Dans le Football, il faut toujours faire des choix. Passer par des dilemmes, qui peuvent parfois payer. A l'instar de ce pari relever par Emelyne Laurent. En janvier dernier, la jeune Montpelliériane U19 signe avec l'équipe première de Bordeaux, à ce moment dans une position inconfortable et de relégable plausible. Mais la situation va s'inverser et l'équipe parvient à se sauver et rester en D1 lors du dernier match contre Paris, pour son premier exercice dans l'élite. L'internationale française U19 y est pour beaucoup, puisqu'elle va offrir des victoires importantes, comme celle contre Marseille (1-0). Une vitesse détonante et une capacité quasi-parfaite dans la finition font d'elle une joueuse redoutable. Interview.

 

Coeurs de Foot - A Montpellier tu t'entrainais avec le groupe de D1 mais tu jouais avec les U19 ?
Emelyne Laurent - Exactement, je m'entraînais avec l'effectif de la D1 et je disputais les matchs avec l'équipe U19. 

 

Coeurs de Foot - Tu aurais pu continuer avec les U19, mais tu as voulu jouer jeune en D1 et rapidement ?
E.L. - En effet, j'aurai pu continuer en U19 mais cette saison on est descendue en excellence (quatre groupes, et un niveau en-dessous de l'élite U19) mais je ne voulais pas rester à ce niveau là parce que par rapport à l'élite (composé de deux groupes) il est moins attrayant pour moi, même s'il y a de belles formations tout de même.

 

Coeurs de Foot - C'est une demi-saison on va dire pour toi, mais qui a été riche en apprentissage ? C'était rapide quand même comme apprentissage ? Sur quel points tu penses avoir appris durant cette année ?
E.L. - Une demi-saison ? Oui on peut dire ça, parce que j'ai fait une partie en U19 avec Montpellier et l'autre partie avec Bordeaux et en D1. Deux demi-saisons avec deux niveaux différents.
Oui elle a été enrichissante. (rires) De plus elle a été rapide, j'ai joué le football que j'avais l'habitude de jouer et le fait d'avoir été bien intégrée dans le groupe, les choses ont été plus simples.
Déjà sur le plan de la maîtrise des émotions, parce que nous étions quand même dans une situation délicate. Il fallait garder tout de même en tête les objectifs et ne pas craquer parce que mathématiquement [quand je suis arrivée] on était pas relégable en D2, donc on devait rester bien psychologiquement et en place. Il y a aussi la gestion des matchs qu'il fallait prendre en compte, parce que c'est quand même le haut niveau. Dans l'approche aussi de la préparation des matchs, c'est un peu plus professionnel [que les U19] beaucoup plus. On joue contre des équipes semi-pro, voir pro. C'est aussi un point sur lequel j'ai dû progresser, je pense. Au niveau du jeu, je me suis aguerrie physiquement, dans les contacts (les duels) notamment. 

 

Coeurs de Foot - T'as l'air d'être une joueuse qui a beaucoup de confiance en soi, c'est une vraie force ?
E.L. - (blanc) Ah vous trouvez ? (s'esclaffe) Nous n'allons pas nous mentir, mais quand j'étais en U19 j'avais pas super confiance [en moi], mais quand je suis arrivée là [à Bordeaux] je me suis lâchée, je me suis sentie bien et c'est ce qui a fait la différence aussi. J'étais consciente d'avoir quelque chose et j'ai essayé de me prouver à moi même ce que je savais faire. Je me suis dit aussi qu'il fallait qu'on compte les unes sur les autres. De mon côté j'ai tout mis en oeuvre pour qu'on puisse compter quand même sur moi, même si parfois c'était compliqué... Je voulais absolument aider l'équipe et apporter un plus.

 

Coeurs de Foot - Avec Bordeaux tu as dû t'adapter à ton équipe, mais aussi à ton nouveau poste de jeu en pointe ? Jerome Dauba (coach) nous a confié que tu apportais dans le jeu en profondeur par ta vitesse et que tu t'es révélée dans la finition pour marquer les buts ? C'est quelque chose que tu as dû travailler en fait ?
E.L. - Oui c'est ça, ah oui (acquiesse). C'était pas facile [de jouer en pointe], parce que c'est un poste où je joue rarement, même par rapport à mon gabarit on va dire, mais franchement ça c'est vraiment bien passé, même très bien. Je pensais pas que j'allais aussi bien m'y adapter [à ce poste].
Oui, mais en fait j'ai toujours marqué des buts en U19. Après en D1, c'est un vrai que c'est un autre niveau. Lors des deux premiers matchs [avec Bordeaux] je n'avais pas marqué, et le coach me connaissait pas non plus, donc je me suis vite adaptéed. En deux matchs, trois matchs j'ai vraiment pris le pas et après c'était dans la continuité [de mon travail]. Je me remettais tout le temps en questions aussi. (sourire) Vous pouvez demander aux filles (rires), parce qu'après les matchs, j'étais jamais satisfaite.

 

Coeurs de Foot - Tu dis aussi sur girondins33 que tu aimes bien "les actions où ça va vite", ta vitesse c'est un vrai atout ? Et on a l'impression qu'à Montpellier y'avait de la concurrence sur ce point, c'est aussi la raison de ton départ ?
E.L. - Franchement oui c'est un atout parce que j'aime bien me déplacer dans les espaces, jouer en une, deux, trois touches. J'utilise beaucoup ma vitesse donc c'est vrai que c'est un atout, mon atout principal, mais je travaille aussi d'autres aspects comme mon positionnement. 
Je sentais que je stagnais à Montpellier, et j'avais besoin de passer un palier, même si j'étais jeune, je ressentais cette envie parce que je suis assez ambitieuse. Mais je ne suis pas partie sur un coup de tête, c'est vraiment une décision mûrement réfléchie. En plus, c'est vrai qu'il y a beaucoup de concurrence à Montpellier. J'avais besoin de me prouver à moi-même que je pouvais apporter à une équipe en D1.

