Quelques jours après sa mort, le 6 septembre dernier, l'histoire de Sahar Khodayari a fait le tour du monde via les réseaux sociaux. La jeune femme s'est donné la mort, alors qu'elle risquait six mois à deux ans de prison pour être entrée dans un stade à Iran.

 

Sauf exception rare, les matches de football masculin en Iran ne sont pas accessibles aux spectatrices iraniennes (des règles mois restrictives existent pour les spectatrices étrangères) alors que les rencontres de l'équipe nationale féminine se jouent uniquement devant un public féminin.

 

La mort plutôt que la prison

Sahar Khodayari avait été arrêtée le 12 mars dernier alors qu'elle aurait cherché à rentrer dans le stade Azadi de Téhéran pour assister à un match de l'Esteghal en Ligue des Champions asiatique, club dont elle est supportrice. Elle aurait ensuite été détenue trois jours avant d'être relâchée sous caution dans l'attente de son procès.

Récemment convoquée devant un juge, elle aurait alors entendue une conversation laissant entendre qu'elle pourrait subir une peine de 6 mois à 2 ans de prison en cas de condamnation. C'est ce risque qui l'aurait poussé à l'acte, en s'immolant par le feu devant le bâtiment du tribunal.

Après plusieurs jours à l'hôpital, elle serait ensuite décédée le 6 septembre des suites de ses brûlures. Sahar Khodayari était supportrice de l'Esteghlal de Téhéran, d'où son surnom de Blue Girl (La fille en bleu) en référence aux couleurs de son équipe favorite, des couleurs qu'elle portait visiblement au moment de son arrestation. L'Esteghlal a d'ailleurs adressé un message de condoléances à la famille de la jeune femme.

 

Une démarche loin d'être isolée

Son geste n'était pas isolée. Depuis plusieurs années, des groupes de femmes en Iran n'hésitent pas à braver l'interdit et tentent de s'introduire de manière dissimulée dans les stades, n'hésitant pas à porter barbes et déguisements pour tromper les services de sécurité. Si ces démarches ne sont pas toujours couronnées de succès, elles ont notamment été immortalisées et relayées grâce à des photos rendues célèbres, comme celles de la photographe Forough Alaei, primée pour ses clichés sur le sujet.

L'Iran subit aujourd'hui une pression de plus en forte à ce sujet, avec des activistes dans le pays dont les initiatives connaissent un écho de plus en plus fort hors des frontières iraniennes. La FIFA a également été régulièrement interpellée à ce sujet, en particulier au moment de la Coupe du Monde masculine 2018 en Russie, un tournoi pour lequel l'Iran était qualifié. Des femmes iraniennes avaient alors assisté aux rencontres, contournant l'interdit en vigueur dans leur pays.

Cette mise en lumière avait notamment abouti à ce que quelques matches soient symboliquement rendus accessibles avec des tribunes spécifiques prévues pour les spectatrices. Ce fut notamment le cas à l'automne 2018 pour un match amical entre l'Iran et la Bolivie ou la finale retour de la Ligue des Champions asiatique entre Persepolis et le club japonais de Kashima Antlers. Quelques centaines de femmes avaient pu y assister, sur les 100 000 spectateurs présents dans l'imposant Stade Azadi de Téhéran.

 

Du changement en vue ?

Ces deux matches n'ont pour le moment pas entraîné un changement plus profond dans les règles en vigueur dans le pays. Pourtant, le 18 août dernier, quelques jours seulement avant la mort de Sahar Khodayari, le ministre des sports iranien Jamshid Taghizadeh avait annoncé que des femmes pourraient accéder au stade Azadi à l'occasion du match de l'Iran face au Cambodge, en octobre prochain dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du Monde masculine 2022. Une première qui répond à un ultimatum de la FIFA et censée être suivie par une ouverture progressive des matches aux femmes iraniennes.

La mort de Sahar Khodayari aura-t-elle un impact sur ce processus ? Dans l'immédiat, elle a entraîné un certain nombre de réactions dont celles de plusieurs internationales suédoises qui avaient rencontré l'équipe nationale iranienne il y a quelques années en match amical.  

En Iran, on peut également citer celle du capitaine de l'équipe nationale masculine, Masoud Shojaei, qui a notamment estimé, via un message-live sur Instagram, que « les générations futures ne comprendront pas [en apprenant] que les femmes étaient empêchées d'entrer dans des enceintes sportives à notre époque ». Le capitaine iranien avait déjà pris position à ce sujet par le passé estimant qu'une fois l'interdiction levée il faudrait construire un stade de 200.000 places [le double de la capacité actuelle du stade Azadi] pour pouvoir contenir « la passion des supportrices » iraniennes.

 

Photo: GOLFARAHANI / Instagram

Hichem Djemai