd’hui], on est rassemblées en équipe de France et on a nos objectifs aussi. Il faut aller de l’avant.

 

Justement, pour réussir à passer à autre chose après le Mondial, est-ce que vous avez une recette, une routine pour vous aider à évacuer ce genre de déception ?

Déjà, le fait d’avoir des vacances et d’avoir pu revoir nos proches, c’est aussi une ressource supplémentaire. On a pu partager des moments avec eux, ''se vider un peu la tête''. [C’est] aussi le retour en club, il y a une dynamique, on retrouve des personnes que l’on n’a pas vu depuis longtemps, donc ça fait toujours plaisir.

On essaye de passer à autre chose même si ce n’est pas facile au début. Au fur et à mesure, on se fixe de nouveaux objectifs. C’est ce qu’on a en ligne de mire et c’est comme ça que l'on arrive à switcher.

 

« Avec Wendie (...), on sait que l’on peut compter l’une sur l'autre »

 

Dans les médias, on a beaucoup parlé de Kadidiatou Diani, qui est de la même génération que vous, et qui a fait figure de révélation auprès du grand public au moment du Mondial. On a l’impression que c’est aussi votre cas, que cette Coupe du Monde a servi de confirmation, par rapport à vos performances ces dernières années...

C’est vrai que Kadi [Diani] a fait une excellente Coupe du Monde. À titre personnel, je ne suis pas forcément satisfaite, parce que [l’on n’a pas atteint] l’objectif final au bout. Je ne peux pas forcément faire un bilan personnel, ce n’est pas ce que j’ai envie de faire ressortir aujourd’hui, ce n’est pas le plus important.

 

Un des aspects intéressants sur votre Mondial, c’est que l'on a le sentiment, dans la lignée de ce que vous faîtes à Lyon, qu’il y a plus d’équilibre dans votre association avec Wendie Renard. Elle apparaissait comme la véritable leader de la défense, à l’OL et en équipe de France. Aujourd’hui, vous êtes aussi capable d’assumer aussi ce leadership en fonction des matches….

Avec Wendie, cela fait quelques années que l’on joue ensemble. On sait que l’on peut compter l’une sur l’autre et c’est ce qui est le plus important. Je l’ai beaucoup observée quand j’étais plus jeune, quand je venais d’arriver [à Lyon]. J’ai tout fait pour progresser, pour arriver à atteindre le niveau qu’elle a. Je me donne les moyens à chaque entraînement pour essayer de progresser et de gommer mes défauts.

 

C’est un Mondial dont le public, notamment en France, garde en mémoire votre retour décisif face au Brésil. Ce geste, il va probablement rester dans les mémoires au même titre que certains buts...

Oui, j’ai remarqué que cela avait marqué les gens. Après, c’est instinctif. Le travail d’un attaquant c’est de marquer, et nous [les défenseures], c’est d’empêcher l’adversaire de marquer. Je ne me suis pas forcément posé de questions. J’ai eu la chance de pouvoir sortir ce but, et si c’est resté dans les esprits, tant mieux, parce que c’est vrai qu’on ne met pas forcément en avant les gestes défensifs. Malheureusement, ça n’a pas forcément suffi. Sur ce match-là, oui, mais après, cela n’a pas suffi.

 

« J’ai eu un moment de déconcentration, et cela a suffi »

 

Pour continuer, on a pu voir qu’en l’espace de deux matches, vous avez vécu des situations inverses. Cinq minutes où tout bascule en votre faveur face au Brésil, et le match suivant, cinq premières minutes qui vous coûtent cher cotre les États-Unis. Est-ce que ça se résume à ces moments-là une Coupe du Monde ?

C’est le haut niveau. Ce sont des petits détails qui comptent. On savait que les Américaines démarraient fort leur début de match. On nous avait aussi prévenu qu’elles pouvaient jouer rapidement les touches. À ce moment-là, j’ai eu un moment de déconcentration, et cela a suffi à ce qu’elle se procure un coup franc, et on prend le but.

