Prenant la décision de suspendre les contrats des joueuses de son équipe féminine, l'Independiente Santa Fe a déclenché une polémique nationale en Colombie. En cause, un traitement jugé discriminatoire entre l'équipe masculine et féminine, avec en toile de fond l'épidémie de coronavirus et la suspension des compétitions de football dans le pays...

 

En Colombie, la saison du championnat féminin devait débuter au mois d'avril, mais l'épidémie de coronavirus a contraint la fédération à changer les plans, avec un nombre de cas croissant, notamment dans la capitale Bogota.

 

Deux poids, deux mesures ?

Face à une situation incertaine, la direction du club de l'Independiente Santa Fe (basé à Bogota) a fait le choix lundi de suspendre les contrats des 25 joueuses de son effectif, tout en s'engageant dans un communiqué à les « aider à couvrir le minimum vital » pendant la période de suspension des contrats. Une décision qui a fait réagir puisque dans le même temps, les joueurs de l'équipe masculine de l'Independiente ont vu leurs salaires divisés par deux.

Un double-standard qui a fait réagir en Colombie, que ce soit du côté du syndicat des joueuses/joueurs (ACOLFUTPRO), de la maire de Bogota Claudia Lopez, ou du gouvernement colombien, avec la vice-présidente Marta Lucia Ramirez qui a évoqué « un traitement arbitraire et discriminatoire envers les joueuses ».

De vives réactions qui ont obligé la direction du club à communiquer, expliquant que les joueuses toucheraient bien l'équivalent de 50 % de leur salaire, et de garantir le paiement de leurs loyers, les moyens pour assurer leur « bien-être ». Même son de cloche du côté de la capitaine, Gabriela Huertas. Dans une interview, elle explique que les contrats (de six à huit mois) seront bien honorés par le club, une fois la crise sanitaire terminée.

 

Des professionnelles sans contrats

La situation des joueuses de l'Independiente est en réalité paradoxale. Les réactions provoquées par le communiqué initial et le caractère visiblement discriminatoire des décisions de la direction, a participé à mettre la pression sur le club, et l'obliger à offrir publiquement des garanties concernant la suspension des contrats.

Pourtant, les joueuses de Santa Fe, championnes de Colombie en 2017, font partie des moins mal loties en première division colombienne. Avec l'Independiente, seuls deux autres clubs (sur 18) de la ligue professionnelle nationale ont actuellement des joueuses sous contrat. L'America de Cali et l'Atletico Nacional ont pour le moment décidé de maintenir leurs joueuses sous contrat, en dépit du report de la saison.

Un autre club, le Millionarios de Bogota, s'était engagé à signer des contrats avec ses joueuses, avant de faire marche arrière mi-mars, suite à la suspension de toutes les compétitions en Colombie. De fait, la ligue professionnelle colombienne n'est pas sortie de la zone de turbulences, après une année 2019 où le championnat est passé proche de l'annulation.

 

Le football féminin colombien reste en ébullition

À l'époque, des accusations de harcèlement sexuel au sein des sélections féminines colombiennes avaient fait vaciller le football féminin colombien, avec des joueuses particulièrement impliquées pour s'assurer que les victimes puissent être entendues, mais aussi que le championnat ne subisse pas de dommage collatéral et soit effectivement maintenu.

Un an plus tard, une première condamnation se profile, avec Didier Luna, ancien sélectionneur des U17 Colombiennes. Ayant récemment reconnu les faits, il est désormais dans l'attente d'une condamnation par la justice.

Du côté du championnat féminin, l'incertitude reste de mise. Une situation pointée par Gabriela Huertas, la capitaine de l'Independiente. Relayant la position de la direction du club, la capitaine et milieu de terrain de Santa Fe, pointe le fait qu'aucune information précise n'a été apportée par la DIMAYOR (structure chargée d'organiser les championnats professionnels en Colombie) concernant le calendrier de la saison 2020. Elle s'interroge sur le fait que « le club nous emploie pour jouer dans une ligue pour laquelle, nous ne savons pas si elle va se jouer ».

Une manière de se renvoyer la balle, à défaut de solutions satisfaisantes dans l'immédiat...

Hichem Djemai