Capitaine depuis ses 23 ans avec les Bleues, la Lyonnaise Wendie Renard joue également au même poste que la nouvelle sélectionneure de l'équipe de France A, Corinne Diacre. Une joueuse et une sélectionneure, deux défenseures, qui se sont connues sous l'ère Bruno Bini. On évoque de ces moments là, de son expérience acquise en club, en sélection et de la prochaine échéance qui attend les Bleues, la Coupe du Monde 2019. Rencontre.

 

Corinne Diacre a déjà été l'adjointe de Bruno Bini lorsque ce dernier était sélectionneur de l'équipe de France (2007-2013). Tu l'as donc bien connue. Quels souvenir gardes-tu de ces moments-là, et du fait de la retrouver aujourd'hui à Clairefontaine ?

Déjà sous l'ère Bruno Bini on voyait une fille qui était déterminée je dirais dans ce choix d'entraîner, qui prenait beaucoup le relais par rapport au coach. Elle faisait aussi beaucoup les séances et elle était très pointue. On sentait déjà qu'il y avait du caractère derrière cette joueuse et cette femme.

 

En équipe de France elle jouait au même poste que toi. Elle s'occupait aussi beaucoup de l'aspect défensif lorsqu'elle était l'adjointe de Bini. Quelles consignes vous donnait-elle pendant les stages de l'équipe de France ?

Je n'ai pas eu la chance de jouer avec elle ou même de la voir jouer mais c'était une grande joueuse. Certaines de mes coéquipières qui ont joué avec elle m'en ont beaucoup parlé. Défensivement c'est quelqu'un qui essaie d'être bien carrée, que ça coulisse bien. Déjà à l'époque on faisait des exercices basés sur ça pour travailler collectivement. Mais maintenant on va la découvrir au fur et à mesure car à l'époque elle n'était qu'adjointe. Aujourd'hui c'est elle la sélectionneuse et on va apprendre à se connaître.

 

« On a toujours des responsabilités, que l’on soit capitaine ou non. »

 

Plus précisément est-ce qu'elle te donnait plus de conseils vu qu'elle était défenseure comme toi ?

Oui bien sûr, notamment sur les placements, pour « coulisser ». Elle a été une grande joueuse comme je l'ai dit et elle a joué au même poste que moi donc je vais prendre un maximum de conseils d'elle.

 

Autre détail tu as été capitaine des bleues au même âge qu'elle (23 ans, ndlr). Est-ce que le capitanat ça te donne une responsabilité en plus ?

Quand on est appelée en équipe de France, on a toujours des responsabilités, que l'on soit capitaine ou non. Mais en tant que capitaine on a beaucoup plus de responsabilités mais après c'est un groupe, un collectif. Ce n'est pas la capitaine qui fait que tout à coup tout va se décanter, qu'on va gagner les matches. C'est un groupe, un état d'esprit, une force collective qui est sur le terrain.

 

Aujourd'hui on voit que dans les équipes qui gagnent, les Pays-Bas par exemple, il y a des anciennes joueuses internationales à leur tête. Est-ce que toi tu trouves que c'est important d'avoir comme sélectionneuse une joueuse qui est déjà passée par le terrain ?

Important, je ne dirais pas ça. Après c'est vrai que quand on connaît le milieu, qu'on a été une joueuse à avoir porté sa pierre à l'édifice, je trouve ça intéressant. Aujourd'hui le football féminin en a besoin, pour son développement, pour sa structuration. Quand des anciennes joueuses se décident à passer les diplômes et de bosser dedans, ça montre aussi qu'elles veulent rendre au football ce qu'elles y ont appris, notamment pour les plus jeunes.

On a encore une marge de progression en termes de développement, surtout chez les plus jeunes donc on a envie d'apporter ça aux jeunes. C'est sûr que de voir des joueuses, en plus des grandes joueuses, arriver à la tête de sélections c'est aussi une fierté et derrière tout ça il y a beaucoup de travail. Tout revient à elles en fait. Parce qu'elles savaient dès le départ ce qu'elles voulaient et aujourd'hui elles ont fait les efforts pour en arriver-là. Que ce soit aujourd'hui la coach des Pays-Bas Sarina Wiegman ou d'autres, je leur dis félicitations.

 

Est-ce que vous, sur le terrain, vous pensez que ça peut vous apporter quelque chose de plus ?

Oui ça peut. Après il n'y a que le travail et les résultats qui vont nous le dire. Aujourd'hui on n'en est qu'à deux entraînements avec Corinne Diacre, le chemin ne fait que commencer. On va apprendre à se connaître, il y a des jeunes qui ont intégré le groupe, on va se connaître et voir aussi les attentes du coach. On sait qu'elles vont être forcément énormes parce qu'on est en équipe de France et qu'on se doit d'être au plus haut niveau.

 

« C'est frustrant de ne pas pouvoir soulever un trophée pour son pays. »

 

L'arrivée de Diacre renvoie également à une époque où l'équipe de France avait de meilleurs résultats, lorsqu'elle était adjointe. Est-ce qu'au vu de vos derniers résultats décevants il y a une certaine nostalgie ?

Non je ne dirais pas ça. Après d'une saison à une autre ça change. Aujourd'hui le football féminin a beaucoup évolué et les équipes sont beaucoup plus structurées, physiquement elles travaillent beaucoup plus. Et au niveau des sélections il n'y a plus de « petites nations ». Je le savais déjà et l'Euro 2017 me l'a confirmé. Quand on voit que les Pays-Bas et le Danemark sont arrivés en finale alors qu'on attendait l'Allemagne ou je ne sais plus qui en finale...Il ne faut négliger personne, il faut bosser et c'est comme ça qu'on va réussir à aller de l'avant. Il ne faut pas se voir trop belles, pour l'instant on a zéro titre. Il faut repartir, d'abord en club, parce que ça passe aussi par là. La sélection ce n'est qu'une fois par mois et ça ne dure que dix jours. C'est une rigueur à avoir tout le long d'une saison et pas seulement sur une sélection ou une compétition.

