Les joueuses canadiennes ont conquis hier leur premier titre olympique, s’imposant en finale face à la Suède au terme d’une rencontre décidée aux tirs au but. Parvenu jusqu’au sommet, quels ingrédients ont permis au Canada de tirer son épingle du jeu dans ce tournoi ? Éléments d’explications...

 

Le Canada est devenu la quatrième équipe à décrocher le titre olympique dans le tournoi féminin de football, rejoignant les États-Unis, la Norvège et l’Allemagne. Ces trois équipes avaient en commun d’avoir remporté préalablement le titre en Coupe du Monde, à l’inverse du Canada, qui remporte au Japon son premier titre majeur.

 

Championnes à l’export

Cette médaille d’or rappelle aussi que le Canada est l’une des places fortes du football féminin dans le monde. Dans un rapport publié en 2019, la FIFA indiquait que le Canada était le pays comptant le deuxième plus grand nombre de joueuses licenciées derrière les États-Unis. Plus de 290.000 joueuses sont enregistrées au Canada, soit plus du double de la France (157.000, fin 2019), pour un pays qui compte seulement 38 millions d’habitants (contre 67 millions en France).

Malgré cette popularité, le football féminin canadien reste satellisé par le voisin étasunien. Pas de championnat professionnel au Canada, ni pour le moment de franchise affiliée à la NWSL, un schéma qui existe dans les ligues majeures nord-américaines, avec des équipes canadiennes qui se rattachent au championnat existant aux États-Unis. C’est le cas par exemple en Major League Soccer, le championnat masculin de football, avec des clubs basés à Toronto, Vancouver ou Montréal qui y participent.

Aujourd’hui, aucune des joueuses canadiennes sélectionnées pour ce tournoi olympique n’évolue actuellement dans un club canadien. On les retrouve aux États-Unis, en NWSL ou dans le championnat universitaire, mais aussi en Europe, et notamment en D1.

Un aspect souligné par Christine Sinclair, l’emblématique capitaine du Canada en conférence de presse après la finale. Elle a, plus globalement, estimé « qu’il était temps pour le Canada intensifier ses efforts » pour développer et « investir » dans la discipline, ajoutant « si une médaille d’or ou trois médailles olympiques [consécutives] ne produisent pas cet effet, rien ne le pourra ».

 

La magie des Jeux

Le Canada a en effet réservé ses meilleures performances pour les Jeux Olympiques, suivant à chaque fois des parcours décevants en Coupe du Monde. Zéro pointé en 2011, un quart de finale à domicile en 2015 et enfin un huitième de finale il y a deux ans en France. À chaque fois, ces déconvenues ont été suivies par des médailles olympiques. Le bronze en 2012 et 2016, et la consécration cette année à Tokyo.

Christine Sinclair et Desiree Scott incarnent cette réussite sur la durée de l’équipe canadienne et sa capacité à rebondir. Un duo auquel il faut ajouter Sophie Schmidt, qui a également pris part à ces trois campagnes olympiques couronnées de médailles. Trois joueuses à la longévité remarquable, notamment pour Christine Sinclair, qui est devenue à 38 ans, la quatrième joueuse au monde à passer le cap des 300 sélections. Pour rappel, elle détient également le record mondial du nombre de buts inscrits en sélection nationale avec 187 réalisations depuis le début de sa carrière.

Parmi les qualités affichées par le Canada, une solidité défensive qui lui a permis de progresser dans le tournoi. Bien organisées, avec des joueuses habituées à évoluer ensemble et prêtes sur le plan athlétique, les joueuses canadiennes n’ont encaissé que quatre buts dans ce tournoi, dont un seul à partir des quarts, celui inscrit par Stina Blackstenius en finale pour la Suède.

 

Quand Vanessa Gilles crève l’écran

Cette force a été consolidée en cours de tournoi par Bev Priestman, en choisissant de remplacer Shelina Zadorsky par Vanessa Gilles aux côtés de Kadeisha Buchanan. Habituelle titulaire en défense centrale, Zadorsky s’est montrée en difficulté sur les deux premiers matches, impliquée sur les deux buts encaissés par le Canada face au Japon et au Chili. Zadorsky a ensuite été remplacée par Vanessa Gilles pour le troisième match face à la Grande-Bretagne.

Ce choix de Bev Priestman est intervenu alors que la première sélection de Vanessa Gilles ne remonte qu’au mois de novembre 2019, soit après la dernière Coupe du Monde, et qu’elle n’avait que six matches internationaux dans les jambes avant d’arriver au Japon. Pourtant, le déclic avait peut-être eu lieu le 19 février dernier, lorsque Vanessa Gilles prend part à la SheBelieves Cup, réalisant une prestation remarquée face aux États-Unis, malgré la courte défaite (1-0) du Canada.

