24 millions de dollars (21,2 millions d'euros), c’est le montant qui va être versé par la fédération étasunienne de football (USSF) pour mettre fin à l’action en justice de 28 internationales américaines, lancée en 2019 pour réclamer « l’égalité salariale » (equal pay) et dénoncer les « discriminations » envers les sélections féminines. L’accord a été annoncé ce mardi, salué aussi bien par les joueuses que par l’USSF...

 

C’est la fin d’une action en justice initiée, il y a maintenant près de trois ans par 28 internationales américaines contre leur fédération (USSF). La plainte avait été symboliquement déposée le 8 mars 2019, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

 

Equal pay

Les joueuses américaines avaient alors un slogan simple mais terriblement efficace, la revendication de l’ « equal pay » (salaire égal), et ainsi obtenir que l’équipe nationale féminine dispose des mêmes revenus que l’équipe masculine américaine. La suite de cette affaire avait également dévoilé la complexité de cette demande, avec des structures de rémunération différentes entre les sélections masculines et féminines. Loin de ces considérations, les joueuses ont largement gagné le soutien du public.

Une popularité consolidée avec leur victoire en France lors de la Coupe du Monde à l’été 2019. Pour mémoire, les supporters américains avaient repris ce slogan « equal pay » pour accueillir Gianni Infantino. Le président de la FIFA avait été ainsi « chahuté » au moment où celui-ci s’apprêtait à remettre le trophée de la Coupe du Monde aux joueuses américaines, le 7 juillet 2019 sur la pelouse du Parc OL.

Une mise en cause, alors que la FIFA est également perçue comme responsable de cette situation, jugée « discriminatoire » par les internationales américaines impliquées dans cette action en justice. Néanmoins, c’est bien leur fédération qu’elles ont attaquée devant les tribunaux américains. Malgré le soutien populaire, les championnes du monde américaines avaient aussi connu un revers sur le plan judiciaire.

 

Une bataille judiciaire qui restait incertaine

Le 1er mai 2020, Robert Gary Klausner, un juge californien, avait rejeté l’essentiel des demandes formulées par les 28 internationales américaines, estimant qu’il n’était pas possible de comparer la situation des sélections masculine et féminine. Robert Gary Klausner avait notamment repris l’argument de l’USSF consistant à souligner que les règles concernant les revenus versés aux deux sélections étaient régies par des accords collectifs (CBA) différents. Selon lui, ce constat initial ne permettait pas d’établir une situation claire de discrimination entre les deux sélections.

Parmi les éléments spécifiques au statut des joueuses internationales américaines, le fait d’être payées directement par leur fédération. Aujourd’hui, 16 joueuses américaines reçoivent un salaire de 100.000 dollars annuels (88.300 euros) payés par l’USSF, et sont donc salariées de l’équipe nationale, et non de leurs clubs. Un noyau dur d’internationales qui cohabitent avec d’autres joueuses, sous contrat en club, et indemnisées lors de leur participation aux rassemblements en équipe nationale.

Si les joueuses, via leurs représentantes et avocats, avaient fait appel de cette décision du juge Klausner, cela avait aussi affaibli leur démarche, avec le risque réel de voir leurs demandes rejetées par les tribunaux. Un accord partiel avait malgré tout été obtenu fin 2020 concernant les conditions de voyage, l'hébergement, l'encadrement des équipes nationales ainsi que sur les conditions de jeu (notamment le choix des surfaces de jeu, en limitant le recours aux terrains synthétiques).

 

22 millions d’indemnités pour les joueuses

C’est désormais sur le cœur du dossier qu’un accord a été trouvé entre l’USSF et les internationales américaines. Une somme de 24 millions de dollars (21,2 millions d'euros) va être versée par la fédération pour obtenir la fin de l’action en justice menée par les joueuses. Cette somme inclut notamment 22 millions de dollars (19,4 millions d'euros) qui seront versés directement aux joueuses. Les deux millions restants ont vocation à aider les internationales concernées dans leur projet post-carrière ou pour contribuer à des actions favorisant le développement du football féminin (jusqu’à 50.000 dollars [44.100 euros] par projet).

Cette somme de 22 millions de dollars versée aux joueuses est à la fois astronomique, mais ne représente dans le même temps que le tiers des sommes qui avaient été demandées dans leur plainte, évaluant le préjudice à 66,7 millions de dollars (58,9 millions d'euros). Le versement de ces sommes est désormais conditionné à la rédaction d’un nouvel accord collectif (CBA) entre la fédération et les joueuses de l’équipe nationale, et qui reste aujourd’hui à rédiger.

Ce compromis constitue malgré tout un pas en avant, salué aussi bien du côté de la fédération que des joueuses. Interrogée sur la chaîne ABC, Megan Rapinoe évoquait « un jour vraiment exceptionnel », au cours duquel « le football [soccer] aux États-Unis avait changé en mieux ». Alex Morgan a également évoqué « un jour historique [pour les footballeuses américaines] », Crystal Dunn estimant que l’accord trouvé était à la hauteur du combat mené.

La fédération américaine s'est également engagée à établir un même taux (rate) pour définir les primes et rémunérations versées aux sélections masculine et féminine à l'occasion des matches amicaux, et des tournois, en incluant la Coupe du Monde. Un principe qui reste à retranscrire dans le détail.

 

Cindy Cone, une présidente des deux côtés de la barrière

Du côté de la fédération, le ton est également réjoui. Cet accord est aussi une victoire pour sa présidente Cindy Cone, arrivée à la tête de la fédération en mars 2020 en remplacement de Carlos Cordeiro. Ce dernier avait été poussé vers la sortie, en raison de la stratégie incendiaire adoptée par les avocats de l’USSF, face à l’action en justice des internationales américaines.

Cindy (Parlow) Cone n’est pas uniquement l’actuelle présidente de la fédération américaine. Elle fait aussi partie de la génération de 99ers, championne du monde à domicile en 1999, et double-championne olympique avec les États-Unis en 1996 et 2004. Un temps entraîneure, et proche de l’iconique, et ancienne coéquipière, Mia Hamm, Cindy Cone peut aujourd’hui ajouter cet accord à son palmarès, alors qu’elle brigue un deuxième mandat à la tête de la fédération.

Cet accord intervient également quelques semaines après celui établi en NWSL, le championnat américain. Un texte qui relève notamment le salaire minimum annuel à 35.000 dollars (30.900 euros ; contre 22.000 dollars [19.400 euros] auparavant). Cet effort salarial a notamment été consenti, alors que les joueuses avaient dénoncé le décalage entre une ligue présentée comme professionnelle, et une partie des joueuses de NWSL qui devaient occuper d’autres emplois en parallèle pour subvenir à leurs besoins.

Ces différentes annonces interviennent alors que le football féminin fait sa rentrée aux États-Unis, entre la SheBelieves Cup qui se déroule actuellement au Texas et en Californie, et une saison qui débutera le 18 mars prochain avec le début de la NWSL Challenge Cup.

 

Photo : Elsa / Getty Images

Hichem Djemai