En septembre dernier, nous avions longuement échangé avec Claire Lavogez pour évoquer son nouveau challenge avec Bordeaux, un club ambitieux à son image, son parcours jonché d'aléas et d'obstacles et les aspects externes du terrain, qu'elle a parfois du mal à gérer. A quatre matches et deux mois de la fin de cette saison, retour en arrière.

 

 

Coeurs de Foot - Nous sommes en septembre, en début de saison, comment tu vis cette nouvelle aventure avec Bordeaux ?  

Claire Lavogez - Je la vis bien, je me suis bien intégrée à l'équipe. Ce sont des joueuses qui ont été agréables et très accueillantes. On était plusieurs nouvelles à arriver en même temps, donc forcément c'est plus facile de s'intégrer et comme on se connaissait entre nous, c'était plus simple [de trouver ses marques]. 

 

CDF - Comment tu expliques les nombreux changements de clubs dans ta carrière ?  

C. L. - Au final je n'en ai pas fait tant que ça, parce que j'étais à Hénin un an, après je suis partie quatre ans à Montpellier, deux ans et demi à Lyon, ensuite j'ai fait une pige à Fleury et aujourd'hui je suis à Bordeaux. [Ces deux derniers clubs] rajoutent un peu plus de clubs dans ma carrière, mais ce n'est pas non plus énorme je pense.  

Ce sont les aléas du football qui ont fait que j'ai changé de clubs aussi. Peut-être que si je n'avais pas eu une blessure à l'OL, j'y serais encore, et que ça serait bien. Mais je n'aurai pas connu Fleury ou Bordeaux. 

 

CDF - Tu as fait plusieurs clubs, qui ont des états d'esprits différents les uns des autres ? 

C. L. - (Rires) Non, mais c'est vrai que je n'ai que 24 ans et que j'ai fait pas mal de clubs. C'est aussi une expérience de plus pour moi à chaque fois, dans le sens où j'ai joué avec de grandes joueuses vous savez et différentes joueuses surtout et de différentes nationalités.  

 

CDF - A quel point le jeu de Bordeaux te correspond ?  

C. L. - C'est un jeu qui me correspond, parce que ce sont des joueuses qui sont techniques et qui aiment beaucoup jouer au ballon comme vous le voyez lors des matches. Elles essayent de construire un minimum et de mon côté en tant que milieu de terrain, ça me correspond parce que je n'ai pas les ballons qui me passent au-dessus de la tête. J'apprécie beaucoup ce style de jeu. Après il y a encore du travail, comme dans chaque club et on travaille tous les jours pour avoir l'équipe la plus compétitive possible. C'est de bon augure [pour cette saison].  

 
“C'est un club qui a envie d'avoir une équipe 

féminine à la hauteur et qui fait tout pour.” 

 

CDF - C'est un club qui correspond à ton ADN, de toujours aller chercher plus haut ?  

C. L. - Oui oui c'est vrai que Bordeaux est une équipe qui s'est "construite" récemment et qui arrive plutôt bien à se faire sa place [en D1]. Ça ne fait que trois ans que l'équipe féminine existe au sein du club de Bordeaux comme vous savez et c'est vrai que l'équipe se débrouille bien, même si la première année [après la montée] a été compliquée pour rester en D1. Sinon la saison dernière a été plutôt réussie je pense [avec une 7e place accrochée]. En espérant que ça se passe bien aussi cette année. C'est un club qui a envie d'avoir une équipe féminine à la hauteur et qui fait tout pour.  

 

CDF - Votre succès contre Montpellier c'est un exploit, même Bordeaux le dit, alors qu'on pouvait s’y attendre avec l'effectif impressionnant du club ?  

C. L. - Oui c'est vrai. Comme vous dîtes certains évoquent "un exploit", mais je pense que c'est plutôt une performance en fait. C'est une grosse performance. Parce qu'un exploit c'est quelque chose qui ne peut plus se reproduire, mais je pense qu'on peut encore accrocher un gros [du championnat à l'avenir].  

 

CDF - Comment tu l'expliques toi cette victoire ?  

C. L. - On a beaucoup défendu, ça a été hyper compliqué, mais ce qui nous a aidé c'est qu'on a toujours été soudées, on est restées unies, on est restées une équipe malgré la douleur et malgré le fait qu'on soit dans la difficulté, parce que Montpellier c’est vraiment une grosse écurie. [La solidarité] c'est ce qui a fait qu'on a réussi à mettre ce but important et qui nous donne la victoire à la fin. 

 

CDF - La saison dernière avec Fleury tu avais accroché le match nul (1-1), là c'est la victoire. Y'a une hiérarchie qui est en train d'être bousculée de saison en saison ?  

C. L. - Oui c'est clair, c'est vrai qu'on a l'impression qu'en D1 l'étau se resserre de plus en plus. Après c'est sûr que l'OL ça restera toujours la grosse équipe du championnat comme vous l’avez dit. Par rapport aux autres clubs qui sont plus prenables, qui sont à notre “portée” entre guillemets, si on joue comme on l'a fait contre Montpellier. C'est à nous d'être rigoureuses et sérieuses et de faire ce qu'on sait faire chaque week-end, et de ne pas baisser les bras surtout.   

 

CDF - L'objectif du club c'est de faire la Champions League la saison prochaine ou dans deux ou trois saisons peut être ?  