 

Est-ce qu'il n'y a pas une certaine frustration...

(Elle coupe) Oui je suis une compétitrice, je n'aime pas perdre. Quand je commence une compétition je ne me dis pas « je veux m'arrêter en quarts de finale ou en demi-finales » ou « Je veux perdre en phases de poules ». Ca m'énerve de perdre. Même quand je bosse à l'entraînement je veux gagner. Quand je joue un petit « taureau » à l'entraînement et que je loupe une passe, je suis énervée. J'ai ça en moi. Ca arrive de rater des passes, on n'est pas des robots. Mais au moins dans l'envie, dans le comportement je suis là. Je suis une compétitrice et c'est frustrant de ne pas pouvoir soulever un trophée pour son pays. Il n'y a que dans le travail qu'on pourra se forger un caractère. Combien de champions ont loupé des combats avant et qui ont réussi à gagner après ? On a quand même la chance de faire un beau sport, maintenant on va essayer de s'attacher aux choses qui sont possibles.

 

Tout ce que vous avez emmagasiné ces trois dernières années, qu'est-ce que ça va vous apporter pour la Coupe du monde 2019 ?

De l'expérience. C'est vrai qu'à l'Euro des jeunes joueuses ont gagné en expérience malgré leur jeune âge. Mais pour 2019 ce sera complètement différent parce que ce sera une Coupe du monde à la maison. L'attente et la pression vont forcément être énormes. Faut juste travailler sereinement, on a deux ans pour le faire et ça commence aujourd'hui. Il faut prendre conscience que le chemin est long mais pourquoi pas suivre l'exemple des Pays-Bas.

 

« On apprend à tout âge, on n'a jamais fini de progresser
et on a toujours des lacunes à gommer ».

 

Les Pays-Bas avaient aussi mis deux ans à préparer leur Euro à domicile, donc vous êtes dans le bon timing ?

On verra. L'avenir nous le dira. Après comme je l'ai dit il ne faut pas se voir trop belles car notre palmarès est vierge et il y a des équipes qui sont beaucoup mieux armées que nous. Maintenant on a deux ans. Pour nous la Coupe du monde c'est un rêve et pendant ces deux ans je vais travailler au maximum, être concentrée de la première à la dernière minute, à chaque match, en club aussi faire les efforts et après on verra.

 

L'arrivée de nouvelles joueuses ?

Oui c'est bien, ça démontre qu'en club elles sont performantes. Sans ça on ne peut pas être en équipe de France. Elles ont donc une certaine régularité. Maintenant pour moi il n'y a jamais eu de « jeunes » ou « d'anciennes », je pars du principe que quand on est appelée c'est que la coach compte sur nous. Que la fille ait 18 ans ou 32 ans, pour moi chaque joueuse est importante. L'avenir appartient aux jeunes. En 2019 ce sera à elles de continuer à progresser dans leur club et à nous de le faire aussi. On apprend à tout âge, on n'a jamais fini de progresser et on a toujours des lacunes à « gommer ». En 2019 ce sera à nous, individuellement, de se remettre en question en club, de bosser pour essayer de faire quelque chose.

 

Il y aura aussi des automatismes à retrouver ?

Aussi. Le groupe a beaucoup changé par rapport au dernier Euro. Il y a des repères à prendre et même si on se connaît, le rectangle vert ça ne rigole pas. On essaie de travailler les automatismes à l'entraînement, ça passe aussi par de la communication et quand on est sportive de haut niveau on doit s'adapter. C'est à nous de le faire rapidement même si par moment ce n'est pas facile. Mais il faut le faire quelque soit la coéquipière qui est à côté, essayer de comprendre rapidement le jeu et anticiper.

 

J'ai vu que tu avais marqué ce week-end avec Lyon (victoire 5-0 contre Guingamp en championnat) ?

Oui (rires). Au début ils avaient attribué le but à Ada Hegerberg. Ca démontre que je suis capable de marquer aussi (rires), et même du pied ! Parce que tout le monde dit que je ne marque que de la tête. Mais peu importe, l'important c'était le collectif, la victoire car ce n'était pas un match facile. Au début du match on a joué contre le vent. Guingamp a mis le pressing. Après on a réussi à jouer plus dans leur camp, on a marqué et on a élevé notre niveau de jeu par raport aux quinze premières minutes. Ca a été chose faite, à la mi-temps le coach (Reynald Pedros, ndlr) a recadré certaines choses et on est reparties de plus belle.

 

Est-ce que ça te tenterait un jour de passer attaquante ?

Non pas du tout (rires) ! Je suis très bien derrière. C'est un poste où je vois tout. J'aime repartir de derrière. C'est le plaisir, de pouvoir combiner à partir de derrière, pour que ça arrive devant. Il n'y a rien de plus beau quand c'est comme ça. D'être dans la récupération, de tacler etc...c'est pour ça que je fais du foot ! Après de nos jours on rajoute encore plus de la rigueur mais je profite aussi des coup-franc pour marquer. Je prends plaisir à ce poste.

 

Corinne Diacre était défenseure comme toi et elle a terminé attaquante !

(Elle sourit) Oui mais bon...on verra, l'avenir nous le dira mais pour l'instant je pense quand même rester à mon poste derrière (rires).

 

 

Dounia MESLI