 

Coeurs de Foot - Tu as inscrit 5 buts cette saison, c'est plus que Dzsenifer Marozsan, ou autant qu'Alex Morgan à seulement 19ans. (léger rires) Qu'est-ce que ça te fait ?
E.L. - Franchement, c'est... magique. Des fois, je me dis "quand même Emelyne, t'as marqué". On va dire que c'est un plus [parce que c'est pas mon rôle premier au départ] mais c'est beaucoup grâce à l'équipe, les filles. Quand vous avez confiance en vous, vous faite l'impossible.

 

Coeurs de Foot - Ce dernier match de la saison contre Paris tu disais (sur Twitter) juste avant que vous alliez "le jouer avec cette envie de réaliser l'exploit" donc c'était bien ancré dans votre tête d'aller chercher coûte que coûte cette place de 10e pour rester en D1 ? On a senti aussi que tu avais vraiment une préparation mentale dans cette demi-saison avec Bordeaux.
E.L. - (Rires) Le fameux match. Exact. Ah oui absolument, on allait pas trop le dire parce que tout le monde nous voyait perdant et redescendre en D2. Nous savions très bien que malgré l'écart entre les équipes du haut du classement et celle du bas nous pouvions le faire ce qui nous a permis de réaliser l'exploit. Nous voulions rester dans le championnat élite. Le fait d'y croire, ça nous a boosté lors de ce dernier match pour garder notre place en D1. On a joué avec l'envie de rester dans l'élite et si je devais garder un match ça serait celui-là. Parce que mener 2-0 contre Paris, c'est quand même un "exploit".
Oui parce que j'avais déjà vécu des "moments" avec Montpellier, qui m'ont forgé et quand je suis partie à Bordeaux, je me suis dit que de toute façon je savais à quoi m'attendre. Le football se joue aussi psychologiquement, donc il faut être préparée dans cet aspect également. Il ne faut rien lâcher. Il faut tout le temps confirmer, l'erreur nous l'a connaîtrons toute notre vie, cependant nous pouvons faire en sorte d'en faire le moins possible.

 

Coeurs de Foot - Quand on est jeune, on rêve de beaucoup de choses, on a parfois du mal à prendre du recul. Comment tu fais pour garder les pieds sur terre?
E.L. - Personnellement, dans la vie quotidienne je suis quelqu'un d'assez cartésienne, je réfléchie beaucoup, beaucoup, je pose le pour et le contre tout le temps et même trop souvent parfois. Je m'entoure de personnes qui comptent pour moi aussi, ma famille notamment, mes parents qui m'aiguillent un peu dans ce que je vais faire.

 

Coeurs de Foot - Pour évoquer de la sélection où tu joues depuis les U16 et en particulier de l'équipe de France U19, tu as joué tous les matchs dont ceux pour la phase de qualification à l'Euro. On a senti que c'était difficile pour l'équipe, surtout face aux Pays-Bas, qu'il fallait absolument gagner pour être qualifié directement (les Bleuettes ont terminé meilleure deuxième).
E.L. - Oui, c'était très difficile. On avait un effectif avec des filles qui n'avaient pas vraiment beaucoup joué ensemble et qui ne jouaient pas forcément dans des clubs de haut de tableau de D1, comme par exemple l'année dernière où c'était le cas. Donc forcément y'a une différence [entre la génération championne d'Europe 2016 et celle de cette année]. On a quand même des qualités, bien heureusement pour nous, on est arrivées à se qualifier quand même pour l'Euro. On va devoir saisir cette opportunité de jouer à fond la phase finale, parce que l'équipe de France est quand même championne d'Europe en titre. Faudra prouver qu'on est capable d'être championne d'Europe aussi. Maintenant on va prendre les matchs les uns après les autres parce que c'est toujours une expérience à prendre en plus de jouer en équipe internationale.

 

Coeurs de Foot - Lundi vous avez appris la bonne nouvelle et ce jeudi vous connaîtrez votre groupe. Y'a de l'appréhension forcément, vous serez attendue.
E.L. - Oui, c'était déjà en bonne voie [parce qu'on a terminé meilleure deuxième en phase de qualification].
Oui très attendue. On a un peu d'appréhension certainement, même sûrement... Après il reste un peu de temps, donc on va profiter des vacances pour se ressourcer avec nos familles, mais ça va arriver très vite. On va devoir bien travailler lors de la préparation et on verra ce qu'il adviendra.

 

Coeurs de Foot - Sur quels points selon toi il faut progresser en vue de cette échéance par rapport à la phase de qualification ?
E.L. - Individuellement on a beaucoup de qualités mais après on va dire tactiquement, sur le plan des déplacements, des positionnements y'a beaucoup de choses encore à travailler, je pense. Quand on a le ballon après on y arrive, mais voilà y'a encore quelques réglages en vue de cet Euro.

 

Coeurs de Foot - Dernière question, ça concerne certaines rumeurs qui planent autour de toi concernant ton changement de club. On parle de Lyon.
E.L. - Alors écoutez j'ai pas encore les réponses à cette question, comme tout le monde n'arrête pas de parler de ça. Nous verrons en temps et en heure.

 

Coeurs de Foot - Parce que l'OL ils ont besoin de jeune comme toi, décisive, avec une qualité propre comme ta vitesse, pusique dans l'effectif de la D1, il n'y a pas beaucoup de joueuses U19, comparé par exemple au PSG ou Juvisy.
E.L. - Je dirais qu'ils ont des jeunes comme moi, ils ont envie de compléter encore un plus leur effectif.

Dounia MESLI