C. L. - (Elle se racle la gorge) Oui je ne sais pas, ils l'ont peut-être dans un coin de la tête. Pour ma part je ne sais pas du tout si c'est dans le projet du club. Il faut que vous leur demandiez (sourire). Mais c'est sûr qu'en voyant la façon dont ça avance, je pense qu'ils peuvent y prétendre.  

Cependant il ne faut pas brûler les étapes, on a juste fait un [gros] match [face au MHSC]. Et gagner contre Montpellier (1-0), c'est très bien, mais il faut garder les pieds sur terre. On n'a pas enchaîné 10 victoires d'affilée. Lorsque nous aurons fait cela, c'est à ce moment-là qu'on pourra accrocher la place en Ligue des Championnes j’espère. 

 


CDF - Le match contre le PSG sera déterminant justement cette saison pour vraiment voir de quoi vous êtes capables, (même si le club est déjà parvenu à accrocher le club de la capitale lors de sa montée) parce que Lyon c'est très difficile à accrocher (défaites 3-0 puis 7-1) ? (Les Bordelaises ont perdu 2-0 l'aller, et joueront le match retour le 24 avril prochain)

C. L. - Oui c'est sûr que l'OL ça va être compliqué comme je vous l’ai déjà dit, mais on va quand même tout faire pour. Le PSG peut être une équipe à notre portée. Mais le plus important pour nous c'est justement de gagner les matches hors top 3, même si la victoire contre le MHSC est importante. Bordeaux a perdu des points face à des équipes du milieu/bas de tableau la saison dernière, donc je pense que cette année c'est ce qui va faire que Bordeaux va faire une bonne saison ou pas [le fait de battre les équipes hors top 3/4 déjà].  

 

CDF - Comment tu expliques cette rage en toi, de toujours continuer à te battre malgré les aléas dont tu as fait allusion tout à l'heure ?  

C. L. - C'est parce que j'aime le foot et que j'ai toujours envie de jouer et de m'épanouir dans le sport que j'aime. C'est ma passion. Donc oui il y a des hauts et des bas, comme je vous l’ai expliqué. Mais c'est comme dans la vie, on passe par des étapes compliquées, après je ne vais pas me plaindre, mais c'est clair que j'aurais aimé que ce soit plus facile [comme parcours]. Mais c'est ainsi, et si ça devait être comme ça, c'est le destin, c'est que ça devait se passer comme ça.   

 

CDF - Qu'est-ce qui te fait tenir justement ?  

C. L. - (Gros blanc) C'est vraiment la passion pour le foot et mes proches qui me soutiennent toujours. Je pense que si mes proches ne me soutenaient pas, je n'aurai pas tenu. Ils ont toujours été là à me soutenir pour que je m’accroche à mon sport. C'est grâce à eux que je suis arrivée à faire du foot, que je suis parvenue à faire de belles choses quand même [dans ma carrière] donc je leur suis redevable en quelque sorte... 

 

CDF - Ils te poussent dans ta passion et je sais que la sphère familiale est très importante pour toi. Tu veux leur faire plaisir en fin de compte ? 

C. L. - Oui je veux leur faire plaisir et ce qui est normal parce que c'est ma famille, vous l’avez vu la saison dernière avec Fleury. Je veux aussi les rendre fiers, ce qui est important à mes yeux. C'est leur rendre la pareille en fait, parce que depuis que je suis jeune, ils m'ont toujours suivie sur mes matches. Vous imaginez ? Je me rappelle de mes parents sous la pluie lors de mes matches, en train de me regarder ou quand ils traversaient toute la France pour m'emmener à un tournoi... Je veux dire, à un moment quand on a des parents et qu'ils nous suivent comme ça [dans notre passion], c’est fondamental, je n'aurai rien fait dans le foot sans eux et peut être que je n'en aurais jamais fait [à ce niveau]. 

 

CDF - Est-ce qu'à un moment tu as eu envie d'arrêter avec tous ces aléas ? 

C. L. - (Elle tousse) Non mais à un moment donné quand vous passez par des situations difficiles, par moments ce n'est pas évident [à vivre]. Mais je me dis qu'il y a pire dans la vie, qu'il faut relativiser et continuer à croire en soi. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a pire dans la vie, donc il ne faut pas non plus trop se prendre la tête, ce n’est que du sport. 

 

CDF - Mais on a l'impression que le football c'est très important pour toi quand même ? 

C. L. - Ah oui bien sûr ! Le foot c'est toute ma vie. Depuis que j'ai 6 ans je fais du foot et ça a été ce sport et pas un autre dès le départ. 

 

CDF - Quand on te parle de vive voix et quand on lit certaines de tes interviews, c'est très antagoniste l'un vis-à-vis de l'autre. C'est très dénaturé, parce qu’on ne voit pas tes expressions du visage très chaleureuses... 

C. L. - Oui du coup j'essaye de moins en faire (sourire). C'est toujours un exercice compliqué les interviews. Les gens se font toujours leurs propres idées, mais les interviews ne déterminent pas qui on est, en vrai. On verra bien. Moi je ne veux pas être devant [dans la lumière], je veux avant tout être performante pour mon équipe et quand ça ne fonctionne pas ou quand c'est injuste, c'est frustrant et difficile à gérer, mais on s’y fait, on n'a pas le choix. 

 

Photo : Nicolas Lacambre

Dounia MESLI