Le tournoi olympique qui débute ce mercredi 21 juillet, va se dérouler sans les championnes en titre. En 2016, l’équipe d’Allemagne, s’imposait en finale (2-1) au Maracana de Rio face à la Suède et remportait son premier titre olympique. Comme lors des précédents Jeux, les États-Unis comptent parmi les équipes favorites, d’autant plus après le nouveau titre de championnes du monde obtenu 2019.

 

Parmi les douze équipes engagées cette année à Tokyo, les États-Unis sont la seule sélection à avoir déjà remporté une médaille d’or. Les deux autres anciennes vainqueures, la Norvège (2000) et l’Allemagne (2016) ne seront pas de la partie au Japon.

 

L’impossible doublé ?

À domicile, les Nadeshiko tenteront de leur côté de remporter le seul titre qu’il manque à leur palmarès après avoir remporté plusieurs coupes d’Asie et le titre mondial en 2011. L’équipe japonaise avait aussi atteint la finale des Jeux de Londres en 2012, battue par les États-Unis (2-1) et l’inévitable Carli Lloyd, qui avait signé un doublé décisif sur la pelouse de Wembley.

Cette défaite du Japon à Londres vient rappeler une statistique implacable. Aucune équipe championne du monde en titre n’est parvenue à remporter la médaille d’or lors des Jeux Olympiques suivants. Si la sélection étasunienne compte autant de titres de championnes du monde que de médailles d’or olympiques (4), elle n’a jamais réalisé ce back-to-back Coupe du Monde – J.O.

Pourtant, cette olympiade pourrait à nouveau se révéler particulière. D’abord parce que les Jeux Olympiques se déroulent deux ans après le Mondial, en raison du report de l’événement face à la crise sanitaire. Un décalage dans le temps qui rompt l’enchaînement d’une année sur l’autre entre les deux compétitions, et peut donc participer à proposer une autre issue que celles observées jusqu’à présent.

 

Un titre déjà promis aux États-Unis ?

L’autre statistique à laquelle peuvent se raccrocher les joueuses américaines réside dans le fait qu’elles n’ont jamais laissé échapper la médaille d’or deux fois de suite. Après l’échec à Sydney en 2000, elles ont remporté les trois tournois suivants (2004, 2008, 2012). Qu’en sera-t-il cette année ? Les États-Unis abordent ce tournoi sans avoir perdu de match depuis janvier 2019, soit 44 rencontres consécutives.

Dans ces conditions, difficile pour les États-Unis d’échapper à ce statut, de grandissimes favoris, à l’approche de ce tournoi olympique. Le décalage des Jeux Olympiques d’un an semble d’ailleurs avoir bénéficié à l’équipe américaine, avec une transition prolongée pour Vlatko Andonovski, nommé nouveau sélectionneur depuis l’automne 2019, quelques mois avant les dates initiales des Jeux.

Ce report a également facilité le retour d’Alex Morgan, l’avant-centre star des États-Unis, après la naissance de sa fille en mai 2020. Initialement, c’était un véritable contre-la-montre qui se préparait pour pouvoir arriver en forme dès l’été à Tokyo. Malgré les blessures de Tobin Heath et de Julie Ertz qui ont représenté des alertes ces derniers mois, l’équipe américaine semble désormais au complet, et en pleine possession de ses moyens avant d’aborder le tournoi.

 

La Suède reste incontournable

Le premier tour fournira de premiers éléments, d’autant que les États-Unis vont se mesurer à l’Australie mais aussi la Suède dans le groupe G. L’équipe scandinave avait éliminé les joueuses américaines en quart de finale lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016, avant d’aller chercher la médaille d’argent. Les Suédoises ont également tenu en échec les coéquipières de Megan Rapinoe en avril dernier à Stockholm (1-1), le seul match nul concédé par les États-Unis cette année.

Malgré des absentes de marque, la Suède, reste une équipe incontournable, d’autant que les coéquipières de Caroline Seger ont privé l’Allemagne de Jeux Olympiques, éliminant les championnes olympiques en titre en quart de finale de la Coupe du Monde 2019. Ce résultat avait eu pour conséquence de barrer la route de Tokyo à la Nationalmannschaft.

 

Une stratégie payante pour le Japon ?

Comme pour les États-Unis, ce décalage d’un an pourrait également profiter à d’autres équipes. En faisant le choix de miser sur de nouvelles générations de joueuses, performantes dans les compétitions internationales de jeunes, le Japon propose une sélection à fort potentiel.