C’est le haut niveau, cela se joue sur des détails. C’est souvent comme ça. Je m’en suis voulu parce que j’étais impliquée directement. C’est compliqué de switcher dans un match, j’ai essayé autant que j’ai pu, malheureusement, ça n’a pas suffi, et c’est dommage.
 

Vous avez fait partie des joueuses qui ont connu des pépins physiques avant le Mondial, et pendant la saison dernière. Est-ce que vous pensez que cela a eu un impact sur votre Coupe du Monde ?

[Personnellement], je n’ai pas l’impression d’avoir été blessée autant que ça. Après, c’est vrai que le fait d’avoir été blessée juste avant la Coupe du Monde [entorse du genou gauche en match de préparation face à la Chine, ndlr], cela aurait pu être un frein, après j’ai fait le maximum pour revenir et être performante. Et mon genou ne m’a pas gêné plus que ça, même si c’est vrai que j’avais quelques douleurs à froid. Sinon, à l’approche des matches, cela allait totalement.

 

« Plus d’opposition et de plus en plus de clubs qui se structurent »

 

À Lyon, vous enchaînez les titres, vous avez battu récemment les championnes des États-Unis (North Carolina Courage). Est-ce que cette énergie déployée en club ne vient pas à manquer en Coupe du Monde, face à des Américaines, qui pour certaines jouent très peu avec leurs clubs et se concentrent sur la sélection ?

C’est possible. Après, nous, on aimerait avoir des matches tous les week-end face à des équipes comme North Carolina. Pour le championnat de France, on ose espérer qu’il évoluera dans ce sens-là, que l’on ait encore plus d’opposition et de plus en plus de clubs qui se structurent. C’est bien pour l’avancée du football féminin, pour Lyon et pour l’équipe de France.

 

Un autre aspect qui a été évoqué pendant le Mondial, c’est le fait que vous faîtes partie d’une fratrie de footballeurs, avec vos deux frères. Comment ça se passe entre vous ? On a parlé des conseils que vous donne votre grand frère, mais j’imagine que vous en donnez aussi ! (Rires)

Pour mon grand frère [Erwan, 27 ans, qui évolue au Stade Briochin en Nationale 2], c’est plus lui qui me conseille parce que c’est l’aîné, et qu’il regarde beaucoup de matches et de matches d’équipes féminines aussi, donc il s’y connaît quand même pas mal. Après, pour mon plus jeune frère [Hianga'a, 19 ans, joueur du Stade Brestois en Ligue 1, ndlr], c’est plus lui que je vais le conseiller. Sur le terrain, je ne le conseille pas forcément, mais c’est plutôt sur les à côtés. On parle de foot, c’est un peu tout le temps. Cela revient beaucoup dans les discussions [comme] on aime beaucoup le foot tous les trois.

 

Un conseil fraternel en particulier ?

Je me souviens la veille du match contre Wolfsburg [en quart de finale de la Champions League, au mois de mars dernier], mon frère m’a envoyé une vidéo d’Ewa Pajor [l’avant-centre polonaise du VfL, ndlr], qui va super vite. Il m’a dit qu’elle était souvent à la limite du hors-jeu, et que si on faisait un petit pas en avant, cela pouvait la mettre tout de suite hors-jeu. Donc, de jouer intelligemment et de penser à ça.

 

Sur votre profil Twitter, vous rappelez que vous êtes « indomptable comme une Camerounaise ». En parallèle du votre, est-ce que vous avez pu suivre leur parcours lors du Mondial ?

Oui, j’ai regardé leur parcours. Elle ont fait un bon parcours, je les avais déjà suivies lors de la Coupe du Monde 2015, elles avaient fait aussi de bonnes performances [comme cet été, elles avaient atteint les 1/8e de finale lors du Mondial au Canada, ndlr]. J’étais contente pour elles de leur parcours, un peu déçue aussi de leur élimination. J’étais heureuse [d’avoir pu] les suivre quand même.

 

Photo: AFP / FFF

Hichem Djemai