Pour la 5e fois en 8 Coupes du Monde, les États-Unis seront présents en finale, un rendez-vous prévu ce dimanche (17h) au Parc OL face au Pays-Bas. Une habitude de ces grands rendez-vous qui participe à faire des joueuses américaines les favorites de cette finale, avec la possibilité de conserver leur titre acquis en 2015.

 

Cela semble parfois une évidence. Hier, lors de la conférence de presse d’avant-match, un journaliste interrogeait Megan Rapinoe et Jill Ellis sur la « formule secrète » de la sélection des États-Unis pour rester en avance sur le reste du monde. Dans leur réponse, la capitaine et la sélectionneuse américaines se sont montrées plus nuancées estimant que l’écart se réduisait de plus en plus, en particulier avec l’Europe.

 

Des trophées et des records à la pelle

Pourtant, avant cette finale, les États-Unis continuent d’apparaître comme la référence internationale, en tête des palmarès aussi bien pour les Jeux Olympiques (4 titres) que pour la Coupe du Monde (3), une avance qui pourrait s’accentuer en cas de victoire ce dimanche à Lyon face aux Pays-Bas.

 

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Les chiffres sont nombreux pour illustrer ce constat, les États-Unis ont battu cette année le record du nombre de victoires consécutives en Coupe du Monde (11 contre 10 auparavant). Les joueuses de Jill Ellis pourraient également battre le record du nombre de buts inscrits dans un seul Mondial (25, elles en comptent 24 avant la finale), après avoir signé la victoire la plus large de l’histoire en Coupe du Monde face à la Thaïlande (13-0) au premier tour.

 

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L’équipe américaine n’a jamais fait moins bien que demi-finaliste et s’apprête aujourd’hui à disputer sa 5e finale en 8 éditions, la troisième consécutive. Pourtant cette domination outrageuse, intervient à un moment où la hiérarchie est de plus en plus contestée. Les Pays-Bas en sont un bon exemple, l’Espagne également, parvenue à donner du fil à retordre aux États-Unis en 1/8e de finale.

 

Une Coupe du Monde plus difficile à gagner ?

C’est d’ailleurs un argument utilisé à loisir par l’équipe américaine, de cette adversité que les États-Unis ont dû surmonter dans ce Mondial, avec notamment les deux derniers matches face à la France et l’Angleterre. Une manière de dire que pour gagner une Coupe du Monde, la tâche est de plus en plus ardue, et que les joueuses américaines sont les meilleures à ce jeu-là.

Parmi les signes de cet écart qui se réduit, la tendance des États-Unis sur le terrain à vouloir conserver le score une fois l’avantage acquis. Défense à cinq en fin de match, gain de temps, des manières de faire qui ont surpris, provoquant notamment les critiques d’Hope Solo dans les colonnes du Guardian. L’ex-gardienne de la sélection US espère d’ailleurs ne pas voir ce genre de séquences en finale face aux Pays-Bas.

Après l’échec des Jeux Olympiques de Rio, une victoire en Coupe du Monde serait autant un rebond spectaculaire qu’une confirmation, Jill Ellis et ses joueuses ayant la possibilité de réaliser le doublé après avoir remporté la Coupe du Monde en 2015 au Canada. C’est aussi la confirmation de l’importance du ‘’modèle américain’’ dans la réussite de l’équipe des États-Unis.

 

Un mode de fonctionnement à part

Un modèle fondé sur le fait que les internationales sont salariées de la fédération des États-Unis (USSF). Cela les met en premier lieu à la disposition de l’équipe nationale, et non de leurs clubs comme c’est le cas le plus souvent en Europe. Avec ce système, les joueuses étasuniennes ont pu préparer la Coupe du Monde pendant de longues semaines au cours du premier semestre 2019, ce qui explique notamment cette montée en puissance observée avant et pendant le tournoi.

April Heinrichs connaît bien ce modèle pour avoir été capitaine des championnes du monde américaines de 1991 lors du premier Mondial de la FIFA, avait d’entraîner ces mêmes États-Unis au début des années 2000, remportant les J.O 2004 à Athènes. Elle est aujourd’hui directrice technique chargée du football féminin au sein de la fédération américaine (USSF).

Elle nous expliquait que si ce modèle rend le football féminin très « dépendant » de la fédération, il avait permis de structurer avec la discipline dans un pays « très grand », et avec une population « très importante ». Selon elle, c’est ce système qui permet aux États-Unis de continuer à faire partie « du top 4 mondial ». À l’inverse, elle estime que copier le modèle européen, centré sur les clubs amènerait les États-Unis à « chuter très rapidement » dans la hiérarchie.

 

Une parole plus libre

Pourtant, le leadership des joueuses américaines ne se ressent pas uniquement sur le terrain. La liberté de ton d’une Megan Rapinoe, sa capacité à jongler entre les sujets ou ne pas avoir peur d’épingler la FIFA ou son propre président en conférence de presse d’avant-match sont des signes que les joueuses américaines ont dépassé le stade de simples sportives de premier plan.

Un franc-parler parfois désarmant dans un monde du football où la politique et les questions de société sont souvent écartées des prises de parole publiques. Absente pour blessure face à l’Angleterre, Rapinoe devrait également fait son retour en finale face aux Pays-Bas, dans un tournoi où elle semble déjà avoir laissé son empreinte.

 

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Au sommet de la hiérarchie, les joueuses américaines suscitent à la fois admiration, y compris au sein des sélections présentes au Mondial, mais aussi un procès en « arrogance ». Des critiques qui avaient atteint leur paroxysme avant la demi-finale face à l’Angleterre, illustrée par l’affaire de la ''visite'' du staff étasunien dans l’hôtel des Lionesses anglaises.

 

Un statut de championnes à défendre

Des traits qui renvoient d’une certaine manière à la définition d’une championne, bardée de trophées, capables de se montrer décisive dans les moments-clés des grands tournois. C’est également être l’incarnation de son sport, non pas en étant ce que l’on attend de nous, mais au contraire d’être encore plus « authentique » comme nous l’expliquait Mia Hamm, icône absolue du football féminin américain.

En un sens, cette « confiance indéfectible en nous-même » dont parlait Megan Rapinoe en conférence de presse à propos de l’équipe américaine sur le terrain, peut aussi être un moteur en dehors des pelouses. Dans cette perspective, Megan Rapinoe estimait en conférence de presse que « toutes les joueuses [quelque soit leur pays] sont dans la même équipe » et « qu’elles font toutes partie d’un incroyable mouvement » que constituerait le football féminin.

Pourtant, avant de pouvoir snober l’invitation de Donald Trump à la Mason Blanche, les joueuses de Jill Ellis ont une finale à gagner et à titre à conserver. Ce sera la première fois depuis la Coupe du Monde 1991 que les États-Unis rencontreront une équipe européenne en finale. À l’époque les coéquipières de Michelle Akers avaient remporté le titre face à la Norvège, alors que – comme cette année – les deux autres demi-finalistes (Allemagne et Suède) étaient également des équipes européennes.

 

Photo: Getty Images / FIFA

Hichem Djemai