Cela se ressent notamment dans la qualité du jeu collectif des Nadeshiko, mais sans toujours disposer de l’expérience nécessaire pour aborder les grands rendez-vous. Un constat qui avait été particulièrement criant lors de la Coupe du Monde 2019, avec notamment un premier match caricatural face à l’Argentine, sans prise de risque de la part des joueuses japonaises, prises par l’enjeu, et conclu sur un match nul (0-0), alors inespéré pour l’Albiceleste.

La sélection d’Asako Takakura compte seulement six joueuses de plus de 25 ans, et seulement quatre avec plus de 50 sélections, dont la capitaine Saki Kumagai et Mana Iwabuchi, leader de l’attaque nippone. À domicile, le Japon sera suivi de près, alors qu’habituellement, ce sont souvent les joueuses japonaises qui se déplacent loin de leurs bases (et notamment aux États-Unis) pour disputer tournois et matches amicaux face aux meilleures équipes mondiales.

Victorieuses lors de leur dernier match amical, le 14 juillet face à l’Australie (1-0, but de Mana Iwabuchi sur penalty), les Japonaises auront fort à faire dès le premier tour face au Canada (médaillé de bronze en 2012 et 2016) et la Grande-Bretagne, sans oublier une accrocheuse équipe du Chili.

 

Une nouvelle médaille pour Pia Sundhage avec le Brésil ?

Du temps pour façonner son équipe, c’est aussi un délai dont a bénéficié Pia Sundhage, nommée à la tête de l’équipe nationale brésilienne après la Coupe du Monde 2019. Les blessures ont régulièrement joué les troubles-fêtes pour la Seleçao ces dernières années, avec parmi les facteurs de risque, des joueuses amenées à multiplier les déplacements d’un continent à l’autre, notamment pour celles qui évoluent à l’étranger.

Hormis l’absence surprise de Cristiane, le Brésil peut s’appuyer sur une sélection en forme et sans pépins physiques apparents. Un effet paradoxal de la crise sanitaire avec des joueuses brésiliennes qui se sont moins déplacées, mais aussi des internationales qui depuis quelques années ont fait leur retour en plus grand nombre dans le championnat brésilien, après des expériences en Europe, aux États-Unis ou en Asie.

Fort de bonnes prestations lors de la dernière SheBelieves Cup, le Brésil peut faire figure de sérieux outsider pour le podium. Un constat renforcé par la présence sur le banc de Pia Sundhage, qui a remporté une médaille olympique comme sélectionneuse lors des trois derniers tournois (en or avec les Etats-Unis [2008 et 2012] et en argent avec la Suède [2016]).

 

Une première et déjà des rêves de titre pour les Pays-Bas

Néanmoins, dans le groupe F (dans lequel on retrouve également la Chine), les yeux seront d’abord braqués vers les Pays-Bas, champions d’Europe et vice-champions du monde en 2019. Une trajectoire ascendante qui pourrait atteindre un nouveau sommet à l’occasion de ces Jeux Olympiques. Ce tournoi va aussi marquer la fin du mandat de Sarina Wiegman, qui a mené la sélection Oranje vers la réussite depuis sa nomination début 2017 au poste de sélectionneuse.

Des Pays-Bas dans la peau d’un favori pour le podium, alors que les coéquipières de Vivianne Miedema s’apprêtent pourtant à disputer leurs premiers Jeux Olympiques, tout comme le Chili ou la Zambie, premier adversaire des Pays-Bas dans le groupe F. Dans ce contexte, le tirage au sort offre un premier tour abordable pour l’équipe néerlandaise, avant de se lancer à la conquête des métaux olympiques.

En amont du tournoi, Sarina Wiegman et la fédération néerlandaise ont été à l’initiative pour que les sélections retenues en vue des Jeux passent cette année de 18 à 22 joueuses, en incluant les joueuses réservistes dans la sélection. Accordée par le CIO, cette requête va permettre à Sarina Wiegman d’avoir plus de « flexibilité » et « d’agilité » deux maître-mots et des qualités qui pourraient se révéler décisives selon elle, pour aller loin dans ce tournoi.

Des ressorts qu’elle va devoir mettre dès maintenant en action avec la blessure, lundi, de Sherida Spitse. La milieu de terrain néerlandaise est désormais forfait pour le tournoi (remplacée par Joëlle Smits), un vrai coup dur pour les Oranje alors qu’elle est l’une des cadres de la sélection néerlandaise, et souvent indispensable au milieu de terrain.