La défenseure des Girondines de Bordeaux a pris sa part dans le succès canadien cet été au Japon, et son association avec Kadeisha Buchanan s’est révélée l’un des points forts du Canada sur les matches à élimination directe, sans oublier la présence et la vigilance de Desiree Scott à l’ouvrage devant la défense.

 

Le choix de la prudence

L’équipe canadienne est parvenue à museler ses adversaires, qui n’ont jamais inscrit plus d’un but par match, une qualité qui va avec une moindre force sur le plan offensif, le Canada n’ayant marqué que six buts dans ce tournoi. C’est moitié moins que la Suède (14 buts), adversaire des Canadiennes en finale.

Sur les matches à élimination directe, les deux buts canadiens ont été inscrits par Jessie Fleming sur penalty, à chaque fois contre le cours du jeu, face aux États-Unis et en finale face à la Suède. Avec une Christine Sinclair positionnée un cran plus bas dans l’axe, souvent à la même hauteur que Jessie Fleming au milieu de terrain, l’équipe canadienne a affiché un visage prudent sur le plan offensif, une stratégie finalement payante pour progresser dans ce tournoi.

 

Le bon moment pour Bev Priestman

Pour Bev Priestman, la réussite est d’ailleurs totale, alors que la technicienne anglaise a été nommée en novembre dernier à la tête de l’équipe canadienne. À 35 ans, elle devient aujourd’hui la plus jeune sélectionneuse à remporter la médaille d’or olympique. Un succès éclatant, en partie entraîné par le report des Jeux de 2020 à 2021. Cette décision, liée au contexte sanitaire, a participé à bousculer les plans, puisque c’est Kenneth Heiner-Møller qui devait en théorie diriger l’équipe canadienne aux Jeux de Tokyo.

Pourtant, à l’été 2020, alors que les J.O viennent d’être repoussés d’un an, Heiner-Møller se voit offrir un poste au sein de la fédération danoise, son pays natal, et choisit alors de quitter les fonctions qu’il occupe sur le banc canadien. De son côté, Bev Priestman était alors adjointe de Phil Neville dans le staff de la sélection anglaise, et venait donc d’atteindre les demi-finales du Mondial 2019 avec les Lionesses.

Sa nomination en novembre 2020 lui offre un retour au Canada, alors qu’elle avait déjà été en charge de sélections nationales de jeunes, mais également adjointe de John Herdman sur le banc canadien. Dans ce rôle, elle avait notamment participé aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, avec une médaille de bronze à la clé.

Sans bouleverser les équilibres de l’équipe en amont du tournoi, ses choix ont surtout permis de maintenir le niveau de son équipe pendant 90 ou 120 minutes lors des différents matches, avec notamment des joueuses comme Deanne Rose, Julia Grosso ou Adrianna Leon qui se sont illustrées dans ce tournoi lorsqu’elles sont sorties du banc.

 

Le dernier mot pour Stephanie Labbé

Une équipe canadienne au point sur le plan athlétique, une force que l’on retrouve chez l’autre finaliste de ce tournoi olympique, la Suède, peut-être l’équipe la plus séduisante de ce tournoi malgré sa défaite en finale. En effet, la victoire finale du Canada tient également à la performance de Stephanie Labbé, sortie victorieuse de deux séances de tirs au but dans ce tournoi olympique, face au Brésil et au Canada, après avoir stoppé un premier penalty en phase de groupes face au Japon.

Lors des deux séances, le Canada est passé proche de l’élimination, mais Labbé a participé à faire basculer les rencontres en faveur de son équipe. Sur sa ligne, la gardienne canadienne affichait un grand sourire adressé à ses adversaires, multipliant les mouvements, se déplaçant latéralement et agitant ses bras. Une stratégie qui a probablement participé à déstabiliser certaines des frappeuses face à elle, et conduit Stephanie Labbé à être l’une des joueuses-clés dans le triomphe canadien lors de ces Jeux au Japon.

Avec cette médaille d’or olympique, le Canada devient la cinquième équipe à remporter un trophée majeur (Coupe du Monde et J.O), un cercle très fermé, qui inclut deux sélections nord-américaines, le Canada et les États-Unis, soit les deux équipes qui encadrent la Suède (médaillée d’argent) au palmarès de ce tournoi olympique de Tokyo.

 

Photo : FIFA

 

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Hichem Djemai