 

Un nouveau podium pour le Canada ?

Si les résultats de la dernière Coupe du Monde peuvent servir de base pour établir une hiérarchie avant ces Jeux, une équipe a appris à rebondir après un Mondial décevant. Il s’agit du Canada, médaillé de bronze lors des deux dernières olympiades, et qui se rend au Japon après avoir été sorti dès les huitièmes de finale de la dernière Coupe du Monde.

En 2012, les Nord-Américaines s'étaient présentées à Londres après un zéro pointé l’année précédente au Mondial en Allemagne. Aux Jeux, le scénario se révèle différent puisque le Canada décroche le bronze (devant l’équipe de France), après avoir fait trembler les États-Unis en demi-finale, lors de l’un des matches les plus mémorables de l’histoire des Jeux (victoire 4-3 des États-Unis après prolongation).

Il y a 4 ans, le Canada avait de nouveau tiré son épingle du jeu, avant de s’écrouler en demi-finale face à l’Allemagne. Les coéquipières de Christine Sinclair s’étaient pourtant ressaisies pour aller chercher le bronze face au pays organisateur, le Brésil. Les Canadiennes peuvent-elles rééditer une telle performance ? Comme en 2016, elles évolueront dans un groupe relevé, avec une entrée en matière face au pays hôte, le Japon.

 

Le puzzle britannique

Un groupe E, dans lequel la Grande-Bretagne fait figure de point d’interrogation. Si l’effectif réuni par Hege Riise est pétri de talents (malgré quelques absentes), il est rare de voir évoluer une sélection britannique, habituellement découpé par pays (Angleterre, Écosse, Irlande du Nord et Pays de Galles).

Sur les 22 joueuses retenues, on compte 19 joueuses anglaises, une capitaine écossaise (Kim Little) et une vice-capitaine galloise (Sophie Ingle). Avec la milieu de terrain écossaise de Manchester City, Caroline Weir, les trois joueuses représentent les autres pays du Royaume-Uni, alors que l’Irlande du Nord, récemment qualifiée pour l’Euro 2022, ne compte pas de représentante dans cette sélection.

La Grande-Bretagne va disputer son deuxième tournoi après les Jeux Olympiques de Londres en 2012, mais les joueuses retenues ont aussi l’habitude de jouer ensemble. Kim Little évolue à Arsenal, Sophie Ingle à Chelsea, et Caroline Weir à Manchester City, trois clubs dans lesquels l’on retrouve vingt des vingt-deux joueuses sélectionnées par Hege Riise pour ce tournoi.

 

Des doutes à dissiper

Des automatismes certes, mais aussi des résultats en berne depuis la Coupe du Monde 2019. L’Angleterre ne semble pas totalement remise du Mondial, avec le titre en tête pour finalement s’arrêter en demi-finale face aux États-Unis. L’Écosse et le Pays de Galles semblaient bien partis pour se qualifier pour l’Euro 2022 en Angleterre, pour finalement s’effacer dès les éliminatoires.

Un contexte qui place l’équipe britannique entre deux eaux, avec également une interrogation sur l’apport d’Hege Riise. Championne olympique avec la Norvège en 2000 en tant que joueuse et technicienne déjà respectée, elle assure l’intérim après le départ précipité de Phil Neville en janvier dernier. Une expérience précieuse à transmettre à ses joueuses, et qu’Hege Riise a déjà mobilisé pour s’adresser à elles, n’hésitant pas à leur montrer sa médaille d’or obtenue à Sydney et ainsi matérialiser l’objectif à atteindre à Tokyo.

 

Des enseignements dès le premier tour ?

Le panorama qui se dessine donc en amont de ce tournoi olympique, est celle d’une équipe des États-Unis favorite alors que nombre d’équipes semblent en mesure de viser légitimement une place sur le podium. Le format des Jeux avec la possibilité de voir trois équipes d’un même groupe se qualifier pour les quarts de finale peut également influer sur l’issue du tournoi.

En 2016, les deux finalistes (Allemagne et Suède) avaient connu des difficultés au premier tour, avant de se frayer un chemin jusqu’au sommet. Les ajustements tactiques avaient notamment été payants pour la Suède, coachée à l'époque par Pia Sundhage et devenue hermétique à partir des quarts. Cette « flexibilité », évoquée plus haut par Sarina Wiegman, peut alors s’avérer une force, capable de bousculer une hiérarchie qui semblait figée...

 

Photo: Getty Images

 

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Hichem Djemai